Les années se suivent et se ressemblent pour nos athlètes. Chaque fois que vient l’été olympiade, c’est la désillusion qui succède à l’espoir. Espoir de voir enfin un athlète malien monter sur le podium des médailles et combler l’espoir de tout un peuple.
L’espoir est malheureusement vite balayé sur le terrain. Les sportifs maliens, malgré le sacrifice consenti par les instances sportives (ministère de la Jeunesse et des Sports, Comité national olympique et sportif du Mali, fédérations), ne font pas le poids face aux ogres américains, jamaïcains, nigérians et chinois. Mais comment expliquer cela ?
L’inexpérience de nos athlètes en est pour beaucoup dans cette disette. En dépit de la bonne préparation (plus de 5 mois en Afrique, Europe, Amérique, Asie, Océanie etc.), le récent parcours des athlètes maliens au JO « Pékin-2008 » est à oublier vite.
Battues lors de leur entrée en lice de justesse par la Nouvelle-Zélande (72-76), les Aigles basketteuses ont perdu toutes les autres confrontations en s’inclinant successivement face à la République Tchèque (47-81), aux Etats-Unis (39-99), à la Chine (48-67) et à l’Espagne (47-79).
Les championnes d’Afrique ont chuté de haut. Le technicien français, José Ruiz, n’a pas vu venir le changement et s’est arc-bouté dans les choix où ses pouliches mettaient du temps à entrer dans les matches. La piteuse élimination au 1er tour avec la blessure de la capitaine Hamchétou Maïga n’a fait que révéler les failles et les limites de son système.
Quant aux athlètes Kadiatou Camara ( 200 m) et Ibrahim Maïga ( 400 m haies), ils ont bénéficié d’une formule qui fait depuis longtemps le succès de la discipline mère du Mali lors des rendez-vous mais qui ne suffit plus pour gagner. En réalité, à « Pékin-2008 », pour nos deux athlètes, seule leur audace personnelle a payé. A preuve, Kadiatou Camara « La », la vice-championne d’Afrique du 200 m et plusieurs fois championne du Mali du 400 m/haies, n’a été éliminée qu’en quarts de finale du tournoi d’athlétisme.
Accusations
« Le chrono de 22.70 correspond à celui d’une finale olympique. Je rêve d’une médaille olympique et avec ce nouveau chrono tout est possible » . Ces propos de la championne du Mali et recordwoman du 200 m, Kadiatou Camara traduisaient bien la grande confiance de l’athlète à quelques jours du coup d’envoi des JO. En effet, celle qu’on considérait comme étant la seconde chance de médaille du Mali en compagnie de Daba Modibo Kéita pour le compte des 200 m dames a été éliminée en quarts.
« J’ai beaucoup travaillé avec mon entraîneur » , dit-elle malgré une compétition quelque peu perturbée par des soucis… « Ici, j’aurais pu faire mieux n’eussent été quelques soucis. Il y a beaucoup de détails de cette nature qui jouent sur la performance de nos athlètes.
Et ce n’est pas la faute à la Fédération, mais au comité olympique », souligne Kadiatou Camara après son élimination sur RFI. Pour rappel, au 1er tour, Kadiatou, avec un chrono de 23 »06, avait terminé à la 2e place dernière une Jamaïcaine qui avait réalisé un temps de 23 »04.
Contrairement à Kadiatou Camara, Ibrahim Maïga ( 400 m haies) avec ses trois championnats du monde a été éliminé dès le 1er tour. La nageuse Mariam Pauline Kéita a battu son propre record en réalisant un temps de 1:24.26. Mais, elle a été éliminée dans sa série 1 des 100 m brasse.
Tout comme elle, Mohamed Coulibaly a également battu son propre record. Avec ces performances, nos deux nageurs sont les satisfactions du Mali aux JO. Une performance appréciée par les acteurs. « A l’arrivée quand, j’ai su que mon record est battu, c’était un rêve », avoue Mohamed. « C’était bien de vivre cette compétition avec les grands champions. Avec eux, nous avons bien appris à battre nos propres records », se félicite pour sa part Mariam Pauline Kéita.
Et en dépit de leur parcours, certains de nos athlètes dont Ibrahim Maïga ont pu apprécier le modèle chinois de développement. « La Chine est un pays d’exemple de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Tout était parfait. De loin, les JO de Pékin ont été pour moi un souvenir que je garderai longtemps », affirme-t-il.
Daba Modibo Kéita, dans les compétitions de taekwondo (+ 80 kilos), n’a pas réussi son pari olympique. Moins fluide qu’au 1er tour, l’élève de José Fernand Ramos a été éliminé en quarts. A l’extraction, le Nigérian Chika Yakazia a marqué un point essentiel pour l’emporter aux points. C’était une véritable désillusion pour les nombreux Maliens ce jour-là au Gymnase de l’Université des sciences et technologies de Beijing.
Sentiment d’inachevé
Daba Modibo, principal espoir est passé tout près d’une médaille attendue. Avec son élimination tout comme les disciplines de fond et le basket filles des JO, c’est la forte délégation malienne, 57 pour être précis conduite par le président du Cnosm qui reviendra de l’expédition
pékinoise bredouille.
Du 8 au 25 août derniers où s’est déroulée à Beijing (Chine) la 29e Olympiade d’été, on a ainsi pu mesurer (dans le jeu et non dans les scores ou les résultats) le grand écart qu’il existe entre un potentiel vainqueur des JO et la qualité de nos champions.
Pour espérer avoir un jour de solides représentants sur une grande scène comme les JO, faudrait-il leur donner plus de moyens. La réalité économique justifie-t-elle celle du terrain ? Le grand écart que l’on peut mesurer dans les confrontations se confirme financièrement. Si un jour, on veut que nos clubs et athlètes reviennent sur les devants de la scène comme les JO, on se doit d’abandonner le caractère social en nommant les hommes qu’il faut à la place qu’il faut, comme l’a souligné l’athlète Ibrahim Maïga.
Si chez nous, le chef de l’Etat a salué les athlètes et les instances sportives, en France Nicola Sarkozy a salué vainqueurs et vaincus. Le Kenya, qui s’est classé 13e mondial et 1er africain au classement général, a motivé son chef de l’Etat, Mwaï Kibaki qui a distribué de l’argent frais aux médaillés. En Ethiopie, de l’aéroport au stade, c’était le délire.
Ce qu’on appelle la vague des JO.
Boubacar Diakité Sarr
Les Echos du 29 Août 2008