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Le dossier dont la gestion est à la base de la démission de Malick Coulibaly, substitut du procureur de Kati, était le 13 octobre 2008 devant la Cour d’Appel de Bamako. Tout comme à l’audience de Kati, la cour d’Appel de Bamako devait se prononcer sur la demande de mise en liberté de Sakaldé Dicko, boucher de son état. Le parquet général contrairement à ses instructions au tribunal de Kati ne s’est pas opposé à cette demande.

Excédé par l’ingérence inexplicable du parquet général dans un dossier au niveau du tribunal de Kati, Malick Coulibaly, pour protester contre « l’instrumentalisation de la justice de son pays », a déposé sa démission sur la table du ministre de la Justice. La suite de cette affaire au niveau de la Cour d’appel de Bamako est en passe de lui donner raison. Le parquet général qui avait demandé au Procureur de la République de Kati de faire appel de la décision de mise en liberté du boucher Sakalbé Dicko, en attendant son jugement, ne s’est pas opposé à la demande de liberté devant la Cour d’appel de Bamako.

Il a simplement demandé le versement d’une caution de 100 000 F Cfa, somme en deçà des 185 000 Fcfa que Sakalbé Dicko avait payé au petit frère du propriétaire du veau accidenté à Néguéla pour éviter les poursuites. Le 27 octobre 2008, date du délibéré, si la cour d’Appel de Bamako suit l’avocat de l’accusé et le parquet général, il n’y a aucun doute que Sakaldé Dicko va recouvre la liberté en attendant la date de son procès au fond.

Mais, le fait que le parquet général ne se soit pas opposé à la demande de liberté de Sakaldé Dicko doit amener à croire que ses instructions intempestives au parquet du tribunal de Kati, n’étaient pas motivées par le souci d’une bonne administration de la justice.

Avec le procès de la Cour d’Appel, il apparaît aujourd’hui clairement que le parquet général avait voulu faire plaisir à quelqu’un, lorsque l’affaire était au niveau du tribunal de Kati. Pour nous convaincre du contraire et pour rester conforme à sa conviction qui l’a conduit à donner des instructions au parquet de Kati, il devait s’opposer à la demande de liberté provisoire devant le juge d’Appel. En réalité, tout comme le substitut Malick Coulibaly de Kati, le représentant du parquet général, à l’audience du 13 octobre 2008 devant la Cour d’Appel, n’a trouvé aucune raison valable de détenir le boucher Sakaldé Dicko en prison en attendant le jour de son procès.

Par son attitude devant la Cour d’appel de Bamako, le parquet général vient de donner raison à Malick Coulibaly et à un autre substitut de Kati qui avait été le premier à décider dès le début de cette affaire et eu égard aux circonstances, de poursuivre le boucher non détenu. Dans cette affaire, Sakaldé Dicko ne devait pas passer une seule nuit en prison. Mais, il fallait faire plaisir à Dondou Daou et la justice malienne a été mise à contribution pour exécuter ses exigences.

Tant pis pour la liberté d’un petit boucher, citoyen commun malien, qui n’a pas d’argent ni des relations solides. Pour une banale transaction entre un berger et un boucher autour d’un veau accidenté, Sakalbé Dicko, par le bon vouloir de certains animateurs de l’appareil judiciaire de son pays s’est retrouvé en prison pour au moins deux mois, s’il venait à être libéré le 27 octobre 2008.

Rappel des faits

Quelques jours après la démission de son collègue, Sarr Samba, Procureur de la République de Kati s’était élevé contre la diabolisation de son substitut qu’il avait qualifié en ces termes : « Malick Coulibaly est un magistrat techniquement et moralement irréprochable. Je m’élève contre la tentative qui est en cours pour le diaboliser”. Ce jour là, le Procureur Sarr Samba de Kati a affirmé que suite à un accident de la circulation, un veau du troupeau de Dondou Daou a eu le dos fracturé. Le berger de service a décidé de le vendre à 10 000 FCFA au boucher Sakalbé Dicko.

Après avoir payé les 10 000 FCFA au berger, Sakaldé Dicko a enlevé le veau”, a indiqué le Procureur de Kati. Avant d’ajouter qu’informé, un des frères du propriétaire du troupeau s’est opposé à la transaction opérée par le berger. Le boucher qui n’avait pas encore égorgé le veau, informé de cette opposition, a transporté le veau accidenté dans une charrette pour aller le remettre à ses propriétaires. Arrivé dans le parc de Dondou Daou, il se verra intimer l’ordre de payer la somme de 300 000 FCFA sous peine de poursuites judiciaires pour complicité de vol et recel d’animal volé.

Suite à une âpre négociation, le petit frère du propriétaire du veau aurait accepté la somme de 185 000 FCFA contre l’enlèvement de l’animal par le boucher. Mais, ce dernier n’était pas au bout de ses peines.

Quelle ne fut sa surprise de se voir convoqué à la gendarmerie, une fois l’animal abattu et sa chair vendue. “Une fois à la gendarmerie, Dondou Daou a décidé de lui remettre les 185 000 FCFA et souhaité sa poursuite. C’est ainsi que l’affaire est arrivée au tribunal de Kati”, a signifié le Procureur. Convaincu de la bonne foi du boucher, le substitut du Procureur de la République, chargé du dossier, a décidé de le poursuivre non détenu et lui a remis ses 185 000 FCFA, en attendant la décision du tribunal le jour du procès.

Selon le Procureur Sarr Samba, cette décision du juge n’a pas plu à Dondou Daou qui a fait intervenir ses relations. « Avant de quitter le tribunal de Kati, il aurait dit qu’il allait tout faire pour que le boucher aille en prison », a-t-il déclaré. Effectivement, l’opérateur économique Dondou Daou a mis à exécution sa menace.

Le substitut chargé du dossier a reçu des instructions écrites du parquet général pour rechercher le boucher Sakaldé Dicko et le conduire en prison, chose qu’il a faite. Après un mois de détention, le boucher a demandé la liberté provisoire, comme la loi l’y autorise. Et comme, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat dans cette affaire, le tribunal a suivi le substitut Malick Coulibaly qui était monté à l’audience ce jour là. Il a requis la mise en liberté.

Cette décision du tribunal n’a pas du tout été du goût de Dondou Daou et de son avocat. Dans les minutes qui ont suivi cette décision, le Procureur de la République de Kati, a reçu des instructions pour faire appel. Ainsi, le boucher devait rester en prison en attendant que la cour d’Appel statue sur sa demande de mise en liberté. « Je l’ai fait quand bien même que je n’étais pas d’accord avec l’instruction. Ma fonction de parquetier m’y oblige », a-t-il révélé. A son avis, Malick Coulibaly y a vu un acharnement manifeste contre le boucher qui frise l’injustice.

« Il faut que cela soit clair pour tous les Maliens, Malick Coulibaly, en sa qualité de substitut du Procureur de la République, n’a désobéi à aucun ordre de ses supérieurs, parce que n’ayant pas reçu d’ordre. C’est le Procureur que je suis qui a reçu l’ordre et je l’ai exécuté. Donc, qu’on arrête de diaboliser Malick Coulibaly », a-t-il conclu.

Assane Koné

15 Octobre 2008