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Avant la proclamation des listes de candidatures aux législatives par la Cour Constitutionnelle, une bonne partie de la population malienne savait déjà que la liste Adéma – Parena – URD sur laquelle figurait Tiébilé Dramé serait annulée.

Comment une telle information a telle été ventilée ? Y aurait-il au niveau de la Cour Constitutionnelle des sages qui ne savent tenir leur langue ? Pourquoi le secret des délibérations a-t-il été violé ? Autant de questions et de constats qui entachent la crédibilité d’une Cour qui est censée être au dessus de tout soupçon.

Dans un régime dit démocratique, une justice libre et indépendante se fonde sur un certain nombre de règles à savoir le principe du contradictoire, le respect des droits de la défense et le respect du secret des délibérations. Ce dernier principe qui s’adresse surtout aux hommes chargés de dire le droit c’est-à-dire les magistrats constitue un gage de neutralité pour eux.

C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, leur code de déontologie et d’éthique leur impose une obligation de réserve par rapport aux affaires qui sont pendantes devant eux. Ils ne doivent donc se prononcer devant quiconque sur les éléments d’une affaire en jugement, ni donner un avis quelconque sous forme de consultations juridiques.

De l’avènement de la démocratie à nos jours, nos magistrats tentent tant bien que mal de se conformer à ces trois principes et de les faire observer scrupuleusement par nos hommes en robe dans les cours et tribunaux.

Mais, depuis le 31 mai dernier, certaines choses qui se sont passées à Bamako nous poussent à croire qu’il y a eu violation expresse du secret des délibérations. En effet, ce jour là, dans la soirée, les neuf sages devaient proclamer la liste définitive des candidats à l’élection des députés à l’Assemblée nationale du Mali.

Faut-il en effet rappeler que l’article 161 de la loi N°06-044 du 4 septembre 2006 stipule : « trente jours (30) avant la date des élections, la Cour Constitutionnelle statue sur la validité des candidatures reçues. Elle statue sans délai sur les réclamations éventuelles dirigées contre des candidatures. L’arrêt est publié au journal officiel« .

Curieusement dans la mi-journée du 31 mai déjà, entre 11 heures et midi, les rumeurs les plus folles circulaient sur une éventuelle annulation de la liste Adéma-Parena-URD sur laquelle se trouvait Tiébilé Dramé, président du Parena et candidat malheureux à la présidentielle du 29 avril dernier.

La campagne musclée de ce dernier contre le président sortant a-t-elle dérangé les milieux proches de ATT ? Toujours est-il que le mandataire du candidat ATT, un certain Kader Bâ, en service au Programme National d’Education Civique financé par le PNUD et aujourd’hui transformé en officine du Mouvement citoyen, était dans le secret de la décision de la Cour constitutionnelle.

Ce dernier savait déjà dans la mi-journée que la liste de Tiébilé Dramé allait être annulée par le truchement de Cheickna Hamalla Bathily, député sortant et candidat de l’URD à Nioro du Sahel. Kader Bâ faisait en effet le tour des bureaux dans son ministère pour donner la bonne information à qui voulait l’entendre.

Aujourd’hui, la question qu’on se pose est de savoir comment le mandataire d’ATT à savoir Kader Bâ a pu apprendre, douze heures avant l’arrêt tant attendu de la Cour Constitutionnelle, que la liste Adéma-Parena-URD allait être annulée par les neuf sages ? Cette information qui ne peut venir que des rangs de ces neuf sages prouve, s’il en est besoin, qu’il y a une taupe ou des taupes de Koulouba parmi les membres de l’auguste institution.


Les sbires du pouvoir au sein de la Cour

A travers cette attitude très préjudiciable pour l’institution judiciaire malienne, un des membres de la Cour Constitutionnelle a plus que jeté le discrédit sur l’arrêt de la Cour qui n’est qu’une décision politique. La crédibilité de la Cour est à nouveau mise en jeu.

En effet, on a comme l’impression que cet arrêt n’est que le résultat de la mise en oeuvre de la stratégie de liquidation politique du président Tiébilé Dramé bassement exécutée par les sbires du pouvoir. La constitution de l’alliance Adéma-Parena-URD a donné lieu à beaucoup de supputations dans la circonscription électorale de Nioro du Sahel. Déjà avant la composition de la liste, les deux députés de l’URD et de l’Adéma à savoir Cheickna Hamalla Bathily et Mahamadou N’Diaye avaient subi toutes sortes de pressions de la part des responsables du Mouvement citoyen, les ministres Djibril Tangara et Ahmed Diane Séméga, et de l’ADP qui leur auraient même promis de l’argent pour ne pas s’allier avec le Parena et surtout Tiébilé Dramé.

