Le 7 décembre 2009, le chef de l’État dénonçait lui-même les dérives liées à la spéculation foncières dans notre pays. Tout va bien. Mais quand le mardi 9 mars les victimes de ces tripotages ont tenté de se faire entendre par le premier ministre, elles ont été tout simplement gazées et matraquées. A se demander pourquoi ATT lui-même n’a pas été maté pour avoir manifesté son ras-le-bol par rapport à la spéculation foncière le 7 décembre dernier.
Les victimes de la furie policière, tenez-vous bien, ne sont autres que des personnes du 3ème âge pour lesquelles un mois de la solidarité est entièrement consacrée dans notre pays ; et aussi des femmes qui, elles aussi, venaient la veille, de célébrer une journée en leur honneur (08 mars) Et cerise sur le gâteau, le commissaire adjoint, le matador qui a conduit la horde de policiers sur les manifestants est le frère du premier ministre Modibo Sidibé, lui-même policier de son État. Comprenne qui pourra !
Rien, absolument rien ne justifiait la barbarie policière contre de pacifiques marcheurs. Il s’agit de l’Union des Associations pour le développement et la défense des droits des détenus (UACADDD) composée d’une quarantaine d’associations membres. Elles ont été dépossédées de leurs terres par l’État et ou des particuliers avec la complicité des élus et hauts cadres de l’État. C’est ATT qui le dit (lire l’extrait de son discours lors des Etats Généraux du foncier le 7 décembre 2009).
La marche avait initialement pour itinéraire la bourse de travail et la Primature située à environ 500 mètres du lieu de rassemblement. Les marcheurs, en général de vieilles personnes et des femmes voulaient juste se faire entendre par le premier ministre. Les policiers, en l’occurrence le frangin du premier ministre Modibo Sidibé en a décidé autrement. Sous prétexte que la marche n’a pas été autorisée, le frérot a donc ordonné la charge.
Bilan : six blessés et au moins cinq personnes interpellées. Des femmes excédées par le comportement des policiers se mettront nues pour maudire le régime et le commanditaire de la barbarie. Un geste propre à une croyance malienne et puisant son origine très loin dans le passé.
Il est inspiré du principe selon lequel on n’humilie pas une femme sous son pagne au risque d’avoir de gros ennuis de son vivant. Le résultat est le même quand la femme elle-même, par exaspération, décide de s’humilier publiquement. Cela n’arrive pas tous les jours et dénote par conséquent d’une démesure certaine.
Le prétexte selon lequel les marcheurs n’ont pas obtenu d’autorisation est évidemment sans objet. Les manifestants ont bel et bien adressé une correspondance aux autorités compétentes en date du 10 février 2010. En la matière, et selon la législation malienne, ils ne sont tenus par une autorisation expresse.
Difficile de faire admettre que les policiers, en l’occurrence le «frérot gouvernemental», ignoraient ce détail. Il n’a absolument pas intérêt à mouiller le grand frère. S’il s’agit d’une méconnaissance pure et simple des textes de la république, alors, la situation est plus grave qu’on ne l’imagine.
En récapitulant, l’on se rend compte que l’État malien, par cet incident, a remis en cause, nombre de ce que les observateurs croyaient être des acquis de bonne gouvernance et de démocratie : un droit fondamental dénié (liberté de regroupement et de manifestation); des valeurs sociétales à l’origine de l’exception malienne foulées au pied étant entendu que les personnes du 3ème âge et les femmes bénéficient habituellement d’une attention particulières dans nos sociétés et enfin, le sentiment chez les populations d’une incohérence voire d’un complot au sommet de l’État.
Les manifestants n’ont rien dit et fait de ce que le chef de l’État n’a d’ores et déjà publiquement dénoncé. C’est comme si les spéculateurs fonciers ont véritablement pris le contrôle de la situation. « Cause toujours mon président !
Nous spéculons et faisons mater toute personne, excepté toi bien entendu, qui oserait se dresser contre nous». C’est le message en tout cas, parvenu aux gouvernés suite à cet incident. Et comme pour donner raison à ces compatriotes, le fait ne suscite encore (comme toujours) la moindre réaction de l’homme.
N’Tji DIARRA
L’Aurore du 16 Mars 2010.