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«Le gouvernement entend prendre en compte les résolutions pertinentes auxquelles vous êtes parvenus, pour les traduire en actions dans le cadre du plan de lutte contre la corruption et la délinquance financière dans les meilleurs délais». C’est en ces termes que le Premier ministre Modibo Sidibé a indiqué la suite que le gouvernement entend réserver aux résolutions issues des Etats généraux sur la corruption et la délinquance financière au Mali. Le Premier ministre est convaincu que « La lutte contre la corruption et la délinquance financière demeure une exigence forte des Maliennes et Maliens, qui appellent de tous leurs vœux la consolidation d’un Etat moderne et performant, capable de leur fournir des services de qualité ». Cependant, il a estimé que l’engagement dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière doit s’inscrire dans la durée.

«C’est en donnant un caractère pérenne à notre engagement dans la lutte contre la corruption, qu’il nous sera possible de marquer des points décisifs dans cette croisade», a-t-il déclaré. Avant d’indiquer que les Etats généraux ont permis de faire le constat que les débats sur la corruption suscitent des passions, sur fond d’amertumes, de dépits nés des frustrations multiples, d’expériences douloureuses vécues par les uns et les autres, par rapport à : l’équité et la justice sociale, le non-respect de l’égalité de tous devant la loi, ainsi qu’aux conséquences néfastes des comportements déviants sur la qualité de vie de nombreux citoyens. Pour cela, Modibo Sidibé a estimé qu’il ressort des résolutions adoptées un ensemble de mesures susceptibles de constituer les éléments d’un plan d’action de lutte contre la corruption et la délinquance financière.

Entre autres résolutions qui ont retenues l’attention du Premier ministre, on peut citer : l’élaboration et l’adoption d’un code de conduite anti-corruption, un plan de formation des cadres de l’administration publique, la création d’une centrale d’achat pour les biens et services de l’administration, une plus grande mobilité des hauts cadres civils et militaires aux postes de responsabilité dans le respect de leur plan de carrière et la déclaration des biens des hauts cadres, ainsi que des élus locaux, régionaux et nationaux.

Sanctionner la faute et récompenser le mérite

Avant l’intervention du Premier ministre, M. Kanté, le rapporteur des Etats généraux, a levé le voile sur les résolutions. Partant de la nécessité d’entretenir et de manifester de façon ininterrompue la volonté politique de lutter contre la corruption et la délinquance financière, les Etats généraux ont invité la puissance publique à sanctionner la faute et récompenser le mérite et à sauvegarder constamment l’image d’un Etat fort, déterminé à appliquer sans considérations subjectives, l’ensemble des textes législatifs et réglementaires dont le pays s’est doté pour assurer la sécurité et l’épanouissement des citoyens à promouvoir la démocratie et les droits humains.

Dans le but de disposer de ressources humaines qualifiées et choisies selon des critères de compétences et d’intégrité morale, et surtout eu égard à la nécessité de créer les conditions de vie et de travail susceptible de mettre les agents à l’abri de certaines tentations, les Etats généraux ont formulé un certain nombre de recommandations. Ce sont : la moralisation des recrutements à tous les niveaux, pour ne retenir que des agents compétents et qualifiés ; la dépolitisation de l’administration et le respect des critères de compétence et d’intégrité, lors de nominations aux postes de responsabilités ; l’institution des enquêtes de moralité fiables avant toute nomination par décret et l’amélioration constante des conditions de vie et de travail des agents des services publics.

En vue d’accroître les ressources de l’Etat, de les protéger, de les sécuriser, de les utiliser exclusivement pour le développement économique, social et culturel du pays, entre autres recommandations, les Etats généraux ont souhaité : la maîtrise des dépenses ; l’application stricte des dispositions réglementaires en matière d’acquisition, d’affectation et d’utilisation des véhicules administratifs ; l’inventaire exhaustif du patrimoine roulant de l’Etat et des immeubles privés loués pour les besoins des services, pour vérifier leur utilisation ; le paiement des recettes de l’Etat, des impôts, des droits de douanes, des taxes diverses au moyen de versements bancaires, lorsque la somme à acquitter dépasse 100 000 F Cfa ; l’exécution des paiements au profit des usagers au moyen de chèques bancaires émis par le trésor public, lorsque le montant de la somme dépasse 100 000 F Cfa.

