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Depuis quelques temps, le monde vit une crise financière aiguë. Cette information qui fait les choux gras des médias internationaux est aussi relayée par les médias du continent sans aucune explication claire des conséquences pour l’Afrique. N’est-il pas temps aujourd’hui de lancer le débat sur ce grave problème de l’heure afin que des gens mieux formés sortent de l’ombre pour nous décortiquer point par point une crise dont dépend le devenir de toute l’Afrique.

Il faut rappeler que cette crise est consécutive à la crise immobilière partie des Etats-Unis qui a abouti à la faillite du système boursier américain. Et d’après les explications des banquiers africains, la crise financière actuelle n’atteint pas les banques de la sous-région.

Fonctionnant selon des normes strictes sous la supervision de structures sous-régionales de contrôle, les banques africaines ne font pas beaucoup de placements financiers. Cela veut dire que l’activité boursière ne concerne pas les économies africaines à quelques exceptions près : Afrique du Sud, Nigeria, etc. Pour le moment, l’Afrique peut pousser un grand ouf de soulagement. Mais que font donc les banques africaines pour gagner de l’argent, sommes-nous aujourd’hui tentés de poser comme question ?

Ce qui est inquiétant pour nous cependant, c’est l’évolution possible de cette crise financière vers une crise économique dont les conséquences n’épargneront aucun pays de la planète.

Le risque majeur pour notre pays, le Mali peut subir une diminution voire une suppression de l’aide budgétaire. Une telle éventualité aboutira infailliblement à l’arrêt des grands projets tels que le Millenium Challenge Account (qui comporte la réhabilitation et la rénovation de l’aéroport international Bamako-Sénou, l’abandon de l’aménagement de 50 000 ha dans la zone Office du Niger) mais aussi l’arrêt des travaux de construction de la Cité administrative ainsi que l’abandon de l’ambitieux mais combien indispensable projet de construction de la nouvelle station de pompage de Kabala.

La suppression de l’appui budgétaire entraînera sans nul doute un déséquilibre budgétaire qui aura comme conséquence l’absence d’argent dans les caisses de l’Etat. Et qui dit absence d’argent au niveau du trésor public dit arrêt tout court de l’activité économique, donc baisse de la croissance économique. Ajouter à cela la possibilité de baisse du prix de l’or, notre principale source de revenu, il est fort à parier que les conséquences peuvent être graves pour notre pays.

Est-il alors réaliste de croire que le monde en crise va continuer sa générosité envers les pays sous-développés ? Aussi grave soit-elle, cette crise est une sonnette d’alarme pour les pays sous-développés qui doivent comprendre que la solidarité internationale n’est pas un acquis définitif d’où la nécessité pour nos gouvernants d’envisager des solutions.


Privilégier des initiatives locales

La seule alternative possible qui s’offre à notre pays se trouve dans des solutions qui peuvent se résumer à : faire du Mali une puissance agricole : le lancement de «l’opération riz» ou «Initiative riz» permet de croire qu’existe désormais dans notre pays une vision prospective. Cette opération qui, d’après les dernières informations distillées, a de fortes chances de réussir, permettra à notre pays d’assurer d’une part sa sécurité alimentaire et d’autre part de faire des devises à travers la vente du surplus de production.

Le Mali ne connaîtra donc plus la crise alimentaire qui a frappé tout le continent africain l’année dernière ; ne pas miser exclusivement sur l’aide budgétaire qui risque de fondre comme neige au soleil. Les pays développés en crise financière auront du mal à justifier à leurs populations, les subventions et autres aides accordées aux pays pauvres ; gérer efficacement les maigres ressources internes en les utilisant dans les domaines prioritaires et profitables à tous.

Cela veut dire : pas de dilapidation ni de détournement, une gestion saine des ressources intérieures ; faire en sorte que les banques ne ferment pas les robinets du financement, cela n’aura d’autre conséquence que d’empêcher la production de richesses et aboutira à simplement une récession économique ; ne pas augmenter la pression fiscale (surtout sur les 100 entreprises au niveau de la Division des Grandes Entreprises) pour compenser l’absence de l’aide budgétaire mais plutôt essayer d’élargir l’assiette fiscale en développant une parafiscalité de crise (en cette période de crise il est important que chaque Malien paie un impôt conformément à ses revenus).

Il faudrait continuer à bien verrouiller la fiscalité de porte qui reste une grande source de recettes (référence au guichet unique de la douane) ; continuer les grands projets de développement tels que les aménagements hydro-agricoles et barrages hydroélectriques, construire le nouvel aéroport pour attirer les investisseurs.

La crise boursière va pousser les multinationales à se trouver des activités rentables dans des zones à moindre pression fiscale mais sans risques (Ile Maurice par exemple…) ; créer un environnement propice aux affaires à travers l’amélioration de la qualité de la justice rendue, la définition de règles applicables à tous mais surtout la diminution voire la suppression des exonérations ; bien gérer nos ressources en or, notre principale source de devises, à travers la création de services à forte valeur ajoutée : unité de transformation, création d’une bourse de l’or, etc.

Croire que le monde sera un jour «juste» est une illusion, un rêve. Les pays nantis s’accrocheront toujours à leurs privilèges qui passent forcément par un affaiblissement des pays pauvres. La théorie «struggle for life» n’est-elle pas aussi vieille que le monde ?

La grande leçon à tirer de cette crise est la suivante : le débat entre les adeptes du libéralisme économique et les partisans des interventions de l’Etat dans la vie économique et sociale est désormais tranché. Keynes disait à l’époque : «l’important pour l’Etat n’est pas de faire ce que les individus font déjà et de faire un peu mieux ou un peu plus mal, mais de faire ce que personne d’autre ne fait pour le moment». Pourtant le «système économique américain pour survivre, vient de bénéficier de l’intervention de l’Etat».

Ici au Mali, l’expérience a montré que l’Etat a toujours conservé ce rôle de régulateur du marché (les exemples de la SOTELMA, de l’EDM et de la BHM sont là pour le confirmer). Certes, l’initiative privée reste et restera encore longtemps un pilier majeur du dynamisme économique car c’est elle qui crée et assure la gestion des entreprises.

Mais l’Etat, gardien de l’intérêt général, doit continuer à inciter, suppléer, corriger quand il le faut, ou s’associer aux efforts du secteur privé, mais surtout il devrait veiller à ce que les orientations des différents secteurs de l’économie ne soient pas conditionnées par la seule notion de profit.

Birama Fall

20 Octobre 2008