La famille de ce dernier a considéré comme une atteinte aux valeurs traditionnelles le fait que Abdoulaye Daou qui a la réputation d’être un homme de caste, ait voulu, vaille que vaille, briguer la chefferie.
Sachant que Abdoulaye Daou constitue une véritable menace pour les intérêts de la famille du chef de village décédé, un de ses membres Zoumana Daou, se décida d’attenter à la vie du concurrent.
C’est ainsi qu’il ira poser un guet-apens à l’entrée du village contre Abdoulaye et son fils Yacouba. Il attendit que ses proies le dépassent de quelques mètres avant de tirer sur eux à bout portant à l’aide d’un fusil traditionnel.
Abdoulaye qui se trouvait à l’arrière fut mortellement atteint. Quand il a tenté de se sauver, Zou n’a pas hésité à lui donner un second coup, fatidique cette fois-ci. Entre temps, le fils du défunt Yacouba s’est échappé et est allé alerter les gendarmes.
Abdoulaye Daou, un prétendu candidat à la chefferie
Après son forfait, Zoumana prit la tangente et alla élire domicile en Côte d’Ivoire. Les membres de sa famille, Sidiki, Sissou, Michel, Zagola, Zantigui, Alphonse et Gaoussou furent arrêtés car, selon les informations, ceux-ci auraient tenu des réunions avec comme sujet la succession de leur père.
Ainsi, pour les enquêteurs, Zoumana serait envoyé par sa famille pour mettre fin à la vie du prétendu candidat à la chefferie.
A la barre, les complices ont systématiquement nié avoir instruit au jeune Zoumana de tuer Abdoulaye. Quant à Zoumana, il a seul assumé les faits.
Le fils du défunt, Yacouba qui a comparu comme témoin a décrit exactement les faits comme évoqués par l’accusé. L’avocat de ce dernier, Me Souleymane Coulibaly a tenté, en vain, de démontrer la culpabilité des complices.
Dans un réquisitoire assez brillant, le substitut du procureur de Sikasso, Lamine Ouédraogo qui assurait le rôle du ministère public a soutenu qu’il n’existe aucune preuve contre les accusés.
Les accusés de complicité ont tenu des réunions clandestines.
«Les questions posées à l’issue des débats sont assez édifiantes. Ce dont il est question est très grave. A l’étude du dossier et à la lumière de l’interrogatoire, il apparaît clairement et nettement que la responsabilité de Zoumana est établie. Par contre, concernant la culpabilité des accusés de complicité, j’avoue très sincèrement que l’accusation n’est assise sur aucune preuve» a déclaré le substitut du Procureur de Sikasso.
Puis il a ajouté : « Il est vrai que ceux qui sont accusés de complicité ont tenu des réunions concernant la succession de leur père à la tête du village ou concernant le transfert des objets de culte du défunt, mais nulle part, il n’a été démontré que cette réunion a instruit à Zou d’aller tuer leur concurrent à la chefferie, Abdoulaye.
Au bénéfice de ces faits, je demande qu’il vous plaise Messieurs et Mesdames de la Cour de déclarer non coupables les accusés ici présents de complicité d’assassinat. Cependant, puisqu’il est bien établi que le coupable est Zoumana Daou qui a même reconnu les faits, je vous sollicite, Messieurs et Mesdames de la Cour de le retenir dans les liens de l’accusation et d’appliquer la loi en la matière » a déclaré avec éloquence Lambert.
Le droit a été dit
Au regard de ce réquisitoire jugé de « très professionnel » par la défense, Me Sidi Bakaye Makassa a déclaré à la barre « après le réquisitoire du ministère public sur le banc duquel se trouve le brillant Lambert, j’avoue très honnêtement que ma plaidoirie n’a pas beaucoup de sens.
Lambert a été objectif et clairvoyant. Il a su séparer le bon du mauvais. C’est ça le rôle d’un bon avocat général. Nous saluons son travail qui facilite notre tâche.
Pour ce qui concerne Zou, je plaide coupable car l’accusé a lui-même reconnu ici à la barre devant vous les faits qui lui sont reprochés.
Cependant, je demande qu’il vous plaise, Messieurs et Mesdames de la Cour, de lui accorder des circonstances atténuantes, compte tenu de sa sincérité. Aujourd’hui, il regrette son acte.
C’est pourquoi, de l’exil en Côte d’Ivoire, il est retourné au bercail pour se remettre à la justice de son pays. C’est un acte à saluer. Je pense que mon client ne va plus jamais commettre ce qu’il a commis.
Laissez-lui la chance d’entreprendre la vie et d’aider sa famille et pour cela, condamnez-le à une peine qui lui permettra de se mettre au travail à la sortie de cette salle pour faire face à l’avenir« .
Malheureusement, la défense n’a pas été suivie par la Cour, qui au regard des faits et de leurs circonstances, a infligé la peine de mort à Zoumana Daou dans le secret de sa délibération.
La partie civile a trouvé le verdict juste et n’a rien demandé à titre de dommages et intérêts. « Le droit a été dit, cela me suffit » a déclaré Yacouba Daou, le fils de la victime.
Alassane DIARRA
Envoyé spécial à Sikasso
22 juin 2005