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Pourtant, notre
Assemblée Nationale, sous la houlette de son président
Ibrahim B. Kéïta n’a pas hésité à franchir le
rubicond. Résultat : les magistrats réclament
aujourd’hui la dissolution de l’Assemblée Nationale et
la démission de son président.

Ibrahim B. Kéïta
n’a-t-il pas une part de responsabilité dans la crise
institutionnelle actuelle entre le législatif et le
judiciaire ? Devait-il laisser le député Mamadou Hawa
Gassama Diaby adresser des questions orales au
ministre de la Justice sur la corruption des juges ?
IBK victime de ses maladresses ?

Le député URD Mamadou Hawa Gassama Diaby qui est à
l’origine de la crise entre le législatif et le
judiciaire est bien connu pour ses envolées lyriques.
L’on a pu le constater pendant plusieurs
interpellations de ministres à l’hémicycle.

Auparavant, nombre de membres du gouvernement avaient
essuyé ses bordées d’insultes et d’attaques verbales.
Lors de l’interpellation de l’ex-ministre de la
Jeunesse et des Sports Moussa Balla Diakité, il avait
réclamé sans ambage la démission de celui-ci et avait
accusé certains de ses collègues députés d’avoir reçu
des enveloppes pour défendre le ministre.

L’homme
avait été à plusieurs reprises rappelé à l’ordre par
le 1er vice-président de l’Assemblée Nationale Me
Mountaga Tall assurant l’intérim du président du
parlement. Ces mises en garde n’avaient pas cependant
empêché l’intraitable député d’asséner ses quatre
vérités.

De même, l’honorable Diaby ne s’est montré
guère tendre avec le ministre de l’Education Nationale
Mohamed Lamine Traoré lors de son interpellation à
l’Assemblée Nationale. Alors, la question qui se pose
est la suivante : fallait-il laisser un député ayant
peu de considération pour les membres du gouvernement
et pour ses propres collègues s’occuper des questions
orales d’une telle importance ?

En dépit des attitudes
osées voire exagérées de l’honorable Diaby, le
président de l’Assemblée Nationale s’est montré
compréhensif à son égard. <<Notre collègue a été
trimballé. C‘est pourquoi il a voulu faire usage de
son droit d’interpellation
>>, avait-il concédé à
l’ouverture de la plénière.

Toutefois, il s’était opposé à une prise à partie du
Garde des Sceaux qui n’était là, avait-il expliqué,
que pour informer et éclairer les députés sur la
corruption des juges. Mais les dérapages du plus
“zélé” des élus de la nation n’étaient-ils pas
prévisibles ?

L’honorable Diaby, qui n’épargne
personne y compris son interprète, aura tôt fait de
déborder en attaquant le ministre de la Justice jusque
dans sa vie privée. En laissant la question de la
corruption des juges entre les mains d’un tel député,
le président de l’Assemblée Nationale aura péché par
maladresse.

De sources proches de l’hémicycle, l’on apprend que
d’éminents juristes députés, conscients de la gravité
de la situation, ont tenté en vain de dissuader le
député interpellateur. A l’instar de ces derniers et
compte tenu du comportement peu amène du son collègue
député, IBK aurait dû faire preuve d’anticipation.

Loin de là, il s’emploiera à défendre la position de
celui-ci en soutenant qu’il ne s’agissait pas de
l’interpellation d’un magistrat, mais du Garde des
Sceaux.

Mieux, il considérera le recours à la Cour
Constitutionnelle proposé par le ministre de la
Justice comme une menace à l’encontre du parlement,
contraignant ainsi le Garde des Sceaux à se prononcer
sur la brûlante question de la corruption des juges.

En agissant ainsi, le président de l’hémicycle s’est
rabaissé au niveau de son collègue député. Raison pour
laquelle le SAM réclame sa démission. Pour lui,
celui-ci, en adressant des “propos désobligeants à la
Cour Constitutionnelle et aux magistrats, a démontré
par là qu’il n’avait pas l’étoffe de l’homme d’Etat
auquel il s’apparente
”.

Mais le syndicat aura-t-il la
tête d’IBK ? Reste à savoir si la Présidence accédera
à cette demande du SAM. C’est vrai que la dissolution
du parlement et la démission de son président sont des
réclamations extrêmes qui ont peu de chance d’aboutir.

Par contre, c’est l’image des députés et surtout du
président de l’hémicycle Ibrahim B. Kéïta qui risque
de prendre un coup. En effet, cette crise entre
législatif et judiciaire intervient à quelques
encablures de 2007.

Le président du RPM, qui
ambitionne de briguer la magistrature suprême en 2007,
verra son image ternie si rien n’est entrepris à temps
pour désamorcer cette crise institutionnelle.

A cet
égard, espérons que la réunion extraordinaire du
Conseil Supérieur de la Magistrature, exigée par le
SAM, se tiendra dans les meilleurs délais pour
décanter la situation.

En tout cas, un bras de fer entre magistrats et
députés ne grandit pas notre démocratie.

Samou KONÉ

05 juillet 2005