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Depuis toujours, le concept du consensus est assimilé au pouvoir autoritaire, dont il est, en effet, un élément constitutif majeur. Il signifie suppression, interdiction, prohibition de toutes autres formes de gouverner autrement, ou capacité de penser différemment, l’autorité estimant précisément qu’un attribut fort de sa puissance consiste à contrôler tous ceux qui sont sous sa tutelle. C’est ainsi que procèdent les despotes, les dictateurs, ou les juges de l’Inquisition.

Si le communisme avait la maladresse d’imposer la « démocratie au sein du parti unique », la démocratie bananière, elle, a eu l’intelligence de restaurer la dictature dans l’environnement du multipartisme intégral.

Le consensus rejette systématiquement toute opinion différente de celle, autour de qui, il est bâti. Les décisions les plus importantes sont le plus souvent prises par le chef du clan qui en impose aux autres dont le rôle se limite à exécuter, assister ou obéir impuissants.

Celui qui ne partage pas « la vision du chef », celui qui n’agit pas conformément à cette « vision », est libre de partir. Sinon il est poussé à la sortie par des moyens pas forcément catholiques.

L’adhésion à la pensée unique favorise l’émergence d’une nomenklatura de médiocres. Un ensemble de personnes jouissant de prérogatives particulières, une bande de personnes qui, incapables de faire fortune dans leur domaine de métier, viennent en politique pour se faire uniquement de l’argent sur le dos du peuple.

Le matériel et le confort sont leur seule raison d’être. Ces gens-là, doivent tout à la politique. Contrairement aux idéalistes dont le travail de tous les jours repose sur une idéologie qu’ils essaient de partager avec le peuple dans l’intérêt commun de la nation.

C’est le peuple qui doit à cette catégorie de citoyens. La caricature de cette logique – propos raisonnables – est atteinte dans certains milieux qui se proposent de nous expliquer les bonnes vertus du consensus : paix sociale, climat politique apaisé…

Autant le commentaire oral, récité par un partisan du consensus est sérieux, historique, fascinant, autant les pillages du denier public déferlent à un rythme de mitraillette ponctué par une pauvreté dramatisante, n’évoquant que la souffrance la plus insoutenable (jeunes en chômage exilés, femmes prostituées à la merci du Sida, vieillards faisant la quémande pour apporter un peu de nourriture à la maison sont complaisamment cachés dans tous les phototypes de la douleur humaine).

Dans le monde du consensus, l’impunité reste le visa d’adhésion au système. La gabegie servant de source d’enrichissement effréné et très rapide aux membres du clan. Les riches d’hier sont devenus les pauvres d’aujourd’hui, (pour paraphraser un candidat en 1992), ceux qui ont trimé avec le peuple ont été balayés par des aventuriers arrivés de toutes parts et pressés de construire des villas à prix d’or.

Le clientélisme devenant le premier pourvoyeur d’emploi politique, les cadres des formations politiques sont prêts à tourner le dos à leur parti pour garder leur petite situation le plus longuement possible. Vous avez deviné la future implosion en cascade des grands partis de notre pays.

Gouvernement de large ouverture, consensus, gestion concertée : ce ne sont que des arguments fallacieux des présidents mal élus en quête d’hypothétique légitimité.

Quand sonnera l’heure de la rupture…

La présidentielle de 2007 couve sous des cendres ardentes, l’onde de choc traverse tous les grands partis politiques de notre pays. Avilis entre la vertu et la fortune, les états-majors sont assis sur des poudrières de l’irréalisme politique qui finiront d’avoir raison sur eux.

Le fossé ne cesse de s’élargir entre les partisans du suivisme aveugle qui estiment que leur parti ne doit pas présenter de candidat, et adeptes de la réelle politique qui, eux, estiment qu’un parti, pour se respecter, doit briguer le suffrage de son peuple.

« L’UDPM sera récréé et présentera Cheick Modibo Diarra, comme Choguel Maïga est plus royaliste que le roi ». En tout cas, c’est ce qui se dit actuellement dans les réunions nocturnes d’une fraction du MPR qui se tiennent désormais dans la famille d’un défunt militant, quelque part dans un quartier de la Commune I.

Le Cnid estime que Me Tall doit être candidat et négociera ses intérêts au deuxième tour avec celui qui sera en ballottage favorable. Mais en cas de victoire d’un postulant dès le premier tour, cela ne devrait pas être un crime qui coûtera au parti ses privilèges actuels dans un pays de démocratie tel que le nôtre, martèle-t-on dans les salons feutrés de Bamako.

Le ministre Ndiaye Bâ, lui, est taxé par ses détracteurs d’être devenu le « griot » de l’autre, prêt à débarquer avec armes et bagages dans le camp des « citoyens ». Et cependant Ndiaye doit tout à Me Tall, s’empresse-t-on d’ajouter.

Sur l’Adéma, également planent de gros nuages de division pour les mêmes motifs. La réconciliation avec un membre influent de ce parti ne suffirait pas à arranger les choses. Ceux qui estiment que l’Adéma est un grand parti et par conséquent elle doit s’assumer sont aujourd’hui les plus nombreux, que les pratiquants de la politique du tube digestif.

A l’URD, seul le ministre Touré opterait pour la non présentation d’un candidat de souche. Les jeunes du parti se mobilisent déjà, pour barrer la route aux prédateurs de la démocratie.

Ils entendent se battre pour que leur formation se mesure aux meilleures de la place, cela aura l’avantage de jauger le poids réel de leur champion, cinq ans après une élection entachée d’importantes irrégularités ayant entraîné l’annulation de 500 000 voix.

Comme vous le constatez, les débats sur la question de candidature divisent les militants des partis. Le consensus sans le consentement de la base risque de diviser, plutôt que de fédérer les Maliens.

Le seul gagnant de ces troubles est incontestablement ATT, dont la stratégie semble désormais, se reposer sur la division des grandes formations pour mieux régner. Comme dit l’autre : « à force de regarder, on oublie qu’on peut être soi-même regardé ».

L’astuce qui a consisté à compter les militants de seconde zone à la place des ténors des partis, marche fort bien pour le locataire de Koulouba. Ces ministres disent à qui veut les entendre, qu’ils sont plus redevables au général qu’à leurs partis. « S’ils sont quelque chose aujourd’hui, c’est bien entendu grâce à la charité d’ATT ».

Lorsque l’éthique déserte le champ politique, la conviction cherche refuge auprès d’Allah, car la trahison hante les hommes.


Abdoul Karim Dramé
-journaliste Indépendant.

22 août 2006.