Considérant que la qualité de la justice, le développement des services de base, à savoir la formation, la santé, l’emploi, entraînent le progrès social, le mieux-être, facteur du rayonnement de la démocratie et de la consolidation de la paix sociale, entre autres recommandations, les Etats généraux ont souhaité par rapport à la justice : le respect de l’indépendance de la justice ; la réforme du conseil supérieur de la magistrature par rapport à sa composition, à son mode de saisine ; la révision du Code Pénal afin que certaines infractions financières ne soient plus qualifiées de crimes, mais de délits, pour accélérer les procédures de jugement, pour éviter de longues périodes d’attente propices aux manipulations, aux trafics d’influence, aux interventions intempestives ; la transmission à la justice de tous les rapports de contrôle faisant l’objet de poursuites judiciaires ; l’interdiction de nommer à d’autres postes de responsabilités administratives, les cadres reconnus coupables d’atteinte aux biens publics.

Distinctions honorifiques sur la base du dévouement à la nation

Par rapport à la formation, les Etats généraux ont recommandé : la recherche systématique des sources de fraudes, de corruptions et de délinquances financières, de faux diplômes, de documents falsifiés, pratiques en cours dans le système de formation, affectant gravement sa qualité et sa crédibilité ; la moralisation de tous les examens et concours dans tous les secteurs ; le respect des critères de reconnaissance d’utilité publique des structures privées de formation, pour mettre fin au clientélisme, la mise en place d’un système de reconnaissance de diplômes délivrés par les écoles privées sur la base de critères exclusifs de performances académiques ; le contrôle systématique des effectifs d’élèves orientés dans les écoles privées pour le compte de l’Etat, afin de déterminer la pertinence des débours financiers que supporte le budget national et la moralisation des subventions aux écoles privées.

Par rapport à la santé, entre autres recommandations, les Etats généraux ont souhaité : le respect de la réglementation relative à l’exercice privé de la médecine et de la pharmacie ; l’interdiction de toutes pratiques occultes au sein des formations sanitaires de l’Etat ; l’amélioration des revenus des personnels de santé et la définition des contours de la responsabilité pénale du médecin. Par rapport à l’emploi, les Etats généraux ont recommandé : la mise à la retraite effective de tous les agents atteints par la limite d’âge, et l’exercice d’un contrôle strict dans ce sens ; la moralisation des recrutements afin de garantir l’égalité de tous les citoyens devant les lois et règlements et le respect strict des conditions d’accès à la

Fonction publique. Partant du principe que les mœurs politiques constituent un aspect important de la moralisation de la vie publique et de la promotion des valeurs sociétales, les Etats généraux, entre autres recommandations, ont souhaité : la soumission de l’accès des partis politiques aux financements publics à leur capacité de formation, de conscientisation de leurs militants à la citoyenneté et à la lutte contre la corruption et la délinquance financière ; la fixation des montants des frais de campagne à ne pas dépasser par les candidats à l’occasion des élections municipales, législatives et présidentielles ; la publication et l’audit des comptes des campagnes électorales aux fins de moralisation et de respect de l’éthique…

Et enfin, considérant que le réarmement moral est aujourd’hui une exigence pour toutes les couches sociales de notre pays, les Etats généraux ont recommandé : l’élaboration d’un code d’éthique et de déontologie à l’usage des administrations ; l’introduction de l’éducation civique et morale dans les programmes scolaires et universitaires, la rupture avec l’impunité, la récompense du mérite ; la réactivation de la police des polices, du numéro vert, notamment sur le corridor pour dénoncer tous les paiements indus imposés aux usagers de la route et aux transporteurs, l’obligation pour les éléments des forces de sécurité, notamment ceux de la compagnie de la circulation routière, de porter les badges d’identification ; la valorisation des hommes et des femmes humbles reconnus comme honnêtes et intègres et la prise en compte des critères moraux et de dévouement à la nation dans l’attribution des distinctions honorifiques…

Assane Koné

01 décembre 2008