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«A partir de 2006, soixante cinq pour-cent des subventions que l’UE octroient aux producteurs de coton ne seront plus liés à la quantité qu’ils produisent». L’annonce a été faite hier par le Commissaire européen au commerce Peter Mandelson lors d’une conférence à l’Hôtel Kempinski de Bamako.

M. Mandelson ne se trompe point sur la portée d’une telle initiative sur les producteurs africains de coton. «Le résultat sera que les agriculteurs européens produiront moins de coton. L’opportunité pour l’Afrique de l’Ouest de vendre plus de coton en Europe sera augmentée», a-t-il commenté.

Le coton produit en Europe ne représente que 2 % de la production mondiale, mais l’Union Européenne est un importateur net de coton. C’est même l’un des plus grands importateurs de coton. En 2002, 31 % de ses importations provenaient de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Le coton est un cas exemplaire de relations commerciales inégales. Un nombre restreint de producteurs, soutenus par des subventions dans les pays riches, menace l’unique «gagne pain» de 15 millions de paysans démunis des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. «Les Etats-Unis, et dans une moindre mesure l’UE et la Chine, donnent une aide gouvernementale directe à leurs producteurs de coton.

La Banque mondiale estime que ces politiques de soutien réduisent le prix mondial de quelque 10 à 15 %. Et, à présent, nous assistons probablement à la chute la plus forte de ces prix en termes absolu depuis 1985», a déclaré le Commissaire européen au commerce.

Le coton africain n’est plus rentable face à ses concurrents subventionnés, bien qu’il soit de haute qualité et produit a des coûts inférieurs de moitié. Selon le CICC (Comité consultatif international du coton), les subventions se sont élevées à 5,8 milliards de dollars en 2002.

Il s’agit principalement de deux régions fortement développées : les Etats-Unis (3,3 milliards) et l’Union Européenne (1 milliard). On compte environ 10.000 producteurs en Espagne, 25.000 aux Etats-Unis et 90.000 en Grèce contre 15 millions en Afrique.

Alors qu’il ne constitue qu’une part mineure de l’activité économique des pays riches, le coton joue un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté des pays africains. Il constitue actuellement 30 à 40 % des recettes d’exportations de ces pays.

Il y a quelques années le coton assurait plus de 50 % des rentrées de devises.
Pour Peter Mandelson, le problème des subventions n’est pas de l’injustice gratuite. «Les problèmes que vous avez ne sont pas le résultat d’un calcul délibéré.

Ils sont la conséquence intentionnée de l’action des gouvernements des parties riches du monde pour défendre ce qu’ils croient être les intérêts légitimes de leur population. Ils peuvent avoir tort, mais ce ne sont pas des actes délibérément injustes», a-t-il affirmé.

Selon lui, seul le dialogue et la persuasion pacifique peuvent résoudre le problème.
Peter Mandelson est convaincu que l’Europe ne peut pas appeler à une action du reste du monde si elle même ne met pas de l’ordre dans sa maison. Les 65 % de subventions de l’UE qui ne seront plus liés à la quantité de la production des cotonculteurs est une initiative dans ce sens.

Et depuis le forum Europe-Afrique sur le coton, tenu à Paris en juillet dernier, la Commission européenne a accordé des ressources additionnelles de 310 millions d’Euros pour la programmation au développement des quatre pays à l’origine de l’initiative coton (Bénin, Burkina Faso, Mali, Tchad).

En plus l’UE va mettre en place un programme international de renforcement des capacités pour les produits de bases agricoles, doté d’un budget de 45 millions d’Euros, avec 15 millions d’euros spécifiquement pour le coton.

Choguel Maïga, Ministre de l’Industrie et du Commerce, s’est réjoui de l’annonce faite par le Commissaire européen. Pour lui, cette initiative donne de l’espoir aux Africains car l’UE est entrain d’aller vers des actes concrets après les déclarations d’intention.

Outre Mme Irène Horejs, chef de la délégation de la Commission européenne au Mali, la conférence s’est déroulée en présence du Ministre de la Promotion des Investissements, Ousmane Thiam, du Ministre de l’Agriculture, Seydou Traoré, du personnel de la direction de la CMDT et des représentants des producteurs.

Fousséni Traoré

20 avril 2005