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La direction et le syndicat de la Comanav souhaitent diligenter le dossier d’acquisition à l’étranger, le département entend faire respecter les règles et, éventuellement, faire jouer la préférence nationale.Beaucoup de bruit pour une affaire plutôt simple, pourrait-on dire du malentendu qui oppose depuis quelques mois la direction et la section syndicale de la Compagnie malienne de navigations (Comanav) au ministère de l’Équipement et des Transports, le département de tutelle de l’entreprise.

jpg_comanav-2.jpgLa direction et le syndicat de la Comanav accusent leur département de tutelle de tenter d’attribuer le marché d’acquisition de bateaux à l’entreprise malienne Inacom (Industries navales et construction métallique au Mali) alors que les responsables de la Comanav ont engagé des démarches pour acheter ces bateaux en Chine.

La Compagnie malienne de navigation s’occupe du désenclavement de notre pays par les transports fluviaux. La compagnie possède actuellement trois bateaux courriers que sont le « Général A. Soumaré », le « Kankou Moussa » et le « Tombouctou ». A l’intérieur du pays, la Comanav opère sur les 1380 km de l’axe Koulikoro-Gao et à l’extérieur sur le trajet Bamako-Kankan de 385 km.

Elle transporte plus de 20.000 passagers durant une campagne qui s’étend sur 4 à 5 mois à compter de juillet. Depuis quelques années, le transport fluvial connaît des difficultés liées à des crues inégales, un lit de fleuve qui se comble, l’absence de quais à plusieurs escales ou leur détérioration dans les localités qui en disposent.

Mais l’écueil principal réside dans le vieillissement d’une flotte qui a une moyenne d’âge de 20 ans. Depuis une dizaine d’années, la compagnie caresse ainsi un programme de renouvellement de sa flotte, un programme contrarié par les problèmes financiers. L’horizon s’est éclairé avec 3 milliards affectés à la Comanav par l’État sur les ressources issues de la privatisation des 51 % des actions de Sotelma. Deux nouveaux bateaux doivent être acquis avec cet argent pour permettre notamment à la compagnie de prolonger une saison de navigation restreinte actuellement à 4 mois.

Le principal critère technique exigé pour ces nouveaux batiments est d’avoir un faible tirant d’eau, c’est-à-dire de pouvoir naviguer en eaux peu profondes. « Lorsque nous avons été saisi de l’affectation des ressources par l’État, nous avons, avec l’accord du département, entamé les consultations avec Inacom et d’autres partenaires pour l’acquisition des bateaux », indique Ibrahim Maïga, le directeur adjoint de la Comanav. Mais c’est surtout une proposition faite par une entreprise chinoise au cours d’une mission de la directrice générale, Mme Dembélé Goundo Diallo, et de Ibrahim Maïga qui a séduit les deux responsables.

Au point que la directrice aurait passé commande et signé un accord avec la société chinoise Zhuhai Jianglong Shipbuilding pour la construction des bateaux pour un montant TTC de 400 millions Fcfa l’unité. « Ce sont des bateaux qui répondent techniquement à notre choix. Nous sommes les mieux placés pour le savoir. Nous avons invité le constructeur qui est venu voir le parcours des bateaux. Tout était en bien parti pour que les bateaux soient livrés vers le mois d’août par le constructeur chinois », indique Maïga.

Mais, relève le directeur adjoint de la Comanav, au moment où la directrice était en Chine, le département a décidé de faire construire les nouveaux bateaux de la Comanav par Inacom. « Nous avons appris la nouvelle alors même que nous étions en mission pour l’acquisition des bâtiments », souligne Maïga. C’est la visite que le ministre de l’Équipement et des Transports, Ahmed Diane Séméga, a effectuée en février dernier à la Comanav et à Inacom qui aurait alourdi le climat entre les responsables de la Comanav et leur département de tutelle.

En effet lors de l’entretien du ministre avec les responsables des deux entreprises, il est apparu que la Comanav entendait importer ses nouveaux bateaux alors même que ceux-ci peuvent être fabriqués dans notre pays par INACOM qui s’impose aujourd’hui comme le leader de la construction navale dans la sous-région. « Les nouveaux bateaux de la Comanav seront fabriqués au Mali et par INACOM. Les compétences sont là et nous sommes en train de faire la promotion de cette société à travers la sous-région. Il est donc inadmissible que nous importions des bateaux et tout en demandant aux autres de venir passer commande au Mali », a estimé le ministre.

Cette remarque ne fut pas du goût des responsables de la Comanav. « Nous avons beaucoup d’expertises dans la construction des bateaux. Nous avons fait des propositions de bateaux qui ont un tirant d’eau de 0,65. Le prototype est jugé de très bonne qualité par les spécialistes. Nous sommes prêts à engager des consultations avec la Comanav pour améliorer notre proposition et répondre à leurs aspirations », assure Ibrahima Oumar Maïga, le directeur général adjoint de Inacom.

Lors d’une conférence de presse organisée le 22 mars dernier au siège de la CSTM, la section syndicale de la Comanav a dénoncé « le blocage » et « la lenteur » dans l’exécution du marché d’acquisition des bateaux. « Nous demandons la bonne diligence du dossier d’acquisition de la flotte à faible tirant d’eau conformément aux vœux du président de la République par rapport aux actions de développement de la croissance économique », a précisé le secrétaire général du syndicat de la Comanav, Mahamadou Sogoba.

Le secrétaire général du ministère de l’Équipement et des Transports, Malick Alhousseïni, constate que dans ce dossier, la Comanav est en porte-à-faux avec la réglementation. « J’imagine mal que la direction puisse signer un contrat d’un montant de plus de 100 millions sans passer par un appel d’offre.

La loi régissant les marchés publics est claire et le département s’emploiera à ce que tout se passe dans les règles », a indiqué Malick Alhousseïni. « Le ministère n’a pas dit que le marché sera attribué à Inacom, mais à égalité de chance avec d’autres offres, Inacom en tant qu’entreprise nationale sera privilégiée », a assuré le secrétaire général.

Baye Coulibaly

L’Essor du 08 Avril 2010.