Le Nonce (prélat apostolique chargé de représenter le Pape auprès d’un gouvernement étranger), arrivé à Bamako après avoir pris connaissance du conflit entre l’Eglise catholique du Mali et le Libanais Georges Francis à propos titre foncier sur lequel est bâti le Séminaire Saint Auguste de Samaya, devrait rencontrer hier le ministre malien des Affaires Etrangères, Moctar Ouane.
L’objet de la rencontre devrait être la recherche d’une solution définitive au conflit qui oppose depuis des décennies l’Eglise du Mali au Libanais Georges Français, un homme d’affaire résidant au Mali. C’est dire que le conflit prend désormais une allure internationale.
L’envoyé du Vatican, au cours de son séjour à Bamako envisagerait également de rencontrer le président de la République Amadou Toumani Touré. La rencontre entre celui-ci et les parties en conflits, bien avant l’arrivée du Nonce apostolique avait débouché sur un début de solution : expropriation pour cause d’utilité publique de Georges Francis qui revendique, faut-il le rappeler, sur la base d’un testament l’héritage du Père Youssef Francis de la communauté maronite qui a longtemps servi au Mali.
Ce défunt père, au cours de sa mission, avait acquis, au nom de sa communauté maronite, quelques biens dont des titres fonciers sur des parcelles qu’il aurait mis en son nom contrairement à l’éthique du Droit Canon de l’Eglise dont l’esprit commande au prêtre de ne pas acquérir un bien.
Le Père Youssef dans un premier temps, certainement pris par un remord, avait dans un testament (le premier avant sa mort) reconnu la propriété des biens à sa communauté. Ce testament fut envoyé au Vatican.
Mais avant sa mort, le même père fera un deuxième testament dans lequel il lègue les mêmes biens à son neveu qui se trouve être le sieur Georges Francis qui n’a pas hésité à revendiquer devant les tribunaux maliens son droit de propriété sur le titre foncier de Samaya. Il gagnera son procès et avait même déjà entrepris la démolition des constructions de l’Eglise sur le site. Ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Le président ATT, sollicité par la communauté de l’Eglise catholique d’intervenir face à ce qu’elle qualifie “d’injustice” avait demandé à son conseiller spécial et au secrétaire général du ministère de la Justice de diligenter une procédure devant aboutir à un compromis final entre les deux parties.
Visiblement, cette procédure n’a pas atteint son objectif puisque l’envoyé spécial du Vatican est arrivé à Bamako.
Conflit entre le Droit Canon et le Droit positif malien
Dans l’esprit des responsables de l’Eglise, les choses sont claires : le défunt Père Youssef n’aurait jamais dû posséder des biens appartenant à sa communauté. Si le père Youssef le savait, les responsables des Domaines de l’Etat malien devaient l’ignorer puisque ce sont eux qui ont délivré au père les titres fonciers mis en son nom et non à celui de sa communauté.
Le droit canonique a des règles bien précises auxquelles ses pratiquants doivent obéir. Mais il se trouve que dans ce cas précis, il est confronté au droit positif malien sur lequel s’appuie Georges Francis et sur la base duquel les tribunaux maliens ont certainement dû rendre leur décision.
Mais dans cette affaire, que vaut un testament légal basé sur du faux? Car en fait, c’est de cela qu’il s’agit. Il est vrai que la dernière volonté du Père Youssef a été de faire hériter de tous ses biens son neveu Georges Francis.
Mais pouvait-il donner quelque chose qu’il n’a pas possédé? C’est sur cette question que se fonde aujourd’hui l’Eglise. Youssef a légué des biens communautaires a autrui et sur lesquels il n’avait aucun droit de propriété.
Reste à savoir sur quel droit (Droit canon ou Droit positif malien) les tribunaux maliens auraient dû se pencher. Le mal, de l’avis de bon nombre d’observateurs, se situe à l’origine de l’établissement des titres fonciers par les Domaines de l’Etat qui ont ignoré (sciemment ou par pure méconnaissance?) les principes réglementaires de l’Eglise.
Eviter de créer un précédent fâcheux !
La proposition d’expropriation pour cause d’utilité publique faite aux deux parties pourrait créer un précédent fâcheux. Parce qu’elle repose sur le fait que l’Etat, propriétaire de toutes les terres et surfaces, exproprie un individu de son titre pace qu’il en a besoin pour une cause d’utilité publique.
Mais cet individu doit être indemnisé à valeur égale de son titre. Une procédure qui pourrait poser problème dans le cas présent entre l’Eglise et Georges.
Exproprier Georges pour cause d’utilité publique reviendrait à reconnaître le bien-fondé de la possession du Libanais sur le titre foncier de l’Eglise.
Or l’Eglise, dans sa quasi-unanimité soutient l’esprit selon lequel Georges n’a pas à être exproprié du moment où il ne “possède” pas de droit de propriété sur un bien collectif.
Reconnaître son droit de possession c’est de le pousser, lui, ou ses ayants droit à revendiquer la possession sur d’autres biens appartenant à l’Eglise et qu’il aurait mis dans son patrimoine sur la base du testament du défunt père Youssef.
Voilà un problème qui donne à réfléchir aux autorités du Mali notamment au président de la République Amadou Toumani Touré qui s’est personnellement engagé pour la recherche d’une solution qui calmera tous les esprits.
Aimé RODRIGUE
07 décembre 2005.