Hier, la consternation et la douleur se lisait sur tous les visages aussi bien au ministère de la Défense et des Anciens combattants, qu’au niveau des différents États-majors et services de l’armée. Plus particulièrement à la Base aérienne 100 de Bamako, où s’était déroulée une partie de sa carrière.
L’armée sait qu’elle vient de perdre un grand chef. Affable, courtois, rassembleur, on hésite entre les termes positifs pour décrire le général Cheick Diarra. « Je l’ai connu en 1970, lorsque je faisais ma formation commune de base à Kati.
Le sous-lieutenant, chef de la première section nous a très vite séduits à cause de sa rigueur dans le travail et sa tenue. Il était aussi très intelligent », se rappelle le commandant d’aviation Kaman Keïta. Ce dernier, chef actuel des moyens techniques de la Base 100, fait partie des compagnons fidèles du Général.
« A la création de l’État-major de l’armée de l’air en 1976, je me suis retrouvé sous les ordres directs de Cheick Diarra, promu entre-temps au grade de capitaine. Il n’aimait pas le travail bâclé ou fait à moitié. C’était un perfectionniste. Cheick s’intéressait à la vie des ses hommes. Il avait toujours le temps pour les baptêmes et autres cérémonies sociales des hommes de troupe. Lorsque j’étais son secrétaire particulier à la Direction de la sûreté nationale, de janvier 1988 à octobre 1989, nous n’avions pas d’horaire de fin de travail« , souligne Kaman Keïta.
Le commandant de la Base 100, le lt-colonel Sidi Mohamed Touré déclare avoir perdu pas seulement un chef, mais un grand frère et un ami. « Cheick est un symbole pour moi. C’est lui qui fût mon repère depuis mon recrutement dans l’armée en 1972 jusqu’à maintenant. Lors de son avant-dernier séjour à Bamako, il m’a rendu visite au bureau, puis m’a demandé de l’accompagner pour une visite de courtoisie à notre chef d’État-major. Il a d’ailleurs profité de cette visite pour finaliser son dossier de retraite. C’était en fin d’année qu’il devait faire prévaloir ses droits à la retraite« , rapporte l’officier.
Le commandant de la Base 100, duquel relevait Cheick Oumar Diarra, surmonte sa peine en soulignant le fait que les autorités lui aient confié l’organisation de la cérémonie de funérailles.
Né le 30 janvier 1944 à Markala, Cheick Oumar Diarra fait ses études primaires dans sa ville natale entre 1951 et 57, puis ses études secondaires au Lycée Askia à Bamako. Ensuite, il entre à l’École des travaux publics (l’actuelle ENI).
Mais très vite, il opte pour la carrière militaire. Il est alors admis à l’École militaire interarmes de Kati en 1964. Après le cycle de trois ans à l’École d’officiers, il en sort avec le grade de sous-lieutenant le 1er octobre 1969.
Il est nommé lieutenant deux ans plus tard, en octobre 1971. « Officier plein d’initiative et travailleur infatigable« , comme le notaient ses chefs d’alors, le lieutenant devient le capitaine Cheick Oumar Diarra, le 1er février 1976 et commandant quatre années plus tard en 1980.
Il obtient ses galons de lieutenant-colonel en 1986 et ceux de colonel en 1992. Cinq ans plus tard en 1997, il est nommé général de brigade. La poitrine de Cheick Diarra était bardée de médailles et de distinctions honorifiques.
Il est fait Chevalier de l’ordre national en 1976, Officier de l’ordre national en 1982 et Commandeur de l’ordre national en 1999. Il obtint deux médailles commémoratives de la campagne 1976 et 86, la Croix de la valeur militaire en 1999, la médaille de maintien de la paix des Nations unies n° 1, 2 et 3 entre 1994 et 1996. Puis celle de maintien de la paix au sein de l’Ecomog en 1997 et enfin la médaille d’or de la Légion d’honneur française.
Cheick Diarra, était détenteur du certificat de l’enseignement militaire supérieur (3è degré), du certificat du cours supérieur interarmées, du brevet d’études militaires supérieures de guerre de paris (1994). Il avait un diplôme d’ingénieur militaire de l’École supérieure de l’aéronautique de Kiev (-ex URSS en 1974).
Le général Cheick Oumar Diarra, appartient à la fois à l’armée, à l’administration publique, au monde sportif et à la diplomatie. En effet, Cheick O. Diarra alors capitaine assura les fonctions de commandant télécom à la création de l’armée de l’air en 1976.
Il sera ensuite nommé chef d’État-major adjoint de l’Armée de l’air en 1979, avant de se voir confier en 1986, les fonctions de chef de la division programmation de l’État-major général, puis la même année il est chef de cabinet du ministère de la Défense.
Il fût directeur de la sûreté nationale en 1987, directeur de cabinet du ministère de la Défense en 1989, puis ministre des Transports et des Travaux publics sous la transition, en 1991.
Inspecteur en chef des forces armées en 1992, chargé de mission au ministère de la Défense (1992-94), directeur de la police civile (Civpol) pour le compte de la Mission des Nations unies au Rwanda (1994-96), il est commandant de contingent, et officier chef des liaisons et commandant de secteur pour les élections, à l’Ecomog, à Monrovia (1996-97).
Il fut directeur de la police civile de la mission des Nations unies en Centrafrique de 1998 à 1999. En 2000, Cheick O. Diarra est nommé ambassadeur itinérant du Mali auprès de la CEDEAO dont il deviendra le secrétaire exécutif chargé des affaires politiques, de la défense et de la sécurité, jusqu’à sa mort le week-end dernier.
On ne peut parler de Cheick Diarra sans évoquer son parcours dans le monde sportif. Il a été pendant longtemps responsable de la commission d’organisation de la Fédération malienne de Football (80-85), avant de devenir le président de la FMF entre 1985-88.
« En ma qualité de reporter sportif, j’ai souvent approché Cheick au niveau de la Fédération. J’ai retenu de lui sa grande simplicité, son intelligence. Cheick Diarra savait responsabiliser chacun. Il n’était pas autoritaire, mais savait se faire obéir« , témoigne Mamadou Kaloga, journaliste sportif et président de la commission médias de
la Fédération malienne de football.
Le général Diarra laisse derrière une veuve et six enfants.
Dors en paix Cheick Oumar Diarra !
M.N. TRAORÉ
-L’Essor du 25 octobre 2005.