Maliens et Sénégalais ne ratent plus aucune opportunité de se rencontrer. Après la participation du Chef de l’Etat à la célébration du 45è anniversaire du Sénégal, c’est le Premier ministre de ce pays, M. Macky Sall, qui était dans nos murs la semaine dernière. Il conduisait une importante délégation composée de nombreux ministres de son gouvernement et de beaucoup d’opérateurs économiques.
L’un des faits marquants de cette visite, a été l’organisation d’un Forum économique afin d’explorer les possibilités d’affaires et d’investissement entre les deux pays voisins. Aujourd’hui, comme l’a souligné le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM), M Jeamille Bittar, le Mali ne manque pas de potentialités pouvant intéresser les opérateurs économiques de la sous-région.
Des immenses ressources agropastorales aux mines (or, bauxite, phosphates, fer, etc.), les secteurs de coopération sont nombreux. Surtout que les deux pays brillent par leur vitalité démocratique gage de stabilité et par la création d’un environnement favorable aux investissements.
Ainsi, ce forum visait à établir un vrai partenariat entre non seulement les secteurs publics, mais aussi entre les privés, les hommes d’affaires et les investisseurs dans les deux pays. Par cette ambition, la coopération maliano-sénégalaise se veut ainsi une référence en Afrique et surtout un tremplin pour l’intégration sous-régionale à travers l’UEMOA et pour la réalisation des objectifs du NEPAD.
L’efficacité de ce partenariat dépend non seulement de la volonté politique, mais aussi naturellement du dynamisme du secteur privé. Il s’agit alors de mettre en place une synergie de complémentarité entre les deux économies afin qu’elles ne soient plus tributaires de certains aléas.
Pour le vice-président du Mouvement des entreprises du Sénégal (MEDS), M. Ibrahim Sow, il s’agit de poser des actes concrets comme la mise en place d’un système d’échanges permettant aux entreprises de s’établir sans problèmes dans l’un ou l’autre pays.
« Les Etats posent les cadres. Mais, c’est aux privés d’investir. Ils sont en train d’identifier pour que dans chaque pays de la sous-région existent des bases de la complémentarité », souligne M. Sow.
Corriger la juxtaposition des économies
Cela est d’autant nécessaire que la juxtaposition des économies est l’un des handicaps majeurs de l’UEMOA. Ainsi, le Sénégal file du coton alors qu’il peut tirer assez de profits du fil malien. Tout comme les Maliens continuent à payer des tracteurs à près de 40 millions de F CFA alors qu’une PME sénégalaise les recycle pour les revendre à environ 6 millions de F CFA avec le même rendement.
Ce sont des paradoxes comme ceux-ci qu’il faut maintenant corriger entre les deux pays par la suppression d’une concurrence inutile et l’instauration de la complémentarité.
Pour le Premier ministre sénégalais, M. Macky Sall, ce forum traduit « la vision partagée des présidents Wade et Touré d’un continent réconcilié avec lui-même et surtout confiant en ses moyens de relever les défis auxquels il fait face ».
Il va de soi que la multiplication des échanges à l’échelle sous-régionale et régionale est une condition sine qua non pour que l’Afrique puisse combler le grand fossé qui la sépare de son développement socio-économique.
« Nous devons, d’une part, nous engager à promouvoir davantage nos flux d’échange et d’investissement afin d’améliorer sensiblement le profil de notre commerce extérieur et, d’autre part, accroître le niveau de nos activités économiques et financières dans le cadre d’un partenariat fructueux et mutuellement bénéfique », a souhaité M. Sall.
De nombreuses opportunités à concrétiser
Le Sénégal serait particulièrement intéressé par l’exploitation des 100 000 ha de terre mise à la disposition de la Cen-Sad par le Mali et le programme de concession des abattoirs.
Ce qui explique la présence d’une délégation sénégalaise quelques jours auparavant et la visité de Macky Sall à l’Office du Niger en compagnie de Ousmane Issoufi Maïga. En retour, les Sénégal souhaite que le Mali prenne une part active dans la réalisation du port de Kaolack.