Mais ces deux députés ont fortement résisté aux pressions en expliquant que leur choix se fonde sur des réalités locales et qu’ils veulent être réélus.

Est-ce à cause de cet entêtement que le pouvoir ATT a châtié deux de ses partenaires politiques, membres de l’ADP (l’Adéma et l’URD) qui ont perdu dans cette affaire deux de leurs députés qui avaient de fortes chances de rempiler.

En effet, sous des arguties judiciaires, les neuf sages ont estimé que « les requêtes enregistrées au greffe sous les N° 265 et 306 tendent à l’invalidation de la liste commune Adéma-Parena-URD à Nioro du Sahel parce que le candidat Cheickna Hamalla Bathily qui y figure est tantôt né à Gadiaba Kadiel, tantôt né à Madina Tiancourni selon les jugements supplétifs d’acte de naissance 252/JPNS du 28-05-2002 ou N°1605/JPN du 26-11-2004 ou même né à Nioro du Sahel ou encore à Médine Diawanbé (Kayes) ; que ces différents lieux de naissance de la même personne laissent apparaître que son bulletin N°3 du Casier judiciaire aurait été établi en trompant la vigilance du tribunal de Nioro« .

Toujours dans la logique de la Cour Constitutionnelle, « il ressort effectivement de différents documents fournis notamment les jugements supplétifs d’acte de naissance, l’expédition de l’arrêt de condamnation par contumace du 17 août 1994 pour faux et usage de faux et la copie de l’ordonnance de non-lieu partiel, de disqualification, de suspension de poursuites et de renvoi devant le tribunal correctionnel du 30 juin 2004 que le même Cheickna Hamala Bathily est né dans les quatre localités susmentionnés qui ne relèvent pas de la même juridiction (Nioro et Kayes), que cette situation ne permet pas de considérer comme valide le bulletin N°3 du Casier judiciaire fourni dans son dossier de candidature ; que par conséquent il y a lieu d’invalider la liste sur laquelle il est inscrit à savoir la liste Adéma-Parena-URD à Nioro du Sahel« .

Ce bel habillage juridique tendant à accréditer la thèse de l’invalidation de la candidature de Cheickna Hamalla Bathily, loin d’être un exemple de rigueur intellectuelle et de cohérence juridique, pêche cependant.

Panne d’inspiration

En effet, après l’ordonnance d’acquittement N°5 prise par la Cour d’Assises de Bamako en son audience publique du 3 janvier 1998 présidée par Aliou Badara Nanacassé dont la teneur est la suivante : « statuant publiquement contradictoirement, en matière criminelle ; déclarons Cheickna Hamala Bathily, Cheickna N’Daou non coupables et acquittés de l’accusation…« .

Les neuf sages n’ont pas du tout été inspirés en parlant de l’expédition de l’arrêt de condamnation par contumace du 17 août 1994 pour faux et usage de faux qui, juridiquement, est désormais nul et de nul effet.

L’intention inavouée, on le constate, est de salir un homme, un député qui a soutenu de bout en bout ce régime. L’autre argumentaire qu’on peut battre en brèche est le cas des jugements supplétifs. Oui ou non cette pratique est reconnue au Mali ?

Pour le cas de Bathily, il est bon de lever toute équivoque : il est né dans le village de Gadiaba Diala et nulle part ailleurs. C’est ce document qui a été introduit tant en 2002 qu’en 2007. Pour les autres, le député Cheickna Hamala Bathily pourra lui même apporter tous les éclaircissements nécessaires dans les semaines, voire les mois à venir.

Toujours est-il qu’à Nioro, cette invalidation de la liste de Tiébilé Dramé a été très mal ressentie. Aujourd’hui, dans cette ville, c’est l’indignation et la consternation dans toutes les communes. Tout le monde y voit là-bas un coup fourré contre Tiébilé Dramé. Mais au-delà de ce cas qui défraie la chronique, d’autres violations des textes de lois du Mali ont été perpétrées par les neuf sages.

Il s’agit de la proclamation de la liste définitive des candidats à l’élection des députés à l’Assemblée nationale le 1er juin 2007. En effet, contrairement aux dispositions de l’article 161 de notre loi électorale qui stipule : « trente jours avant la date des élections, la Cour Constitutionnelle statue sur la validité des candidatures reçues…« , les neuf sages ont statué jusqu’au 1er juin à zéro heure 30 minutes.

Ce dépassement même s’il est passé inaperçu constitue une violation de la loi électorale.

Birama Fall

04 juin 2007.