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Dans une brève allocution télévisée, les Maliens ont appris la déclaration de démission du Premier ministre Cheick Modibo Diarra et de son gouvernement. Si cette démission a suscité beaucoup d’interrogations, l’explication donnée par le capitaine Amadou Haya Sanogo leur a laissé les Maliens sur leur faim.

L’on se demande si le capitaine Amadou Haya Sanogo a dit toute la vérité. L’on se rappelle encore qu’au lendemain du coup d’Etat du 22 mars dernier qui a chassé le général Amadou Toumani Toure du pouvoir, la communauté internationale, à travers la CEDEAO, et l’Union africaine (UA) avaient contraint la junte militaire à restaurer l’ordre constitutionnel. C’est sous cette pression qu’est intervenu l’Accord- cadre entre la CEDEAO et la junte, accord qui institua un Premier ministre de pleins pouvoirs.

Les Maliens, dans leur majorité tout en soutenant le coup d’Etat, ont eu à saluer également cet accord et surtout le choix porté sur Cheick Modibo Diarra comme Premier ministre de pleins pouvoirs et ont eu à saluer le capitaine Sanogo pour l’acte politique qu’il vient de poser.
Ce soutien à la junte et au Premier ministre a été prouvé lors d’un grand meeting organisé le 12 août 2012 au stade du 26- Mars par le Haut Conseil islamique. Tout l’espoir fut fondé sur le duo «capitaine Sanogo-Cheick M Diarra», désavouant ainsi toute la classe politique.
Cependant, comment expliquer aujourd’hui ce divorce entre les deux hommes. Bon nombre le Maliens se posent la question comment est-ce qu’on est arrivé la !

L’intervention télévisée du capitaine Sanogo n’a fait qu’accroître les supputations et susciter des discussions au sein du peuple malien. En essayant de tenir l’image du Premier ministre, le capitaine n’a fait que semer du doute dans la tête des Maliens sur ses vraies intentions.
Aucun esprit éclairé n’a pu avaler ses propos. Ce qui fait que bon nombre de Maliens se demandent pourquoi cette intervention inopinée et inopportune. Le capitaine serait-il en mauvaise conscience ! Puisque ce n’est ni la première ni la deuxième fois qu’il ait démissionné de Premier ministre au Mali, nul n’est venu expliquer aux Maliens quoique ce soit.

Le capitaine a-t-il réellement posé se mots avant de les balancer à la figure des Maliens ! Si réellement ses accusations de corruption des officiers, sous- officiers et hommes de rang et aussi les accusations détournement de fonds publics et de boycottage des institutions à l’encontre des désormais ex-Premier ministres étaient fondées cela n’équivalerait-il pas à une haute trahison ! Pourquoi ne l’arrêterait-il pas pour qu’il rende compte aux Maliens devant les tribunaux.
Une chose est sûre, c’est que l’ex Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, a déclaré ici à la télévision que son gouvernement et lui étaient en train de servir leur pays il y a quelques mois et qu’aucun parmi eux n’a touché à son salaire et pourtant, il n’a pas été démenti à ces propos.

Mieux, il n’est un secret pour personne qu’au lendemain du coup d’Etat, notre pays avait été mis sous anesthésie et c’est grâce au dynamisme et au dévouement du Premier ministre (PM) Cheick Modibo Diarra que la confiance avait été rétablie et les différents partenaires avaient commencé à signer leur retour. Mieux, nous avons assisté dès lors à une mobilisation exceptionnelle de toute la communauté internationale autour du problème de notre pays.

Quand le capitaine dit que depuis sa nomination, le PM n’a rien fait, nous ne pensons pas que ceux-ci soient rien. Car certes, sans armes, la guerre, c’est d’abord des hommes ensuite les armes.
Donc, cette mobilisation est une phase importante dans la préparation mentale et idéologique de nos troupes.

Nous pensons en effet que le capitaine Amadou Haya Sanogo n’a pas dit toute la verité. Le capitaine serait-il tombé dans les mailles des politiciens ! En tout était de cause, en se débarrassant de cette façon du Premier Cheick Modibo Diarra, le capitaine doit savoir qu’il vient de briser le dernier rempart entre lui les politiques. Donc, il a tout intérêt à faire beaucoup plus attention au risque de se faire avaler par les politiques.

On peut se débarrasser du lépreux sans pour autant lui retirer de force sa main, dit le sage.
En voulant discréditer l’ex-Premier Ministre, ternir son image, le capitaine ne ferait-il pas de lui un héros ! Car la nature humaine, en général et le Malien en particulier, a horreur de l’injustice et la vérité, peu importe le temps, finira toujours par éclater.

Daouda DOUMBIA

L’Inter de Bamako du 24 Décembre 2012