Partager


Nos lecteurs et lectrices se rappelent peut être de Daouda Yattara dit “Sitanè”, ce féticheur qui a défrayé la chronique au Mali en 2005. Accusé d’assassinat d’un certain Kassim Camara dit “Kassim Dafara”, il fut arrêté, puis condamné par la Cours d’Assises pour 5 ans de prison ferme. Aujourd’hui Daouda Yattara purge sa peine à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako (MACAB).

Bientôt 4 ans après sa détention, nous nous sommes intéressés aux conditions de vie carcérale de Daouda Yattara. Comment il vit sa détention? Ces relations avec ses codétenus, avec des membres de l’administration pénitentiaire? Que compte-t-il faire après sa détention? Nous avons adressé à Daouda Yattara une correspondance dans laquelle nous lui avons posé toutes ces questions. Réponses!

Nouvel Horizon : Quand vous receviez votre courrier et au moment où vous vous appretez à nous répondre, comment vous vous portez?

Daouda Yattara : Je vous remercie de l’estime et de l’intérêt que vous portez à ma personne. Je profite de l’occasion pour saluer et remercier tous ceux et toutes celles qui me sont chèrs (ères). Je leur demande de faire des bénédictions pour moi. Je serai reconnaissant pour tous ceux ou toutes celles qui sont venus (es) me rendre visite ici à la prison. Je sais qu’il y a des personnes qui ont voulu me rendre visite, mais pour une raison ou une autre, elles n’ont pu le faire. Ceci étant, je me porte bien, je suis en bonne santé, je ne suis pas malade.

Nouvel Horizon : Comment vous vivez votre détention?

Daouda Yattara : Cela fait bientôt 4 ans que je suis ici. Les conditions dans lesquelles nous sommes détenus sont très difficiles. Notre section est appelé la “Mutarde” la plus difficile de la MCAB. C’est l’endroit où on garde les criminels et les assassins. Depuis bientôt 4 ans je n’ai pas vu le soleil ni au lever, ni au coucher. Je suis quand même un homme, et je vis ici avec d’autres hommes. Malgré les conditions très dures, nous arrivons à résister. Je suis sûr que cela prendra fin un jour.

Nouvel Horizon : Vous êtes un homme particulier , avant votre détention, votre alimentation était contrôlée. De quoi vous vous nourrissez en prison?

Daouda Yattara : C’est vrai, je ne mange pas n’importe quoi. Tout ce que je mange ici, je l’achète. Ma famille ne m’envoie pas à manger en prison. J’envoie des gens acheter ma ration alimentaire dans les restaurants de la place. J’adore les gâteaux et autres moka. Je prend aussi des boissons sucrées, telle que Sprite ou Coka cola. Je bois également du sang frais que je commande à l’abatoir frigorifique de Bamako. J’aime du sang frais plus que tout autre repas. Avec un litre de sang, je peux passer 24 heures sans manger autre chose.

Nouvel Horizon : Sur tout autre plan, nous avons appris que vous avez offert gracieusement une quantité importante de riz et de mil aux habitants d’un village de la région de Ségou. Pourquoi ce geste humanitaire?


Daouda Yattara :
Effectivement, j’ai envoyé le 13 août dernier cinq tonnes de mil et cinq tonnes de riz plus une enveloppe d’argent à Tougnan, un village situé à 45 km environ de Ségou. Le chef de village de Tougna, M. N’Tji Coulibaly, qui est également un maître chasseur est celui qui m’a initié. Il est mon maître féticheur.

L’argent, le mil et le riz que j’ai envoyés, c’est pour tout le village, je l’ai fait à cause de Dieu.

M. le journaliste, il faut dire à tout le monde que je connais Dieu mieux que plusieurs personnes. Ce que moi je n’aime pas, c’est le “Flankafoya”, autrement dit garder des objets alors qu’on se dit musulman. Je connais Dieu et j’aime Allah. Ce que je déteste, c’est adorer Dieu et autres objets à la fois.

Nouvel Horizon : Est-ce la 1ère fois que vous offrez de la nourriture aux nécessiteux?

Daouda Yattara : Depuis 1998, j’envoie régulièrement de la nourriture aux habitants de Tougnan chaque année. Cela s’est stoppé en 2005, suite à mon arrestation qui a bouleversé toutes mes activités. Avant mon jugement en 2005, j’avais beaucoup de problèmes qui m’ont empêché de faire certains de mes devoirs, maintenant, j’ai moins de problèmes.


Nouvel Horizon : Quelles sont vos relations avec vos codétenus?

Daouda Yattara : Comme vous le savez, je ne suis pas seul ici. Dans la “Mutarde”, où nous sommes gardés, tout le monde me respecte. Il n’y a vraiment pas de problème entre nous.

Nouvel Horizon : Et entre vous et l’administration pénitentiaire?

Daouda Yattara : Je vous remercie sincèrement de cette question. Je ne suis pas démagogue, tout le monde le sait. Le régisseur de la prison centrale de Bamako, M. Mamourou Doumbia, Commandant de Gendarmerie, est un homme de droit, très sérieux. Il fait partie des trois personnalités les plus honnêtes d’etre sincères.

Mamourou le régisseur ne fait aucune différence entre les hommes, il traite tout le monde sur le même pied d’égalité. S’il y avait plusieurs Mamourou Doumbia au Mali, le pays ne serait pas là où il est aujourd’hui.


Nouvel Horizon : Dans une semaine, ça sera le début de mois de Ramadam, mois bénit de l’islam. Que comptez-vous faire pour les fidèles au cours de ce mois?

Daouda Yattara : Comme je l’ai dit haut, j’aime les musulmans. Mon père est musulman, ma mère aussi est une fidèle musulmane. Je les aime tous, s’il plait à Dieu, je ferai ce que je doit faire pour fidèles musulmans durant le mois de Carême.

Nouvel Horizon : Sous peu, vous allez purgé votre peine. Que comptez vous faire après votre libération?

Daouda Yattara : Depuis que je suis né, je n’ai jamais prié, ni à la maison, ni à la mosquée. Je suis arrivé à la Maison d’Arrêt Centrale de Bamako (MCAB) pour la première fois de ma vie le 13 avril 2005. Je n’ai jamais prié ici et je ne prierai pas ici, je ne jeûnerai pas non plus.

Tout de même, mon séjour ici m’a donné beaucoup d’idées.


Entretien réalisé par Daba Balla KEITA

25 Aout 2008