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Les États-Unis pèsent dans la balance pour dissiper les dernières réticences à l’intervention militaire

L’Algérie jouera-t-elle un rôle actif dans l’intervention militaire internationale au Nord de notre pays ? La secrétaire d’Etat américaine Hilary Clinton veut y croire. Arrivée à Alger lundi matin, elle s’est entretenue avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika pour qu’il lui précise le rôle de son pays dans la future intervention internationale au Nord-Mali.

L’Amérique semble décidée à faire sortir Alger de sa position de retenue face à une solution militaire à l’occupation du Nord par des groupes armés. «L’Algérie étant l’État le plus puissant du Sahel, elle est devenue un partenaire crucial pour s’occuper d’Aqmi», a souligné hier un responsable du département d’État faisant partie de la délégation de la secrétaire d’Etat. Le même ajoutait : «L’Algérie doit être au centre de la solution».

Le voyage de Clinton montre à quel point l’Amérique juge indispensable le soutien d’Alger à l’intervention contre les islamistes radicaux dans le Sahel. Il intervient après la visite, début octobre, à Alger du patron d’Africom, le général Carter F. Ham, ainsi que l’entame, le 19 octobre dernier, d’un partenariat stratégique entre les Etats-Unis et l’Algérie. C’est dans ce cadre que le ministre algérien des Affaires étrangères puis son collègue des Affaires africaines se sont rendu, tout récemment, dans la capitale américaine.

Il est vrai que l’Algérie s’avère incontournable dans le cadre d’un règlement de la crise malienne. D’abord du fait de sa puissance militaire. Tous les stratèges militaires sont d’accord que l’armée algérienne est de loin la plus forte de la région et qu’une intervention est vouée à l’échec si l’Algérie ne fermait pas ses frontières pour couper toute possibilité de retraite aux groupes terroristes.

En plus, Alger a une grande expertise dans la lutte contre le terrorisme et une connaissance fine des animateurs des groupes armés qui écument le Sahel. Aqmi n’est-elle pas une émanation du GIA algérien contre lequel Alger a dû batailler pendant une dizaine d’années ?

Ensuite, Alger a une influence politique évidente émanant de son rôle de médiateur à plusieurs reprises entre les groupes armés touareg et le gouvernement. Les Algériens ont longtemps cru que leur influence pouvait obliger les groupes rebelles à s’asseoir à la table de négociation, avant de se rendre à l’évidence que seule une intervention militaire pourrait amener les sécessionnistes à abandonner leurs prétentions séparatistes.

A bras le corps. L’intervention directe du chef de la diplomatie américaine constitue une indication que l’Amérique a décidé de peser désormais de tout son poids en faveur d’une intervention. Dans le même temps, le niveau de traitement du dossier de la crise malienne est monté d’un cran. Jusqu’ici, le sous-secrétaire d’Etat chargé des Affaires africaines, Johnnie Carson, et Michael Peltier, sous-secrétaire d’Etat chargé du Sahel, portaient la voix de l’Amérique.

Ce dernier a confirmé un infléchissement dans la position des Etats-Unis dans le dossier en expliquant à la fin de la semaine dernière que son pays considérait désormais que l’intervention militaire devrait avoir lieu au plus tôt, sans attendre des élections et l’installation à la tête de notre pays d’un pouvoir démocratiquement élu, comme l’avaient maintes fois soutenu des diplomates américains.

Le coup de pouce américain pour une intervention militaire ne doit rien au hasard. La menace terroriste au Sahel est considérée à présent comme un danger pour la sécurité de l’Amérique. Barack Obama et Mitt Romney, les deux candidats principaux à la présidentielle américaine du 6 novembre prochain, ont évoqué la crise au Sahel au cours du dernier débat de la campagne. Même l’Europe n’a pas eu à droit à un échange au cours de cette joute orale entre les deux candidats à la Maison Blanche.

C’est à dire à quel point les Etats-Unis considèrent que la menace est sérieuse et se montrent décidés à prendre le problème à bras le corps. L’élection présidentielle américaine étant prévue pour la semaine prochaine, le président réélu ou le nouveau président entrera en fonction en janvier 2013. Dans tous les cas de figure, le pouvoir américain aura les mains libres pour décider d’un engagement de son pays. Une intervention bien préparée n’étant possible, selon les prévisions, que durant le premier trimestre de l’année prochaine.

L’offensive diplomatique américaine vient renforcer la poussée française qui a abouti à l’adoption d’une première résolution le 12 octobre dernier par le Conseil de sécurité de l’ONU. Avec l’Algérie plus encline à accorder ses violons dans le domaine militaire avec les Etats-Unis qu’avec la France, Hillary Clinton va s’attacher à arrondir les angles sur l’opération militaire avant la visite à Alger du président français François Hollande en décembre prochain.

Tandis que les grandes puissances tentent de mobiliser notre voisin algérien, le dossier militaire attendu par le Conseil de sécurité est activement en préparation. C’est dans ce cadre qu’une mission européenne séjourne dans notre pays depuis la semaine dernière en prélude à un appui à notre armée. Une délégation de responsables militaires de l’UA devait arriver hier pour finaliser avec l’armée malienne un plan de reconquête du Nord-Mali.

Conduite par le général guinéen Sekouba Konaté, cette mission est composée de pas moins d’une dizaine de hauts gradés et restera dans notre pays pendant 10 jours. Un rapport d’avancement des opérations en cours devrait être présenté par le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, au Conseil de sécurité d’ici à la fin novembre.

Au plan diplomatique, le retour en grâce du Mali ne se dément pas. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, est attendu à Bamako jeudi pour une visite de travail visant la consolidation des relations d’amitié et de coopération entre l’Allemagne et le Mali. La semaine dernière, le chef de la diplomatie allemande avait assuré que son pays est prêt à soutenir la reconquête du Nord.

Le monde entier soutient donc le Mali dans l’épreuve qu’il subit. Il nous appartient d’éviter l’effritement de ce capital de sympathie en sachant communiquer, notamment pour contrer les manœuvres du MNLA, et surtout en remplissant notre part du contrat.

B. TOURE

30 Octobre 2012

Essor