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Le député Demba Traoré a un désir légitime : permettre au peuple malien de connaître les détails de ce qu’il convient d’appeler désormais un contrat à scandale. Il l’a réussi.

Car depuis son interpellation adressée au ministre des sports, Natié Pléah, le document est sorti des ténèbres.
Finalement le ministre de la jeunesse et des sports ne l’aura reçu que le
11 janvier 2006 avec une lettre explicative.

Et jusqu’ici la confidentialité dont il était question dans le contrat (articles 17 et 24) était également appliquée au département de tutelle.

Aussi à l’analyse du document, on se rend à l’évidence : les clubs avaient raison d’entrer dans une rébellion ouverte. La Femafoot s’est substituée à eux pour la vente de leur image.

Dans un premier temps les objectifs de Ikatel étaient seulement de sponsoriser les équipes nationales. C’est cette proposition que le PDG de Ikatel, Alioune N’Diaye, avait faite aux membres du bureau fédéral le 10 novembre dernier.

C’était au cours d’une rencontre avec des responsables de la fédération conduite par le président Salif Kéïta. De leur côté, les membres du bureau fédéral ont exposé les avantages que peut apporter le championnat à l’image de Ikatel.

En somme, Ikatel qui n’espérait pas autant de largesse s’est vu proposer l’image du football malien dans sa globalité. Une aubaine !

Ikatel s’est finalement engagée en s’entourant de toutes les garanties notamment judiciaires. C’est ce qui ressort de l’article 2 du contrat.

Suivant cet article, la Femafoot « garantit » Ikatel contre tout recours…notamment judiciaire. Dès lors, les experts ont taillé un contrat qui leur donnait toute la plénitude.
Ce contrat a été fait le 16 décembre, suivi par une cérémonie de signature le 26 décembre.


Les clubs ligotés

Quel que soit ! Ikatel a déjà l’exclusivité sur le football malien pour
1.2 milliards sur 5 saisons. Des droits d’exclusivité sont contenus dans l’article 16 qui interdit à la Femafoot et aux clubs de rentrer en partenariat avec une entreprise du secteur des télécommunications.

Suivant cet article, la Femafoot veille à ce qu’aucun club ne signe notamment un accord avec une entreprise ayant une activité dans le secteur de la télécommunication.

Il en ressort que malgré les assurances, le Stade malien de Bamako qui est très avancé pour un contrat avec Siemens et son partenaire Malitel est dans une situation difficile.

Tout porte à croire que cette équipe ne peut pas évoluer avec les maillot floqués, Siemens ou Malitel. En réalité il en est de même pour tout club de 1ère division avec un autre sponsor.

Car d’après l’article 4 “les logos de Ikatel seront apposés sur tous les éléments d’équipements des équipes et des clubs, des membres de l’encadrement et des accompagnateurs…”.

En plus, les tenues portées sur l’aire de jeu durant les matches seront floquées Ikatel au niveau de la poitrine sur la surface de 500 cm2 (25 cm X 20 cm).

Même les tenues d’entraînement des équipes et clubs, les membres de l’encadrement et des accompagnateurs (shorts, maillots, chasubles, débardeurs etc.) seront floqués Ikatel.

Il en est de même pour les maillots ou tenues portés par les équipes et les clubs avant chaque match pour les tenues de loisirs et de voyages (sacs), maillots, shorts, polos, Tee-shirts. Tout ceci pour 4.5 millions par club.

Les équipements sont choisis de concert avec Ikatel et les frais ne lui incombent pas. Donc un sponsor comme EFICA qui apporte 50 millions au COB s’effacera t-il pour
4,5 millions de Ikatel.

De même, Siemiens ne pourra pas figurer sur les maillots du Stade malien de Bamako malgré son apport de 65 millions. En clair, la Femafoot a vendu les droits des clubs à leur insu et sans leurs avis.

Alors même que les réglementations de la Caf et de la Fifa l’interdisent.
« Une fédération ne peut engager que sportivement les clubs« , selon ces deux instances.

Mais l’article 6 du contrat confère à Ikatel le droit de faire usage des droits promotionnels publicitaires d’image sur les équipes, les clubs relativement à un ensemble qu’elle définira.

Et l’article 5 dit qu’Ikatel a le droit d’organiser avec les clubs diverses manifestations privées.
La société déroulera en outre des panneaux et banderoles à son effigie un peu partout au stade du 26 mars, au stade Modibo Kéïta et/ou en tout autre lieu où se dérouleront les compétitions, même dans les vestiaires. Même les journalistes et photographes pourraient porter des tenues floquées Ikatel.

Pour tout, Ikatel s’engage, suivant l’article 18, à verser un montant global de neuf cent de F Cfa (900 000 000) de F Cfa en raison de 200 millions par an. Avec la précision que les montants avancés sont en TTC (toutes taxes comprises).

C’est dire qu’en nette la Femafoot percevrait 900 millions (moins environ
18 % de TVA). Elle se retrouverait avec un montant avoisinant les 700 millions.

En cas de qualification pour la coupe du monde 2010, Ikatel s’engage à verser une prime exceptionnelle d’un montant de 300 millions TTC. La Femafoot a déjà empoché un montant de 100 millions TTC après la signature du contrat.

En conséquence, Malifoot est soumis à une pile d’engagements qui sont énoncés dans l’article 19. Notamment la Femafoot s’engage par cet article à informer l’ensemble des clubs et de ses structures déconcentrées, des conditions et obligations prévues au contrat. La Femafoot s’engage à veiller à tous moments que les dispositions du contrat soient appliquées.

Par ailleurs, la fédération s’est engagée à apporter son soutien à Ikatel en jouant le rôle de facilitateur auprès du ministère des sports pour permettre une bonne exécution de toutes les dispositions du contrat.

Visiblement la fédération n’a pas tenu des engagements. Car aucun club, aucune ligue n’ont reçu de façon officielle le contrat.

Selon l’article 26, la Femafoot s’engage et engage les équipes, les clubs, l’encadrement et les accompagnateurs à ne porter aucun préjudice direct ou indirect moral, matériel ou financier de quelque manière que ce soit à Ikatel.

C’est l’article 27 qui parle de résiliation. En effet, si le contrat est rompu avant terme, la Femafoot s’engage à verser tous les frais TTC engagés par Ikatel SA et correspondant à des prestations non encore rendues et cela à compter de la date d’entrée en vigueur jusqu’à la date de notification de la résiliation.

Ce document contractuel de 30 pages, contenant 28 articles fait actuellement l’objet de vives tensions entre les acteurs, dirigeants du football malien.

Pour certains, ce contrat doit « absolument être révisé pour l’intérêt du football malien« . Que va t-il se passer ? Encore qu’aucune disposition ne parle de révision.

Souleymane Diallo

16 janvier 2006.