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«La crise financière n’a pas d’impact direct sur l’économie malienne. Toutefois, l’impact de cette crise financière se ressentira davantage dans l’économie réelle». Telle est la conclusion qui s’est dégagée de la conférence d’information sur la crise financière, organisée le 4 novembre 2008, à l’hôtel Radisson par le conseil national du patronat du Mali (CNPM).

Interpellé à plusieurs reprises par les opérateurs économiques sur les conséquences éventuelles de la crise financière internationale pour les entreprises maliennes, le CNPM, selon son Président Moussa Balla Coulibaly, a jugé nécessaire d’organiser une conférence d’information. La conférence qui a enregistré la participation des animateurs des milieux économiques maliens a été animée par M. Bocoum de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali (APBEF) et par M. Jacques-Gaëtan Tobo de la société financière Ouest africaine-gestion.

Abou-Bakar Traoré, ministre des Finances, présent à la conférence, s’est prononcé sur l’impact de la crise pour notre pays. Dans son exposé, M. Bocoum de l’APBEF a rappelé que la crise tire sa source de différents facteurs. Ce sont, entre autres, les conséquences de la libéralisation excessive du marché, la précarité de certains fondamentaux de l’économie internationale, le boom économique des pays émergents pourvoyeurs d’investissements et les dysfonctionnements constatés du marché immobilier américain.

Selon lui, si la crise a eu pour corollaire immédiat le choc du marché immobilier qui a entraîné l’effondrement des institutions de références en matière hypothécaire et de réfinancement, elle a eu aussi pour effet de bouleverser le marché financier dans son ensemble et de déstabiliser les investisseurs et les marchés boursiers. Il a indiqué que les analyses de la BCEAO laissent apparaître que les effets directs de la crise sur le système bancaire et financier de l’union sont globalement faibles.

Mais, M. Bocoum est convaincu que si notre marché, dans l’ensemble n’a pas subi les conséquences directes de cette crise, c’est surtout en raison de l’étroitesse de notre marché financier qui agit en périphérie du marché international, mais aussi du fait que notre système de financement repose principalement sur des produits et des transactions qui ne nous exposent pas aux risques en jeu. Néanmoins, il a estimé que les économies de notre zone monétaire devraient subir les effets indirects de la crise car la profondeur de celle-ci va engendrer un net ralentissement de la croissance économique mondiale.

«De ce fait, au plan économique, la crise a des répercussions sur nos politiques économiques», a-t-il déclaré. Si notre système bancaire et financier demeure pour l’instant épargné, le conférencier a indiqué qu’il est nécessaire de demeurer vigilant et de prendre des mesures d’anticipation pour mettre en place un dispositif de surveillance et un plan aptes à protéger nos économies.

Il a révélé que dans cette perspective, les autorités de notre communauté ont désigné la BCEAO dans le cadre de la coordination des travaux d’un comité ad hoc mis en place sous l’égide du FMI et de la Banque Mondiale, en vue de réaliser une étude sur l’impact de la crise financière sur nos économies. Il a aussi levé le voile sur les premières conclusions de la cellule nationale de veille chargée du suivi de la crise financière. Selon lui, cette cellule a déjà indiqué les secteurs susceptibles d’être impactés par les effets de la crise et identifié les indicateurs de suivi de ces secteurs.


Les Banques maliennes et le commerce extérieur sont exposés

Au Mali, les secteurs concernés sont : le secteur bancaire, le commerce extérieur, notamment les matières premières minières, énergétiques et agricoles et la mobilisation des ressources. «Nous devons demeurer conscients du fait que cette crise aura un impact différé sur notre économie», a-t-il déclaré. Il a estimé que nos Etats doivent tirer les leçons de cette crise et envisager définitivement de soutenir les secteurs stratégiques de notre développement et appuyer les actions de restructuration de nos entreprises et institutions qui soutiennent nos politiques de développement économique et social.

Toujours dans le volet des conséquences de la crise sur le Mali, Jacques-Gaëtan Tobo dira que la récession qui s’est installée aux Etats-Unis et qui a vite touché l’Europe, un des principaux partenaires commerciaux du Mali, va sans aucun doute avoir un incident sur la croissance économique. Il a aussi indiqué que le durcissement des conditions de crédits pourrait également se ressentir dans notre espace et entraîner une hausse du coût du financement pour les entreprises.

Mais, de tous les secteurs, Jacques-Gaëtan Tobo estime que celui du tourisme pourrait être une victime collatérale compte tenu de la situation économique des pays occidentaux, région de départ des touristes. Mais, l’analyste financier Jacques-Gaëtan Tobo a identifié des impacts positifs. Selon lui, la baisse du prix des matières premières et agricoles due à la contraction de la demande mondiale devrait soulager sans doute la balance commerciale, mais aussi profiter aux ménages. Il a indiqué que la hausse du cours de l’once d’or, valeur refuge par excellence en période de turbulences sur les marchés, devrait profiter à notre économie.

Il a aussi estimé que les besoins grandissants en matières premières des économies chinoises et indiennes ne devraient pas ralentir leurs investissements en infrastructures dans les pays qui disposent de ces matières. Mieux, il dira que les gros investisseurs institutionnels, en quête de placements rentables et moins risqués, s’intéresseront de plus en plus à l’Afrique qui offre encore des rendements plus qu’appréciables. «Les pays qui offriront un cadre idoine pour ces investisseurs pourraient tirer leur épingle du jeu», a-t-il conclu.

Sans rejeter le fait que le Mali sera touché par les conséquences de la crise, le ministre Abou-Bakar Traoré a tenté de minimiser les impacts. «Il est difficile d’imaginer que la tourmente des grands pays n’impacte pas le Mali. Mais, il faut admettre que nous avons des avantages : la chute du prix des hydrocarbures et la bonne production céréalière annoncée», a-t-il déclaré.

En ce qui concerne l’aide au développement, le ministre a estimé que celle de cette année ne sera pas affectée par la crise, d’autant plus que le Mali a déjà perçu plus de 33 milliards de F Cfa sur les 51 milliards de F Cfa d’aide budgétaire. Et pour mieux faire face à la crise, il a souhaité que tous les Maliens soutiennent le gouvernement dans la poursuite des réformes en cours et surtout l’amélioration du climat des affaires. Il a invité les entreprises maliennes à améliorer la qualité de leurs productions et à diversifier les productions.

A.K

06 Novembre 2008