Le 29 Mars 2010, l’Adema-PASJ a tenu sa 10ème conférence nationale. Du côté de l’ADEMA, on soutient qu’il fallait cette instance pour que le parti puisse déposer ses dossiers pour l’aide de l’Etat dont le dernier délai était hier 31 Mars. Mais tout porte à croire que le président du parti n’a pas facilement accepté la tenue de cette conférence. Pourquoi Dioncounda Traoré hésitait-il ?
De quoi avait-il peur donc ? De la possible convocation d’un congrès extraordinaire dont la rumeur avait circulé à la veille ? Le premier congrès extraordinaire du parti n’avait-il pas été convoqué au cours d’une conférence nationale aussi ? Le fait d’accepter in-extrémis la tenue de cette instance a-t-il permis à Dioncounda Traoré de prendre ses détracteurs de court ?
Le financement public des partis, un prétexte ?
La tenue de cette conférence nationale a surpris beaucoup d’adémistes qui n’en avaient jamais entendu parler. Aucune rumeur, aucune information n’avait circulé dans ce sens. Patati patata, la décision fut prise, car il faut tout faire pour convoquer cette conférence nationale afin de se conformer aux textes régissant l’aide de l’État aux partis politiques. La loi dit qu’il faut, parmi les critères d’éligibilité, la tenue régulière des instances.
Or l’ADEMA n’a pas convoqué d’instance en 2009 (une année électorale). Les résolutions et recommandations du congrès de 2008 ne suffisaient plus. Pour être éligible à la prochaine aide, il fallait tenir une instance. Et le temps pressait, car la date limite des dossiers à la section des comptes de la Cour suprême et à la Délégation Générale aux Élections (DGE) était fixé à hier 31 Mars à 16h précises.
Si le parti ratait la date du 29, il n’avait plus le temps, car il n’y avait plus un autre jour ouvrable pour organiser cette instance avant le délai butoir. Or en ratant le financement public e Comité Exécutif pouvait tout dire aux militants sauf qu’il n’a pu tenir cette conférence nationale avant le 31 Mars.
Cependant malgré cet argument utilisé par les uns et les autres qui savaient que les militants ne pardonneraient jamais au CE quand le parti sera déclaré inéligible à la prochaine aide de l’État pour n’avoir pas tenu une de ses instances statutaires, le président du parti était enclin à convoquer cette conférence nationale. Pourtant, sa tenue est dans l’intérêt du parti. Et tout ce qui va dans ce sens, le premier responsable du parti doit le faire. Malheureusement, cela ne semble pas être le cas de Dioncounda Traoré.
En effet, selon ce membre du CE, le président du parti n’avait pas jugé opportune la tenue de cette instance. Sans dire clairement les dessous de son hésitation, des adémistes soutiennent que Dioncounda Traoré avait la phobie de ce rendez-vous.
IBK en 2000
Chacun se souvient de la conférence nationale d’octobre 2000 qui avait décidé, pour le mois suivant, de la convocation, du premier congrès extraordinaire de l’Adema-PASJ. Il sait que tout le coup était préparé pour chasser Ibrahim Boubacar Kéita, considéré par ses partisans comme étant le candidat naturel du parti aux élections présidentielles de 2002.
Au lieu d’attendre le congrès extraordinaire, IBK prit les “rénovateurs” à contre-pieds et démissionna au cours de cette conférence. C’est Dioncounda Traoré, alors 1er vice-président du CE, qui fut appelé pour conduire le parti jusqu’au congrès extraordinaire qui le confirma président.
Il venait juste de réussir la transition de vite retourner sa veste, alors qu’il faisait partie des fervents défenseurs du président démissionnaire appelés de “conservateurs”.
C’est pourquoi il faisait partie de ceux qui avaient beaucoup pleuré dans la salle le jour de la démission de celui qui a quitté pour fonder le RPM. Mais appelé à présider le reste des travaux de la conférence nationale après le jet de l’éponge du président, Dioncounda Traoré qui venait juste d’essuyer ses larmes (même si ses yeux étaient toujours rouges à cause des larmes versées) et déclara en substance : “Le président a démissionné, la vie continue, le parti continue…”.
