« Mieux vaut prévenir que guérir« , ce vieil adage apparait encore plus évident appliqué à la lutte contre le criquet pèlerin. Rien d’étonnant que le Centre national de lutte contre le criquet pèlerin (CNLCP) l’ait intégré de facto dans sa stratégie d’intervention. Le centre a ainsi procédé la semaine dernière à Gao au lancement de la campagne de prospection au titre de l’année en cours.
Si le démarrage de la campagne agricole avait suscité quelques inquiétudes en raison de l’installation tardive des pluies, depuis quelques semaines, la situation évolue positivement. Il pleut parfois plus qu’à souhait. Des inondations sont signalées dans plusieurs localités du pays. L’installation de l’humidité et la régénération de la végétation favorisent malheureusement la reproduction des criquets pèlerins.
Le choix de Gao pour le lancement de la campagne de prévention s’explique. En effet, les zones comme le Tamesna, le Timetrine, les versants est et ouest de l’Adrar des Iforas et le nord-ouest de la Région de Tombouctou sont des zones propices à la reproduction et à la vie des criquets pèlerins. Et ce n’est pas par hasard que la ville de Gao abrite la principale base d’intervention contre les criquets pèlerins avec des points d’appui à Kidal, Aguel Hoc et Yélimané.
UN INSECTE IMPRÉVISIBLE :
Ces réalités expliquent pourquoi la cité des Askia a été choisie pour le lancement officiel de la campagne de prospection. La délégation qui y a pris part était conduite par Fakaba Diakité, le coordinateur du Projet africain de lutte d’urgence contre le criquet pèlerin (PALUCP) et premier responsable du Centre national de lutte contre le criquet pèlerin. La cérémonie s’est déroulée dans l’enceinte de la base d’intervention en présence d’autres responsables parmi lesquels le chef du Centre régional de lutte contre le criquet, Lambert Diakité, et le conseiller aux affaires économiques et financières au gouvernorat de Gao, Moumouni Damango.
« Il y a quelques années, les spécialistes étaient unanimes à reconnaître que le criquet pèlerin prenait son envol des zones du pourtour de la Mer Rouge pour se diriger vers nos pays et attaquer les cultures. Mais depuis 2005, l’insecte a prouvé le contraire en formant ses essaims d’attaque à partir des zones grégarigènes du pays. Il est donc imprévisible« , constate Fakaba Diakité. Pour éviter donc de se faire surprendre par l’insecte qui devient particulièrement vorace dans sa phase grégarigène, les équipes dépêchées sur le terrain ont pour mission de surveiller le criquet dans son habitat, poursuit le chef du CNLCP.
Ainsi six équipes de prospection composées de trois chauffeurs, d’un prospecteur, d’un guide, d’un manœuvre et appuyée par une escorte militaire ont mis le cap sur les zones de prospection. Les équipes resteront sur le terrain pendant trois mois. L’opération coûtera 50 millions Fcfa financés par le budget national et la Banque mondiale à travers le programme « Empres » de la FAO qui appuie le PALUCP.
DES INFORMATIONS EN TEMPS RÉEL :
Les équipes sont équipées de moyens de communication moderne : RAC, téléphones satellitaires « Thuraya« , équipement de transmission Elocust 2 de deuxième génération. Avec ce dispositif, elles seront en mesure de transmettre les informations par satellite au centre d’analyse de Toulouse (France) qui les étudiera avant d’envoyer également par satellite les données à la base d’intervention de Gao et au CNLCP à Bamako.
Celui-ci se chargera à son tour de les transmettre à la FAO à Rome.
La base de Gao a été équipée d’un récepteur satellitaire installé pour la cause. Désormais notre pays est capable de recevoir en temps réel les informations que les prospecteurs auront recueillies sur le terrain grâce aux équipements mentionnés plus haut.
Une équipe de dépannage de véhicules accompagne le convoi. Trois équipes de traitement sont prépositionnées pour intervenir à tout moment. Une autre (pluridisciplinaire celle-là) assurera le suivi environnemental et passera sur les traces des équipes de traitement pour vérifier que les normes de traitement sont respectées et que la flore et les animaux ne souffrent d’aucune pollution.
Le patron du CNLCP, Fakaba Diakité, s’est montré confiant après le départ des équipes sur le terrain. Celles-ci vont apprécier la situation en étudiant la texture du sol, en évaluant l’humidité ambiante, la densité des insectes au mètre carré et la verdure, explique Diakité.
Elles disposent pour cela d’équipements performants. Elles suivront de près la phase d’évolution de l’insecte notamment la grégarisation, quand le criquet change radicalement de comportement pour se transformer en insecte vorace et redoutable. A ce stade critique, il forme des essaims impressionnants capables de parcourir de très grandes distances pour commettre des dégâts irréparables sur les cultures et la végétation.
