L’école malienne est confrontée à des crises. Année validée par-ci comme celle de la FSJP, année blanche par-là, année facultative ailleurs (1993-1994) ou sauvée de l’autre. Voilà le constat général qu’on peut faire depuis quelques années de la crise de l’école. Au Mali, depuis 1990, il n’y a presque jamais eu d’année scolaire normale, c’est-à-dire une année calme, studieuse, académiquement validée qu’il n’y ait besoin d’un quelconque réaménagement de programmes en cours d’année.
En effet, certains vont tout de suite exclusivement prendre pour cause ces phénomènes, le laxisme étatique comme facteur déterminant de la persistance de la crise scolaire et universitaire. D’autres, au contraire, vont même pointer du doigt la transition en cours de la démocratie, qui ferait le lit des violences estudiantines et de l’incivisme en général. Or, il apparaît que la crise scolaire est un phénomène fort complexe affectent l’identité de la société dans son ensemble.
Un besoin de formation et d’insertion
Par ailleurs, avec l’avènement de la démocratie, les libertés publiques se sont élargies. Dès lors, l’école a perdu chemin. Ainsi verront le jour, des débats nationaux, les plans d’urgence, mais ceux-ci n’ont abouti à aucune réforme institutionnelle.
De plus en plus, on se rendra compte de l’incapacité de l’école à satisfaire les besoins de formation et à répondre aux besoins d’insertion socio-professionnelle des jeunes face naturellement à des revendications et de contestations. En effet, tous ces maux dont l’école souffre aujourd’hui peuvent se résumer en quelques facteurs.
Il faut citer ici, les conséquences du Programme d’Ajustement Structurel (PAS), le laxisme de l’Etat, les interférences politiques et enfin l’abdication des parents de leurs rôles dans l’éducation.
Les conséquences du programme d’ajustement struturel
Le Programme d’Ajustement Structurel (PAS) entreprit par l’Etat malien depuis 1989 a consisté à ajuster les dépenses de l’Etat à ses ressources et conduit par conséquent à une réduction drastique des investissements publics dans les différents domaines.
Il s’est manifesté dans des différents secteurs, sous le couvert d’une recherche d’équilibre, par notamment des départs à la retraite anticipée, des compressions de personnel ; un recrutement parcimonieux de nouveaux agents dans la Fonction publique ; et une diminution, voire le gel des salaires de la grande masse des travailleurs.
En effet, l’impact du PAS sur l’école s’est traduit à la suite par le départ massif des enseignants expérimentés à la retraite anticipée, par la concertation de tous les efforts de l’Etat et les partenaires techniques et financiers en matière d’équipements et d’infrastructures au profit de l’éducation de base.
Ce qui a engendré la dégradation des conditions d’études et de travail non seulement dans les enseignements fondamental, secondaire et supérieur dont l’immensité des besoins rend imperceptibles les efforts consentis. C’est dire que le PAS en situation de crise financière et économique a un impact négatif certain sur l’école. Les départs anticipés à la retraite et le gel du recrutement expliquent en substance la pénurie d’enseignants.
Aussi, la restructuration touchant les salaires et primes ainsi que les capacités d’investissement de l’Etat affecte la motivation des enseignants et ne permet pas de construire assez d’infrastructures pour faire face à l’afflux croissant des élèves et étudiants.
Si l’Etat reste dans les liens de ses engagements avec ses partenaires de Bretton Woods, il est à craindre dans le contexte d’absence d’animation qui le caractérise aujourd’hui qu’il soit incapable de trouver à la question de l’école une thérapeutique appropriée.
Le laxisme de l’Etat
Nous sommes dans un Etat de droit, c’est pourquoi ces dernières années on ne cesse de reprocher à l’Etat son manque non seulement d’imagination, mais de fermeté pour gérer la crise scolaire. Il est vrai que les autorités sont parfois allées au devant de certaines revendications des étudiants. On peut révéler ici, la libéralisation de la tenue, des assemblées générales, des faits contraires au règlement intérieur des écoles, on autorise pendant les heures de cours.
