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Si le professeur Mamadou Lamine Traoré était au sérieux en émettant ce « voeu », peu avant la rentrée 2005-2006, dans les locaux de l’hémicycle, il semble avoir pris une initiative unilatérale. Le Ministre de l’Education nationale entendait par « civiliser l’espace scolaire », entre autres, l’uniformisation de la rentrée scolaire et universitaire et la réduction des grèves intempestives.

Ce voeu pieux du Pr Mamadou Lamine, que beaucoup de Maliens partagent d’ailleurs, resta l’affaire du seul gouvernement jusqu’aux deux derniers mois. Mamadou Lamine Traoré qui avait jusque là fait cavalier seul est rejoint par des enseignants semblant ne plus jurer que par son nom.

Ainsi, une pétition fut signée par les défenseurs de la cause du ministre de l’Education nationale contre une grève prévue par les enseignants contractuels du secondaire les 13 et 14 mars derniers.

A leur décharge, les signataires de cette pétition rappelaient : « vu que le mot d’ordre de grève décrété par le bureau du SYPCES viole les dispositions de la loi qui stipule au dernier alinéa de son article 2 que le préavis doit parvenir 15 jours avant le déclenchement de la grève à l’autorité hiérarchique de gestion territorialement compétente. Vu que nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance aux efforts louables déployés par l’Etat à notre endroit depuis l’arrivée du Professeur Mamadou Lamine Traoré à la tête du département… Nous signataires de la présente condamnons la décisions unilatérale du bureau SYPCES« .

Sommes nous en face de la vieille politique de diviser pour mieux régner ? De toutes les façons, le syndicat des enseignants contractuels du secondaire est sapé jusqu’à la base. Les fidèles de Mamadou Lamine Traoré assurent que les efforts du Ministre de l’Education nationale sont « empreints d’un sens élevé de la justice« . Les mérites du chef du département auraient été « l’alignement des salaires des enseignants contractuels sur ceux des fonctionnaires ; l’élaboration des textes sur le plan de carrière et la correction de la nouvelle grille ; la prise en compte des revendications relatives au reversement à l’INPS des retenues sur les salaires antérieurs à la transposition des professeurs contractuels de l’enseignement secondaire.

Les pétitionnaires ont également fait savoir que l’actuel bureau du SYPCES est en fin de mandat et que la voie du dialogue et de la négociation a été et demeure leur force. Comme s’ils voulaient tendre une main à leurs camarades tombés dans l’illégitimité. La bravade des dissidents atteint son comble lorsque ces derniers ont exigé « la tenue d’un congrès pour la mise en place d’une direction plus responsable et exclusivement tournée vers les intérêts » de leur corps, et le retour du SYPCES au sein de la grande famille FEN conformément à l’esprit d’une « Ecole apaisée et performante« .

Le bureau national du SYPCES ne démord pas cependant et crie au scandale entretenu par des gens qu’il estime être à la solde du Ministre de l’Education nationale. Pour enfoncer le couteau dans la plaie, ils viennent de déposer un préavis de grève. Si cette grève venait à être effective, elle représentera un grand handicap pour les évaluations en cours dans les classes terminales en particulier.

Les espoirs sont minces quant à un accord entre les deux parties. A l’issue des précédentes négociations, les contractuels ont été sévèrement déçus. Après deux heures de négociations, la rencontre s’était soldée par un échec.

Quatre points étaient à l’ordre du jour : l’application sans délai des textes sur le plan de carrière et l’application correcte de la nouvelle grille ; le reversement à l’INPS des retenues sur les salaires antérieurs à la transposition des professeurs contractuels de l’enseignement secondaire ; le paiement de tous les arriérés des professeurs contractuels de l’enseignement secondaire, et la finalisation sans délai de l’immatriculation des professeurs contractuels de l’enseignement secondaire régis par le décret du 13 décembre 2005.

Aucun de ces points n’avait fait l’objet du moindre accord, et le Sypces avait déploré dans un Communiqué de presse « la mauvaise foi du ministère de l’Education, qui d’accord en accord n’arrive pas à honorer ses engagements« .

La grève annoncée et qui doit durer 72 heures, les mercredi, jeudi et vendredi prochains est de nouveau compromise. D’un côté il y a les partisans de la ligne dure, ceux qui ont décidé, en plus des débrayages, de prendre en otage les notes des évaluations de fin d’année. Contre ces derniers agissent les modérés, les pétitionnaires qui pensent que trop c’est trop.

Les mouvements de grève ne concernent pas cette année que les contractuels du secondaire. Les autres niveaux d’enseignement ont été récemment secoués par une série de grèves et chaque syndicat promet de revenir à la charge. Il y a environ trois semaines, les professeurs de la FAST (Faculté des Sciences et Techniques) qui habituellement ne sont pas « bavards » sont entrés dans la danse.

Ils avaient exprimé leurs ras-le-bol devant la négligence de leur cas et avaient aussi menacé de recourir à la rétention des notes si rien n’est fait avant les évaluations de fin d’année. C’est à leur corps défendant que les enseignants de la FAST ont décidé de faire entendre leur voie de la sorte. « Nous avons compris que dans notre pays ceux qui travaillent sont oubliés« , a expliqué un responsable syndical de la FAST.

L’enseignement fondamental n’est pas non plus en reste. Les contractuels de ce secteur ont marqué la reprise après le congé de Pâques par un débrayage qui n’a échappé à personne.

A la FLASH (Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines) et à la FSJE (Faculté des Sciences Juridiques et Economiques), les doléances ne manquent pas, même si pour l’heure c’est la gestion des conséquences des grèves extrêmes qui préoccupe.

En somme, l’Ecole malienne fait aujourd’hui trop de cumul de grèves et de rétentions de notes pour qu’à court ou long termes ce cocktail explosif surprenne tous en mettant à genoux davantage la qualité des apprenants.

Mais en attendant, la surenchère entre le gouvernement et les enseignants d’une part, et de l’autre entre les enseignant eux-mêmes, a de beaux jours devant elle.

Ismaïla Diarra

09 mai 2006.