Le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale ce 14 octobre 2005 a entraîné une nouvelle donne à l’hémicycle : le Rassemblement pour le Mali
(Rpm) boude le bureau de l’Institution.
Empressons-nous d’ajouter cependant, que le président du Rpm Ibrahim Boubacar Kéïta, qui préside l’Assemblée nationale se maintient à ce poste, le seul non renouvelable pendant le quinquennat de la législature. Le Rpm qui était représenté par
5 députés dans le bureau sortant s’est vu attribué 2 postes cette année en plus du perchoir. Cette réduction du nombre de ses représentants au sein du bureau a réveillé la colère des partisans de Ibrahim Boubacar Kéïta président de l’Assemblée nationale.
Les députés Rpm ont décidé de renoncer aux deux postes qui leur revenait dans la liste bloquée proposée par la conférence des présidents de l’Assemblée nationale et qui a été adoptée par 97 votants pour, 1 contre et 3 abstentions.
Du coup, ils ont fait sauter les verrous du consensus politique qui, en vérité a tangué, à chaque renouvellement du bureau. Dans un article «consensus politique : la potion magique», paru le 7 juin 2005 dans le Républicain N°1929, nous écrivions : «les premières menaces au consensus ont été notées du côté de l’Assemblée nationale lors des différents renouvellement du bureau de cette institution, suite aux rentrées parlementaires de 2003 et 2004. Ces événements ont permis de croire que si le glas du consensus devra sonner, ce serait lors d’un renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale».
Et notre mise en garde, dans le même article : «l’institution présidée par Ibrahim Boubacar Kéïta doit se donner les moyens de renouveler son bureau, les rentrées parlementaires à venir (2005 et 2006) sans le blocage habituel». Hélas, la vision était juste. La machine du consensus s’est grippée au parlement après trois ans de fonctionnement.
Les fortes turbulences constatées à l’hémicycle lors de chaque rentrée parlementaire devaient finir par avoir raison du consensus. Aujourd’hui avec le nouveau bureau que le parlement s’est donné, peut-on dire que le consensus politique est fini et que le Rpm est un parti dans l’opposition ?
C’est sans doute la fin d’un consensus, celui de l’unanimité parlementaire, les députés Rpm ayant refusé de siéger dans le bureau de l’Assemblée et dans ceux des Commissions parlementaires.
Cette situation met le président du Rpm Ibrahim Boubacar Kéïta en mauvaise posture du haut du perchoir. Certains députés Rpm ne sont pas restés en marge de l’option oppositionnelle même s’ils ont toujours fini par se plier à la volonté de leur président, IBK, non pas sans auparavant, faire preuve de combativité pour défendre leurs opinions. Ces opinions sont souvent visiblement tranché avec la vision gouvernementale.
Ce fut le cas lors du vote de la loi sur le vérificateur général où IBK a été amené à monter au créneau pour inviter les siens à obtempérer. Les députés Boubacar Touré, Arouna Kéïta et le président du groupe parlementaire, le doyen Kadari Bamba n’ont jamais manqué d’occasion, pendant les moments les plus glorieux du consensus pour exprimer leur désapprobation face à des projets importants proposés par le gouvernement pour l’application de sa politique.
Option oppositionnelle inachevée
Ils sont les relais à l’hémicycle des ténors de la direction du parti comme Bocar Tréta, Bakary Konimba Traoré etc. La flamme de leur option oppositionnelle semble venir de la composition du premier gouvernement de l’ère Amadou Toumani Touré où le Rpm s’est senti lésé par le nombre de ses représentants au gouvernement.
Le parti a un moment donné, se voyant au centre de l’inter groupe formé avec des partis intermédiaires comme le Cnid et le Mpr a même cru devoir revendiquer la désignation du chef du gouvernement.
Ce rêve s’est brisé quand la coalition de ces partis a perdu les élections partielles à Sikasso et que le tandem Adéma-mouvement citoyen les a gagné.
Si au fil des événements, le Cnid et le Mpr se sont affichés comme des partis fidèles au consensus, le Rpm, lui est demeuré avec l’amer goût de la sous-représentativité en travers de la gorge, constituant à tout moment, à tort ou à raison, une réelle menace pour le consensus politique qui a jusque là constitué un fondement de l’action politique du Président ATT.
Le consensus est fini à l’Assemblée nationale. Le Rpm a publiquement déclaré ne guère siéger dans le bureau de l’Assemblée nationale, encore moins dans ceux des Commissions parlementaires. Le vin est donc tiré.
On peut dores et déjà parler d’une opposition parlementaire. En dehors du parlement, cependant, le Rpm peut-il être considérer dans la classe politique comme un parti d’opposition ?
Avec deux ministres au gouvernement, le parti de Ibrahim Boubacar Kéïta partage totalement le bilan de l’action gouvernementale et du pouvoir ATT.
Or pour un même parti politique, on peut difficilement jouer le rôle d’opposant au Parlement et partager l’action gouvernementale.
Cela passerait pour un engagement inachevé ou tout simplement une duplicité indigeste. A moins que le parti ne s’achemine vers l’éclatement.
Par ailleurs, une majorité parlementaire existe désormais à l’Assemblée nationale. Ce qui fait que la date du 14 octobre peut être retenue comme le point de départ d’une ère nouvelle.
Celle qui marque un coup d’arrêt à certaines velléités visant à constituer une majorité parlementaire pour s’opposer au Président de la République.
Echec à la déstabilisation
C’est cette lecture que les observateurs avaient faite de la tentative de rapprochement entre le Rpm et l’Adéma. L’objectif alors recherché à travers ces retrouvailles était de se faire représenter au gouvernement en fonction de son poids électoral, et au mieux amener ATT à changer de Premier ministre sur leur proposition.
Cette tentative de rapprochement a été dénoncée en son temps par l’Urd qui était également invité au banquet des retrouvailles. Le projet a été fustigé par Younouss Touré et ses camarades qui l’ont assimilé à une volonté de déstabilisation par la mise en cause de la politique du consensus du Président ATT.
C’est dire que pour la classe politique, le consensus était sans doute un gage de stabilité. Mais le Président ATT lui-même ne s’en est pas réclamé la paternité, ou du moins, dit ne l’avoir pas imposé. Selon le locataire de Koulouba, c’est le peuple malien qui a envoyé le message du consensus lors des élections législatives en ne dégageant aucune majorité.
Et dès lors, le président a décidé d’en faire un instrument de gouvernance en impliquant l’ensemble des composantes du pays : partis politiques, associations politiques, société civile, militaires etc.
A cet effet, les différentes tentatives pour dégager une majorité, présidentielle ou pour s’opposer, étaient vues comme une programmation de la fin du consensus.
Mais comme on le dit, «pousse-pousse s’arrête au mur». Le Rpm claque la porte.
La revendication des camarades d’IBK est la même à l’Assemblée nationale qu’au gouvernement : la représentation en fonction du poids électoral du parti.
A défaut de rallier l’Adéma et l’Urd pour s’opposer à ATT, le Rpm s’engouffre seul dans l’opposition parlementaire, mais en gardant son président au perchoir.
Le président de l’Assemblée nationale, IBK doit s’adapter au nouveau contexte dans lequel, il y a désormais une majorité présidentielle à laquelle appartiennent les groupes Adéma-Pasj, Acc, Codi, Cnid, Mpr, Cds-Pdj, Urd et Ljs. Et à laquelle n’appartient pas son parti, le Rpm et le Rdt.
Boukary Daou
18 octobre 2005.