Hier au bureau des ulémas de l’ORTM, l’atmosphère était surchauffée et la colère était perceptible sur les visages.
Les deux petits bureaux des ulémas étaient pris d’assaut par des fidèles qui voulaient en savoir plus sur cette confusion.
« Ça, c’est vraiment de la pagaille ». « Nous n’avons jamais vu cela dans aucun pays du monde ». « En tout cas, nous n’avons pas jeûné », pouvait-on entendre par-ci par-là.
Mais, Daouda Dia du bureau des ulémas va plus loin en accusant la Commission d’observation de la lune. « La Commission n’a pas pris ses responsabilités. Elle doit œuvrer pour l’unité de tous les musulmans.
Il y a dans cette Commission une minorité de personnes qui veulent tout calquer sur l’Arabie saoudite. Comment une personne peut se lever à 4 h du matin pour dire qu’elle a aperçu la lune ? », s’est-il interrogé.
De son côté, Aly Timbo, membre de la Commission depuis 30 ans, rejette la responsabilité sur le directeur national de l’intérieur, Boubacar Sow, signataire, selon lui, du communiqué de 4 h du matin.
« La Commission a siégé jusqu’à 22 h 30. Nous avons appelé tous les cercles. La lune n’ayant pas été aperçue, on a décidé de fixer le début du ramadan à mercredi pour éviter toutes confusions. Si la lune a été aperçue, comme on le dit à 3 h dans un village inconnu de la région de Mopti, la religion dit que ceux-ci peuvent jeûner. Mais, le directeur national de l’intérieur ne devait plus faire un communiqué à cette heure parce que la télé et la radio nationales étaient fermées et les gens dormaient ».
« Le nafila n’est pas obligatoire »
Au bureau des ulémas, on reste ferme : le mois de ramadan débute ce matin. Cette confusion va porter un coup dur à l’unité des fidèles qui ne s’accorderont pas sur le jour de la fête du ramadan.
Durant le mois béni de ramadan, les fidèles doivent s’abstenir de manger, boire, mentir et faire des rapports intimes du lever au coucher du soleil.
Selon Daouda Dia, toutes les personnes âgées de 18 ans peuvent observer le jeûne, exceptées les vieilles personnes, les diabétiques, les personnes atteintes de l’hypertension, de l’estomac, les faibles, les femmes enceintes ou qui allaitent. Mais, elles doivent jeûner après cette période.
Les affirmations selon lesquelles les pâtes dentifrices, les parfums peuvent rompre le jeûne, sont démenties par M. Dia qui ajoute que : « même la prière collective du soir (nafila) n’est pas une obligation ».
Le mois de ramadan survient cette année dans un contexte très difficile marqué surtout par la cherté des céréales, du sucre, la flambée des prix des transports, etc.
Il coïncide également avec la rentrée des classes qui nécessite beaucoup de dépenses. Toutes choses qui ne facilitent pas le jeûne.
Les fidèles lancent un appel aux autorités afin qu’elles prennent des dispositions pour que ce mois béni se passe dans de bonnes conditions.
Sidiki Dembélé
OBSERVATION DE LA LUNE
Le dilettantisme de la Commission
Le jeûne observé dans le désordre cette année dans notre pays (puisque ceux qui ont été pris de court hier ont débuté leur mois aujourd’hui) est imputable à la Commission d’observation de la lune et au ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales à travers la direction nationale de l’intérieur.
Le démarrage du mois de ramadan est conditionné à l’apparition du mois lunaire. Le jeûne n’est dans ce cas obligatoire qu’aux fidèles ayant aperçu le croissant lunaire.
Le Mali est un vaste territoire de 1 240 000 km2 et partage 7 frontières avec des pays voisins.
Le coucher et le lever du soleil ne se font pas au même moment dans toutes les régions a fortiori l’apparition de la lune.
Pis encore, le mois lunaire ne comporte jamais 28 jours. Il n’y a que des mois de 29 et 30 jours sur le calendrier hégirien. Normalement la fameuse commission devait siéger hier ou ce soir.
Rien que pour ces trois considérations l’existence de la Commission d’observation de la lune n’est que pour créer la pagaille au sein de la communauté musulmane.
Une autre considération est que le ministère de l’Administration territoire et des Collectivités locales quoi qu’assurant la tutelle des affaires religieuses dans notre pays, n’a pas pour rôle d’édicter sa volonté aux croyants. La religion musulmane est spécifiquement basée sur la foi en Dieu et à son prophète Mohamed (PSL).
Il n’y a aucune place pour le hasard ou la volonté d’un individu. Le ministère à travers la direction nationale de l’intérieur doit jouer un rôle de stricte neutralité.
Le mois de ramadan observé de façon dispersée au Mali ouvre la voie à une fête de l’Aïd el-fitr en désordre. L’Etat a combattu l’année dernière des confréries pour avoir organisé leur fête le lendemain de la date officiellement convenue avec l’Association malienne pour l’unité et le progrès de l’islam (Amupi).
Le même Etat aura contribué cette année à encourager chacun à décider de son jour de fête.
Abdrahamane Dicko
05 septembre 2005.