L’engagement du chef de l’État à punir ceux qui touchent aux fonds étrangers destinés à aider notre pays ne saurait être interprété comme un coup de pied dans la fourmilière de la corruption, qui a encore de beaux jours devant elle avec des dizaines de fonctionnaires milliardaires assurés de l’impunité. En plus de la corruption, c’est le gaspillage qui entrave la marche en avant du Mali.
C’est notre confrère L’Indépendant dans son édition du 21 décembre 2010 qui donne la primeur de l’information. Excédé par la corruption généralisée, le président de la République, écrit-il, a tapé du poing sur la table et indiqué qu’on ne peut pas aller chercher de l’argent auprès des partenaires et que d’autres se mettent à le détourner (sic).
Dans une autre vie, des populations maliennes, qui ne cessent de déplorer la montée en flèche de la pratique et des autres tares qui bloquent le développement national, auraient applaudi des deux mains.
Elles allaient penser à la fin de la récréation pour tous les « détourneurs ». Sans exception.
Mais, en mettant seulement l’accent sur la préservation de l’argent des partenaires au développement, le chef de l’Etat fait malheureusement le distinguo et botte en touche les avanies portées sur l’argent du contribuable, gaspillé, détourné à longueur de journée sans grand dommage pour les présumés coupables.
Ce ne sont pas les scandales financiers qui manquent dans ce pays. La réhabilitation de Diafaranakô, pour 4 milliards de F CFA, alors que la matière première utilisée dans les travaux se trouve à gogo à Bamako, la passation du marché de drainage et de voirie de la zone ACI à Dialakorobougou sont quelques-unes des affaires récentes qui défraient et qui pouvaient coûter cher à certains dans un pays résolument engagé dans l’assainissement de ses finances publiques.
De fait, il ne passe de jour sans que la presse ne rapporte des faits similaires gravissimes. La quasi-totalité des marchés passés par des départements ministériels se font au mépris de l’orthodoxie financière. Des marchés sont fractionnés ou octroyés de gré à gré. Tant et si bien que ce sont des centaines de milliards de manque à gagner depuis quelques années, sans que la poule ne se lève sur son œuf.
A l’analyse, il y a dans la croisade
contre la corruption dans notre pays une justice à deux vitesses, socle de l’impunité pour beaucoup. Mais, l’honnêteté exige de dire que ceux qui payent dans l’affaire du Fonds mondial ne sont pas plus coupables que ceux qui prennent des pots-de-vin faramineux sans aucune crainte. Dès lors, le credo, « il faut éviter d’humilier des chefs de famille », n’est plus un principe valable pour tous.
Gaspillages
Dans le principe, il ne doit pas y avoir argent du Blanc intouchable et d’impôts du peuple à la merci des seuls gestionnaires publics. Hélas ! Les rapports du Vérificateur général, de la Cellule d’appui au contrôle des services publics (Casca) et des contrôles internes n’émeuvent plus le chef de l’Etat puisque les mis en cause continuent de narguer le peuple et vivent de façon ostentatoire avec des biens mal acquis.
C’est au Mali qu’on entend dire qu’il y a des fonctionnaires milliardaires et qui ne s’en cachent pas. Aujourd’hui, il n’est un secret pour personne que des agents de l’Etat sont propriétaires d’immeubles dans des quartiers huppés comme la Cité du Niger où le mètre carré coûte entre 40 000 et 60 000 F CFA. Le président de la République est-il au courant de ça ?
Mais il y a plus grave que la corruption, c’est le gaspillage matérialisé par l’attribution des fonds du budget de l’Etat à des institutions qui ne marchent que ponctuellement. Il s’agit, entre autres, de la Cour constitutionnelle (qui ne marche que pendant la seule période électorale sur cinq ans) de la Délégation générale aux élections (DGE, qui ne fonctionne aussi que pour la période électorale), le Conseil économique, social et culturel dont l’impact sur la vie publique est insignifiant, le Médiateur de la République.
La Cour constitutionnelle, le Conseil économique, social et culturel et le Médiateur coûtent plus de 2,5 milliards de F CFA au budget national pour l’exercice 2011. Cet argent ne pouvait-il pas servir à couvrir le paiement des bourses des étudiants ?
La priorité du développement socio-économique de notre pays impose à l’Etat une allocation judicieuse de ressources publiques.
En tout état de cause, le chef de l’Etat est, nous le pensons, suffisamment informé sur les poches de déperdition de l’argent public. Que cela soit par des surfacturations, que ça soit des marchés fictifs, des livraisons fictives, des spéculations foncières, etc.
Aux actes concrets M. le président !
A. M. Thiam
22 Décembre 2010.