En face, on a les artistes, pour qui la musique moderne est un métier, comme Salif Kéïta, leur symbole, feu Aly Farka Touré, les vedettes masculines et féminines du Wassoulou comme Samba Diallo, Souley Kanté, Oumou Sangaré, Nabintou Diakité, Saly Sidibé, marchant sur les traces glorieuses de (feu) Toumani Koné et de Nahawa Doumbia.
Les premiers expulseront-ils les seconds comme des intrus, ou, au contraire, ce sont les griots qui sont appelés progressivement à devenir de simples artistes, perdant la caractère sacré que leur conférait la caste? Cette deuxième perspective semble la plus probable.
Le show-biz
On constate que les griottes (plutôt que les griots) animent à présent des manifestations dans les boîtes de nuit, qui, comme leur nom l’indique, exploitent le penchant des couples amoureux pour l’obscurité et les musiques lascives (slow).
Les jeunes danseurs et danseuses, aux mouvements suggestifs, à l’habillement provocateur, font désormais partie de tout orchestre de griot ou de griotte, et le clip pour la télévision est incontournable pour quiconque veut assurer quelque succès à son oeuvre. D’ailleurs les producteurs sont là avec une batterie de moyens et d’exigences pour censurer tout excès moralisateur en la matière.
L’effet Salif et les musiciens du Wassoulou
Le descendant de Soundiata Kéïta, le fondateur de l’Empire du Mali, ne fait pas seulement de la musique moderne: les paroles de ses chansons sont prises à la source la plus pure de la tradition, de quoi faire rougir plus d’un griot et plus d’un noble. Salif l’albinos, qui jouait dans les cabarets, a dit qu’il valait mieux cela pour un noble que de voler ou de quémander.
Il semble que la société malienne lui ait donné raison, elle qui, de surcroît, n’ignore pas les préjugés dont souffrent les albinos. Les difficultés de la vie quotidienne, l’influence du show-biz international ont fait le reste : désormais on ne déroge pas en chantant.
D’autant plus qu’il y aura Oumou Sangaré et l’éclosion de la musique du Wassoulou, cette région où le griot n’a pas le monopole de la musique. Non désormais, on peut être artiste sans honte.
Ibrahima KOITA
1er juin 2006.