Si ce projet se réalise, il sera le plus court accès du Mali à la mer et aussi le plus facile grâce à la construction de la route du Sud passant par Kédougou, Saraya, Bafoulabé, Kita et Bamako.
Le séjour du Chef du gouvernement sénégalais au Mali a aussi été marqué, à la fin du forum économique, par la signature d’une convention de promotion et de protection des investissements entre les deux Etats.
Cette signature est intervenue après que les préoccupations des opérateurs économiques maliens et sénégalais aient été diagnostiquées au cours d’un débat. A ce niveau, les échanges ont porté sur l’approvisionnement du Sénégal en riz, en bétail, en viande… à partir du Mali.
Il a aussi été question des entraves aux échanges commerciaux (multiplicité des points de contrôle, tracasseries de toutes sortes…), des difficultés d’application de la convention « Trie » et d’utilisation des installations portuaires ainsi que des cuves de stockage pour le passage des produits pétroliers maliens acquis sur le marché international.
Surmonter les obstacles
Le prélèvement de la TVA sur le bétail malien au Sénégal et la co-exploitation du port de Kaolack ont été aussi abordés par les intervenants. Les Sénégalais ont mis l’accent sur la nécessaire harmonisation des réglementations nationales sur les dispositions communautaires, l’élaboration d’une politique de collaboration sur les accords à l’intention des opérateurs économiques et le développement du partenariat dans le domaine industriel.
Autant de goulots d’étranglements de part et d’autre des frontières coloniales qui bloquent les investisseurs nationaux dans la réalisation de leurs ambitions économiques.
Le succès d’une coopération repose avant tout sur la volonté politique qui anime les parties. Et la signature de cette convention entre le Mali et son voisin oriental, traduit l’engagement des deux Chefs de gouvernement à œuvrer au renforcement de la coopération entre les deux pays.
Cette volonté s’est traduite par des mesures concrètes comme l’engagement des deux Etats à parvenir à un allègement significatif des contrôles et des tracasseries administratives dans le corridor dès la fin de ce mois d’avril.
Le Premier ministre malien, M. Ousmane Issoufi Maïga, a aussi recommandé aux ministres chargés du Commerce des deux pays, l’élaboration d’un programme d’action et d’un plan opérationnel prenant en compte toutes les préoccupations soulevées lors du débat ayant précédé la signature de la convention.
Deux pays, une même vision économique
Cette volonté politique, cette vision partagée des présidents Wade et ATT se concrétise déjà. Parce que lors du séjour de M. Macky Sall, les deux pays ont également signé un Protocole d’accord réglementant la transhumance entre le Mali et le Sénégal.
Ainsi au-delà de l’aspect protocolaire, cette visite a mis en évidence des secteurs où un partenariat peut être mutuellement avantageux dans les prochaines années. Il s’agit surtout de l’agroalimentaire, des BTP et de l’industrie chimique.
La construction des Entrepôts du Sénégal au Mali (ENSEMA SA) est un dynamique support pour ces opportunités d’affaires. Construits à Korofina-Sud (commune I du district de Bamako), les ENSEMA vont constituer un site de chargement et de déchargement des wagons, de stockage et d’entreposage des marchandises.
D’une valeur de 7,7 milliards de F CFA, ce projet est financé par la Banque islamique de développement (BID) à hauteur de 4,5 milliards de F CFA (58,7 %). Le reste du financement étant assuré par l’Etat et les privés sénégalais.
La réalisation de ces entrepôts tout comme la visite de trois jours de Macky Sall, accompagné d’une très forte délégation, constituent des signes forts de la redynamisation de la coopération entre le Mali et le Sénégal.
Gageons qu’elle saura surmonter les obstacles qui ne manqueront pas de jalonner le chemin de sa réalisation pour se traduire par des initiatives concrètes au bénéfice de nos deux peuples.
Moussa Bolly
19 avril 2005