Ce laxisme de l’Etat s’explique aussi par la reprise dans le système d’anciens étudiants exclus pour insuffisance de travail et l’allongement des congés officiels à la demande de l’AEEM. Otroi de bourses, y compris à l’extérieur à des dirigeants de l’AEEM qui ne remplissaient pas les critères d’obtention.
D’autre part, l’Etat n’a jamais donné l’impression depuis 1991 de posséder une capacité réelle de gestion prévisionnelle de la crise. Il a le plus souvent été réduit à faire le “pompier”. Pourtant, l’Etat a, dans un Etat de droit, un pouvoir exorbitant qui lui permet d’instaurer son autorité.
Parce qu’en cette phase de l’étape de la vie de notre éducation, est comparable à un Etat en situation exceptionnelle où l’Etat à l’obligation de parer au plus pressé, car l’Etat ne doit pas périr.
Les interférences politiques
Dans l’euphorie de la révolution du 26 mars 1991, l’AEEM a été appelée à siéger au Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP), l’organe de décision de la transition. Pour cela, elle est devenue presque une institution. Comme telle, elle se comporte avec arrogance, en outre, on a souvent fait entendre aux élèves et étudiants, y compris dans les discours officiels des plus hautes institutions, qu’ils sont les vrais tombeurs de Moussa Traoré, que le régime post-révolutionnaire leur doit tout
Enfin, les tentatives politiques de mainmise sur l’AEEM, ou plus simplement les tentatives de manipulation des revendications estudiantines, ont contribué à créer des tendances rivales au sein du syndicat estudiantin. Celles-ci vont par la suite renforcer le caractère radical de ses prises de position. Toutes choses qui ont conduit à la tenue de congrès annuels pour départager les tendances et nourrir de nouvelles revendications.
Cependant, il ne serait pas exact de rechercher les racines de la crise scolaire dans les manipulations politiciennes et de croire qu’il suffirait de bouter la politique en dehors de l’école pour guérir celle-ci de ses maux.
Simplement, il serait souhaitable, comme le dit Moussa Baba Diakité, ancien dirigeant, membre fondateur de l’AEEM. Il dira que l’AEEM comprenne que “Sa place se trouve dans la société civile et nulle part ailleurs”. Enfin, a-il conclut, la situation historique qui a permis à l’AEEM de jouer le rôle qui a été le sien en mars 1991, était une période particulière qui ne peut demeurer permanente.
L’abdication des parents dans leur rôle dans l’éducation
Les Maliens aiment dire que les parents gâtent trop leurs progénitures. C’est pourtant vrai, car “Si tu appelles ton enfant “Papa Commandant”, ne soit pas étonné qu’il te réclame l’impôt”.
A l’interprétation, cette citation signifie que les parents font preuve de complaisance envers leurs enfants et abdiquent de leur responsabilité dans leur éducation, les laissant à eux-mêmes, sans contrôle ni autorité.
En effet, la situation d’instabilité chronique que connaît l’école malienne depuis maintenant deux décennies oblige à interpeller les parents d’élèves face au comportement de leurs enfants et face à leur engagement vis-à-vis de l’institution scolaire. Leur rôle ne saurait se limiter à des efforts d’investissement et de prise en charge financière partielle de leurs enfants scolarisés.
Un devoir moral à assumer
Ils ont aussi un devoir moral à assumer qui devrait se traduire par une surveillance accrue de la conduite de leurs enfants à l’école, par un intérêt permanent manifesté à la scolarité des enfants. C’est seulement de cette manière que l’éducation scolaire et l’éducation familiale pourraient être complémentaires.
Or aujourd’hui, la famille elle-même semble traverser une crise profonde, et la faillite de l’autorité parentale a des répercussions incalculables sur l’école. Tout se passe comme si les parents, préoccupés par la survie quotidienne, avaient relégué la question de l’éducation au second plan, tombant ainsi dans une sortie d’inertie et d’attentisme face aux sorties intempestives de leurs enfants.
Voilà le bilan d’un diagnostic sans complaisance des facteurs essentiels qui ont contribué à dévaloriser l’éducation au Mali.
Hady BARRY
17 Septembre 2008