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Le Président de la Transition, Bah N’Daw, s’est engagé dans son discours d’investiture à mener une lutte sans merci contre les délinquants financiers.  Il a réitéré le même discours de fermeté lors de la remise du Rapport annuel 2019 du Vérificateur Général, le vendredi dernier. Certes, cette déclaration, d’intransigeance face au fléau de la corruption et à l’impunité du Président de la transition est louable.  Cependant, la réalité est là : ce discours volontariste de Bah N’Daw est loin de se traduire en actes. De nombreux dossiers consécutifs aux scandales sous le régime défunt dorment à présent dans le tiroir. Et les auteurs des détournements de deniers publics (nullement inquiétés) pavanent  dans les rues à l’intérieur et extérieur du pays. Que font les nouvelles autorités afin de permettre à l’Etat de recouvrer les milliards détournés du trésor public ? A quand des poursuites judiciaires contre les auteurs de ces détournements ? A quand également des poursuites dans le cadre de certaines grosses affaires, notamment celles de l’achat de l’avion présidentiel, de l’acquisition de matériels pour l’armée ou encore de la rénovation du palais de Koulouba ? Au-delà des beaux discours du président de la transition, l’opinion s’interroge…

Lors de son investiture, le 25 septembre dernier, le Président de la Transition, Bah N’Daw, a affiché ses ambitions de remettre le pays sur la voie de l’ordre constitutionnel normal. Et l’une de ces ambitions est que le Mali doit en finir avec un mal à l’origine de ses difficultés économiques, sociales et même sécuritaires : la corruption. Elle est courante et le pot-de-vin est devenu si systémique que les citoyens s’y sont habitués. La lutte sera implacable contre ce fléau, à travers une gestion rigoureuse de nos maigres ressources. Promesse du Président de Bah N’Daw qui s’est montré très ferme, n’hésitant pas à parler d’impunité zéro. Elle sera la norme. Il s’est engagé à être intraitable contre les délinquants financiers, notamment ceux qui ont détourné les moyens mis à la disposition de l’Armée. « Les moyens de l’Armée iront désormais totalement à l’Armée et seulement à l’Armée. Chaque centime investi pour la défense et la sécurité de ce pays sera surveillé et évalué, tant que je présiderais les destinées de la Transition. J’en prends ici le serment… », a-t-il alerté solennellement.

Selon le Président de la Transition, la gestion rigoureuse des ressources de l’Etat sera désormais la norme : « La bonne gestion de nos ressources, de nos maigres ressources est, en effet, une obligation. Ce sera là un chantier de la Transition. Il sera quotidien. Il sera renforcé et ne sera pas négligé un seul instant. Générer des ressources optimales au niveau national n’est pas un luxe. C’est une exigence et celle-ci passe par l’utilisation judicieuse de nos maigres deniers publics. Je ne peux pas promettre zéro corruption mais je ferai tout pour que l’impunité zéro soit la norme. L’argent public est sacré et je ferai en sorte qu’il soit dépensé, de manière traçable et raisonnable. Avec tous les sacrifices que cela comporte, en termes de mesures systémiques et de répression des crimes et délits économiques ».

Pragmatique, le nouveau Chef de l’État promet que « tous les dossiers d’enquêtes réalisés par nos structures de vérifications seront transférés au Juge, au besoin. Il m’appartiendra de garantir à la justice les moyens de diligenter leur traitement ».

Un mois plus tard, lors de la remise du Rapport annuel 2019 du Vérificateur Général, le Chef de l’Etat a réitéré sa détermination à mener une lutte sans merci contre les délinquants financiers : « comme c’est le cas, depuis plusieurs années, vous avez su mener de front, des audits de régularité, des audits de performance ainsi que des missions de suivi de mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques formulées pour certaines des structures vérifiées.  Vous déplorez le faible progrès dans la mise en œuvre des préconisations précédemment faites par vous dans le seul souci d’améliorer la gouvernance publique. Le constat est d’autant plus triste que ces recommandations ont été formulées pour une saine gestion de nos entreprises et de notre administration ; elles ont été formulées pour le bien-être du Peuple malien. Soyez certain alors, Monsieur le Vérificateur Général, que la situation ne restera pas en l’état ! Car, dès ce lundi, les Départements ministériels concernés seront mobilisés pour que les Responsables des entités incriminées sachent que la performance n’est pas facultative mais obligatoire. Il n’y a pas d’hésitation possible : c’est soit le Mali, soit la porte ! Monsieur le Premier Ministre, en tant que Chef de l’Administration publique, la balle est dans votre camp. Et vous savez à quoi vous en tenir ! », a assené le Chef de l’Etat.

Place à l’action

Mais, au-delà des mots, les Maliens attendent surtout des actes. L’engagement du Président de la Transition dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière n’est pas encore perceptible. En effet, en dépit de ces discours, aucun acte concret n’a été posé, pour l’instant, contre les délinquants financiers. Or, le souhait de la majeure partie du Peuple est le retour à la justice sociale et la lutte contre l’impunité. Donc, il est temps d’entamer des procédures judiciaires contre toutes les personnes physiques accusées de corruption, détournement des biens ou des fonds publics. Cela sans complaisance aucune.  Il ne doit pas y avoir d’état d’âme dans l’application des textes. La loi est dure, mais c’est la loi et son application pour que nul n’en soit au-dessus, comme l’a promis le Président de la Transition, dans son discours d’investiture. C’est la seule voie qui pourrait mener certainement à la refondation.

Ainsi, le Mali a été le théâtre, durant ces dernières années, de trop de scandales côté corruption, de détournements des deniers publics. Des scandales qui ont mis la République au fond d’un gouffre financier sans précédent dans l’Histoire de notre pays.

Aussi, plusieurs milliards de FCFA sont détournés par an à cause de la corruption. C’est selon plusieurs Rapports dont celui du Bureau de Vérificateur Général qui élabore périodiquement un document de contrôle sur la gestion des deniers publics. Tous les secteurs sont infestés : santé, éducation, emploi, sécurité, justice, … En 2018, un Rapport canadien sur le traitement judiciaire des cas d’irrégularités financières précise que « près de la moitié des dossiers font l’objet d’un classement sans suite ; donc, pas de poursuites, faute d’infraction pénale ». Ce qui amène à un « niveau très bas de recouvrement de 6,5 % du montant total des irrégularités financières ». En clair, les Autorités maliennes n’auraient récupéré qu’environ 48 milliards de francs CFA (73,2 millions d’euros) sur les 741,5 milliards de francs CFA d’irrégularités financières constatées par le BVG entre 2005 et 2017.  On attend, en somme, plus de rigueur de la part des Autorités de la Transition dans le recouvrement des irrégularités financières.

Il urge aussi pour la Justice de donner suite sur un certain nombre de dossiers qui ont mis à mal notre pays. C’est dans, notamment, l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires, des engrais frelatés… dont les présumés coupables n’ont nullement été pour le moment inquiétés.   Ces affaires sont aujourd’hui pendantes au niveau de la Justice.

Face à l’ampleur de la corruption qui gangrène tous les secteurs publics et privés, il urge que la détermination du Président de la Transition à lutter contre la corruption soit traduite en actes concrets afin de situer les responsabilités dans la gestion calamiteuse des fonds publics.

Mémé Sanogo

Source: L’Aube