EN EFFERVESCENCE :
Les équipes surveillent en permanence le criquet et évaluent l’ampleur de la menace. Elles interviendront dès que les seuils critiques sont atteints. « Notre pays enregistre actuellement une accalmie sur le front des criquets, mais la zone de la Mer Rouge (Égypte, Arabie Saoudite, Yémen, Éthiopie, Somalie) où le criquet est présent est en effervescence. L’insecte étant connu pour son comportement imprévisible, il pourrait se rabattre sur notre zone. Il est donc nécessaire de rester vigilant« , conseille le chef du CNLCP.
Et notre pays a d’autant plus de raisons d’être sur ses gardes que le Niger voisin est confronté à des troubles dans la région d’Agadez, zone voisine du Tamesna où vit le criquet pèlerin. Si les Nigériens n’arrivent pas à organiser efficacement leur surveillance, il n’est pas exclu que nous recevions la visite de l’insecte en provenance de cette zone, avertit Fakaba Diakité.
De son côté, Lambert Diakité, le chef de l’antenne régionale du Centre de lutte contre le criquet pèlerin à Gao, apprécie les équipements mis à la disposition de ses équipes. Il a révélé que sa structure dispose désormais d’un logiciel de gestion du criquet pèlerin appelé Ramses. Grâce à ce logiciel et à la connexion satellitaire, le centre régional produira des bulletins décadaires avec des cartes de terrain contenant toutes les informations sur la présence spatiale de l’insecte, sa densité et les produits utilisés pour les traitements. L’information est un élément primordial du dispositif de lutte contre le criquet pèlerin, renchérit Hamidou Sanogo, le chargé de l’information et de la communication du CNLCP.
D’IMPORTANTS INVESTISSEMENTS :
Fakaba Diakité a insisté sur les efforts déployés par les pouvoirs publics qui permettent aujourd’hui au CNLCP d’organiser de façon autonome la riposte au besoin. Le centre dispose d’un budget annuel de 600 millions Fcfa à cet effet.
Il est également appuyé par le PALUCP un projet de 4 ans financé par la Banque mondiale pour 6 milliards Fcfa. Ce projet avait permis en 2005, après la crise acridienne, de prendre en charge les conséquences de l’invasion des criquets par le financement d’intrants, d’activités de maraîchage, d’embouche d’animaux pour les producteurs affectés.
Ce projet a également permis de financer pour environ 500 millions de Fcfa des investissements comme la construction d’un siège pour le CNLCP à Bamako, de magasins de stockage de produits et équipements à Gao, Kidal et Aguel Hoc. Des bureaux et des ateliers pour l’entretien des véhicules ont été également bâtis.
Le conseiller aux affaires économiques et financières au gouvernorat de Gao, Moumouni Damango, a estimé que l’opération ainsi engagée est d’une importance capitale pour la région de Gao et le pays tout entier, en rappelant les conséquences de la dernière crise acridienne qui éprouva l’économie locale et nationale.
Il a demandé aux équipes de prospection de faire preuve d’engagement, de patriotisme et même d’esprit de sacerdoce, pour réussir leur mission afin de donner à la présente campagne agricole toutes les chances de réussite.
Envoyé spécial
M. COULIBALY-L’Essor
CALME DANS L’ENSEMBLE
Les services compétents sont tout à fait fondés de prendre des mesures préventives dans la lutte contre les déprédateurs. En effet, la menace est omniprésente. C’est ainsi qu’il y a quelques jours, des chenilles ont fait leur apparition dans certaines parties du pays.
Avec les pluies qui s’abattent abondamment, les conditions écologiques deviennent de plus en plus favorables à la reproduction et au développement de certaines espèces de sauteriaux en général et du criquet pèlerin en particulier dans son habitat traditionnel dit aire de grégarisation.
De cet insecte, le Centre national de lutte contre le criquet pèlerin (CNLCP) signale que « la situation reste calme sur l’ensemble du territorial national« . Cependant les prospections faites par des équipes conjointes de notre pays et de la Mauritanie révèlent des individus solitaires matures au point d’arrêt 16° 95 750 nord- 06°38 583 ouest. _ Un seul individu solitaire a été vu au point d’arrêt 17° 15 889 nord – 06°79667 ouest.
Les prospections se poursuivent dans les zones d’habitat traditionnel et de grégarisation du criquet.
Hamidou Sanogo, le responsable de la communication et de l’information au CNLCP constate toutefois que les conditions demeureront toujours favorables à la reproduction du criquet et se traduiront par la multiplication des individus solitaires.
Au plan national, toutes les dispositions sont prises pour contrer une éventuelle apparition de ces sauteriaux (voir article de M. Coulibaly). Le stock national de pesticides est évalué à 222 684 litres d’ultra low volume (ULV).
G. A. DICKO- L’Essor
20 août 2007.