Après avoir échappé à un attentat en mars dernier, l’homme fort du Mali ne doit encore en vie aujourd’hui qu’à une formidable baraka. Son ami et ministre, Lamine Diabira, avait décidé de l’éliminer le 14 juillet. Récit d’un putsch manqué.
Amadou Toumani Touré (ATT), le tout jeune et sympathique président du Mali, devait être assassiné le 14 juillet. L’auteur du crime ou tout au moins son instigateur était son propre ministre de l’Administration Territoriale (Intérieur), le commandant Lamine Diabira.
Ce dimanche là, ATT devait assister à une course de chevaux, et l’avenue de la Liberté par laquelle son cortège devait passer avait été fermée à la circulation puis rouverte en début d’après-midi. Le trajet a été modifié au dernier moment, car un commando attendait le président pour le tuer.
Comme le 25 mars 1991 : cette nuit-là, après l’arrestation de Moussa Traoré, ATT devait déjà être tué au moment où il rejoignait le camp des paras à Djikoroni ; sa voiture fut alors criblée de balles, mais le lieutenant-colonel n’a jamais voulu en parler. Il a toujours dit, quand on l’interrogeait sur le sujet : « je ne cherchais pas à connaître qui a voulu me tuer, ni pourquoi.
Ce n’était pas encore le commandant Diabira, en tout cas. Diabira est un ami de Toumani Touré. Il avait réussi, sous le régime de Moussa Traoré, une mission impossible : en tant que gouverneur de la région de Tombouctou, il s’était fait adopter par les touaregs, pourtant en rébellion.
A ce point que, une fois Moussa Traoré renversé, les notables de la Cité Sainte avaient réclamé et obtenu son maintien à la tête de la région, alors que tous les autres gouverneurs avaient été relevés. Contre l’avis, il est vrai, des Tombouctiens sédentaires- donc non touaregs- qui estimaient, à l’époque, que Diabira « avait partie liée avec les rebelles ».
Amadou Toumany Touré n’en eut cure. Il appela son ami Lamine Diabira pour faire partie de l’éphémère Conseil National de Réconciliation, au lendemain de l’arrestation de Moussa Traoré. Et le même Diabira s’est retrouvé au sein du gouvernement. Tous les Bamakois étaient convaincus : Diabira entrait dans les plus hautes instances parce qu’il était l’ami de ATT.
ATT a eu tort. A la mi-juillet, il devait entreprendre une tournée dans le Nord malien, en particulier dans les régions de Gao et de Tombouctou. Il voulait non seulement reprendre contact avec les populations touaregs, mais également se rendre compte des réalisations des anciens gouverneurs. Parmi lesquels un certain commandant Lamine Diabira.
Celui-ci avait été chargé, entre autres tâches, de lancer une opération de reboisement dans la région de Tombouctou. Aucun arbre n’a été planté. Mais les fonds ont disparu. Selon certaines confidences, Diabira ne voulait surtout pas que le chef de l’Etat se rende compte de… ses comptes.
Comme le lieutenant-colonel Oumar Diallo, ancien aide de camp de Traoré passé au CTSP (Comité de Transition pour le Salut du Peuple) qui a repris l’Etat des griffes de Moussa Traoré), arrêté pour avoir été impliqué dans les trafics d’or, Diabira a voulu échapper à son sort. Mais son sort était scellé.
Pour avoir été, cette fois, trop loin, il a été arrêté trop tôt. Ou à temps.
Source Jeune Afrique
02 avril 2007.