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L’ORTM n’a pas couvert l’audience, le weekend dernier, entre le Premier ministre et la délégation du RPM conduite par Ibrahim Boubacar Keita. Le « off », bien entendu, est plus imputable aux considérations protocolaires qu’à un oubli de Bozola. Procédait -il d’une démarche d’humilité de Modibo Sidibé qui n’a pas oublié qu’il recevait, ce jour, à la fois l’aîné et l’ancien patron dont il a fait partie de tous les gouvernements entre 1994 et 2000 ? Ou d’un « souhait » exprimé par la délégation reçue ? On n’en saura, sans doute, pas plus, ce qui n’enlève rien à la très grande portée politique de l’événement.

D’abord, par le déplacement du patron des Tisserands lui-même qui a su faire de sa rareté un enjeu de communication en soi. Ensuite, par la teneur du communiqué du RPM. En précisant que l’audience a eu pour objet l’initiative riz et les prochaines élections communales, deux sujets devenus passionnels, le RPM s’évite, en fait, d’être au centre de fortes spéculations sur le sujet que les Maliens discutent le plus en ce moment : le remaniement ministériel sur lequel nous reviendrons plus tard, parce que par diversion, il en est fait un enjeu pour les élections communales d’avril prochain.


Inch Allah

Y aura-t-il vraiment des communales en avril ? In Challah, doit-on dire, car le miracle est plus attendu du ciel que des caisses du Trésor public, si l’on en juge par le sanglot des partis politiques transformés, comme on le constate, en autant de murs de lamentations car l’argent public alloué n’est pas encore « physiquement » reçu. Or pour nombre de ces formations, surtout les plus petites, c’est bien du nerf de la guerre dont on les prive ainsi, supposément au profit des grands partis. Une erreur d’analyse, car pour ces derniers, le pactole est bien plus conséquent, et sa libération une urgence signalée.

L’accès à l’argent public n’est pas le seul facteur limitant la bonne tenue des communales annoncées. On ne peut dénier au RPM la légitimité de ses interrogations sur l’état du fichier électoral, la fiabilité des listes électorales, les moyens donnés à la Céni ainsi que sur l’éclipse du cadre de concertation Ministère de tutelle- partis politiques. Cette éclipse, il est vrai, a été précipitamment corrigée, avec la première séance de travail de cette plate-forme depuis des mois. Mais, il semble, d’après les comptes rendus de presse, qu’elle n’a pas permis d’accorder les violons.

Au contraire. Les interpellations des partis présents concernant les conditions de préparation de ces communales, et plus particulièrement, les propos on ne peut plus assommants du Colonel Youssouf Traoré sur la qualité du fichier électoral et des fiches électorales viennent conforter les réserves de la DGE. Même si depuis, et publiquement, Siaka Sangaré, le patron de DGE a cru devoir relativiser les termes de ce rapport. S’appuyant sur ce rapport dont la presse a publié de larges extraits cette semaine, le Parena, avait plaidé pour le report des communales.

Pour le parti du bélier blanc, le Ravec accéléré permettrait au pays de disposer, une fois pour toutes, d’un fichier électoral fiable pour organiser des bonnes élections communales et servir de test pour la présidentielle et les législatives de 2012. Il était difficile d’imaginer que l’argumentaire très rationnel des partisans du report, fussent-ils de l’opposition, aurait pas eu de mal à passer auprès du Gouvernement, puisqu’après tout le report ne conduisait à aucun risque de vide constitutionnel, – le genre de menaces que craignent les pouvoirs et à raison

Effet boomerang

Mais, le pouvoir a maintenu les échéances dans un contexte de crise de trésorerie alors que le scrutin municipal coûte, selon le ministère de tutelle, pas moins de 7 milliards de nos francs. Ajoutons à cette crise, les réserves de la DGE qui ne prendront toute leur importance qu’en cas de graves contestations des résultats, de même que la situation assez précaire dans une partie du Nord qui demandait un peu plus de temps d’observation, et nous aurions eu de solides raisons d’un report qui, à défaut de l’unanimité, aurait emporté l’assentiment général. Trois hypothèses expliqueraient l’attitude du pouvoir.


Première hypothèse :
l’orgueil. Le président de la République et tous les députés ont été élus, en 2007, sur le fichier électoral mis en cause par la DGE. Il y a donc un risque de se délégitimer en accédant aux demandes de report basées sur l’irrecevabilité du fichier électoral.


Deuxième hypothèse :
le pouvoir a tablé sur les hypothèses hautes, donc que l’argent ne sera pas un problème et que les révisions de listes corrigeront la difformité natale du fichier. Dernière hypothèse : le pouvoir ne voulait pas prendre le risque d’un désamour avec l’ADP dont les mastodontes avaient fait savoir leur opposition à tout report.

Au finish cependant, la mesure pourrait être plutôt embarrassante pour le gouvernement. Une controverse électorale de grande ampleur et pour des raisons acceptables risquerait de multiplier par 703 communes les interrogations actuelles sur le fichier électoral. Donc de reposer le débat sur la légitimité des élections de 2007. De même, sans leur pécule, même les grands partis, a fortiori les plus petits partis, seront moins outillés pour la victoire qu’ils ambitionnent.

Donc le désamour redouté n’est pas forcément conjuré, surtout si l’on assiste à une percée du mouvement citoyen et des indépendants à l’issue du scrutin que tous perçoivent comme une sorte de revue des troupes avant la grande bataille de 2012. Le cercle vicieux n’est donc pas très loin. Mais, il semble tempéré par les rumeurs sans cesse grossissantes d’un éventuel remaniement ministériel dont on a fait un enjeu des communales. C’est curieux : il ne se passe plus un an au Mali sans que cette rumeur paralyse la marche de l’administration publique.

Comme une épée de Damoclès sur la tête des brebis galeuses des gouvernements successifs ou comme une espèce de panacée aux problèmes brûlants du pays. Or, il n’y a aucune lisibilité à procéder à un remaniement au vu des scores des communales, surtout lorsque la pratique politique locale dispense même et très largement de tenir compte des résultats des législatives. En plus, dans la méthode ATT, les remaniements annoncent généralement un changement de Premier ministre.

Ag Hamani est parti parce qu’il avait une mission de transition que le président a jugé terminée. Ousmane Issoufi est venu parce que le président, candidat à sa succession, avait besoin de résultats physiques que la poigne de Pinochet pouvait assurer. Modibo Sidibé, aura-t-il fini d’incarner le renouveau voulu ? Ou s’agira t-il de quelques réaménagements techniques ? Les communales, en tout cas, n’ont rien à voir avec ce genre de considérations.


Adam Thiam

27 Février 2009