Avec l’information donnée comme quoi ATT ne briguera plus un autre mandat, Dioncounda Traoré semble faire partie des leaders politiques qui sont donc contents. A ceux qui lui font le reproche d’évoquer déjà 2012, Dioncounda Traoré rétorque qu’en décidant de “soutenir ATT pour son second mandat, notre argument face aux adversaires de ce soutien était d’offrir à l’ADEMA toutes ses chances de reconquérir le pouvoir, aux échéances électorales suivantes.”
Or depuis 2000, Dioncounda Traoré règne sur l’ADEMA sans interruption. Devenu président de l’Assemblée nationale, la moutarde du pouvoir lui monte au nez. Ce sont ses proches qui le poussent à nourrir des ambitions pour la prochaine présidentielle. Ce qui fait de lui un candidat naturel, exactement comme IBK à la veille de 2002.
Dioncounda effrayé par la rumeur ?
S’ils sont nombreux à l’ADEMA souhaitant briguer la candidature à l’investiture du parti en 2012, des voix commencent à s’élever pour affirmer qu’au cas où Dioncounda Traoré accepterait d’être candidat, il serait préférable à tous ceux à qui on prête la même ambition.
Cependant, l’homme lui-même a sa stratégie, il fait croire qu’il n’est pas intéressé, mais si l’on le proposait, il ne déclinerait pas l’offre. Une démarche qui confirme la thèse selon laquelle Dioncounda Traoré n’a presque jamais demandé tout ce qu’il a obtenu à l’ADEMA, on le propose toujours. C’est ce qui fait dire à certains qu’il reste le seul homme du statu quo au parti de l’Abeille.
Mais il sait qu’on n’est pas encore en 2012. Et il sait aussi que tout peut arriver au sein du parti avant la prochaine présidentielle. Une instance peut tout chambouler. Comme le parti l’a connu en 2000 quand chacun donnait au président du parti la chance de devenir son candidat à la présidentielle qui se tenait dans deux ans.
Lorsqu’on décide de convoquer une conférence nationale dans les mêmes circonstances de durée et de réalités textuelles, en homme averti, Dioncounda doit réfléchir beaucoup avant d’agir. Il sait que les textes actuels du parti laissent ouverte la voie au choix d’un candidat consensuel. Et dans ces derniers temps, il fait en sorte que tout baigne toujours dans le consensus à l’ADEMA, au nom de l’unité et la cohésion du parti.
Seulement l’ambition des uns et des autres aidants, on peut ne pas arriver à ce consensus si cher au président du parti. Surtout s’il s’agissait de désigner le futur candidat du parti à la présidentielle. Si certains savent que malgré leurs moyens financiers, ce candidat consensuel ne serait pas eux, ils n’hésiteraient pas à penser à un congrès extraordinaire.
Curieusement, la rumeur avait circulé à la veille de la 10ème conférence nationale du parti qui vient de se tenir à Bamako. Mais à la différence de 2000, il s’avérait difficile que la conférence nationale de cette année puisse décider de la convocation d’un congrès extraordinaire. Puisque l’instance a été convoquée dans la précipitation. Ce qui semble avoir pris de court les partisans de deuxième congrès extraordinaire qui étaient donc surpris.
A-t-on fait express ? Est-ce à dire que la rumeur avait été prise au sérieux par le président du parti qui traînait les pieds pour accepter la convocation de cette instance pour ne pas connaître le même sort qu’IBK en 2000 ?
En poussant Dioncounda Traoré à accepter la tenue de cette conférence, Boubacar Bah dit “Bill” ne donne-t-il pas raison à ceux qui pensent que la Conférence nationale avait été finalement convoquée pour introniser le candidat de l’ADEMA (le même Bill), à la présidence de l’Association des Municipalités du Mali ?
Oumar SIDIBE
01 Avril 2010.