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En effet, il faut souvent plus de trente minutes à un automobiliste pour aller du Square Patrice Lumumba au rond point de l’Assemblée nationale. C’est un désordre indescriptible dans un tintamarre de coups de klaxon, les coups de sifflet stridents des flics en embuscade pour traquer les chauffards, les slaloms géants des motards qui se faufilent entre les voitures, le tout agrémenté par les pousse-pousseurs qui écrasent au passage les orteils des piétons.

C’est parce que les trottoirs sont occupés par des marchands de pacotille que tout le monde descend en pleine chaussée manquant de peu se faire écraser par des tombeaux roulants. Dans ce choc général, seuls les cascadeurs ou les cow-boys de rodéo arrivent pourtant à tirer leur épingle du jeu nonobstant de multiples violations du code de la route.

Sur les routes de Bamako la situation tourne souvent au tragi-comique. L’autre jour, venant du pont Fahd vers le monument de la colombe, une ambulance a écrasé un piéton sur la route de l’hôpital. Ainsi, en tentant de sauver une vie humaine, elle a fait une autre victime. C’est tout comme ce corbillard, qui en route vers le cimetière, fait trois autres cadavres parmi la foule. Au nombre des nombreux facteurs incriminés comme causes des accidents de la route il y a l’étroitesse des voies, le non respect du code de la route mais surtout le massacre des piétons par les sotramas.

La boucherie était telle que dans certains quartiers les populations ont failli organiser des expéditions punitives contre ces chauffards qui n’ont cure de la vie humaine. A défaut, elles organisaient des sit-in en pleine rue pour couper la route aux engins de mort. Mais il y a coupeurs de route et coupeurs de route.

Il s’agit, d’abord, de ces gangs de malfaiteurs armés qui abattent des arbres aux abords des grandes villes, stoppant le convoi et vidant les passagers de tous leurs biens. Mais il y a aussi ceux qui, pour l’installation d’un robinet ou des branchements électriques, coupent le bitume à la tronçonneuse, faisant un trou béant qu’ils ne se donnent même pas la peine de combler.

Ces trous chaotiques, qui font le cauchemar des automobilistes et des motocyclistes, il y en a sur tous les axes routiers de la capitale. Autrefois, au temps de Moussa, si chacun choisissait son trou, (nid de poule) aujourd’hui, avec des routes bien faites, chacun choisit sa tombe.

Mais le pire était à venir. Pour arrêter le massacre, les populations ont imaginé un remède pire que le mal. Elles érigent désormais aux abords des écoles, dans les virages, au marché et de façon générale dans toute concentration humaine, des monticules de terre communément appelés « gendarmes couchés ». La peur de l’au-delà ne justifie pas une telle panique car, outre Bamako, les « gendarmes couchés », on en trouve sur tous les axes routiers, même dans les chameaux qui comptent à peine cent coqs.

Eh bien ! Il faut reconnaître que les « gendarmes couchés », sont pires que les gendarmes debout, ceux-là mêmes qui traquent les trafiquants et autres malfaiteurs en pleine brousse pour les empêcher de nuire à la mère patrie. Ceux qui sont couchés ne sont pas morts.

En quelques mois, sur fond de course d’obstacle comme au steeple chase, ils vous flinguent une voiture neuve, donnent le tournis aux usagers à force de cahotement et, à force de ralentissement des distances comme Bamako-Sikasso deviennent doubles. N’y a-t-il pas un shériff dans ce comté pour refreiner l’ardeur de tous ces hors-la-loi ?

Car, finalement, à l’érection de ces monticules de la mort, chacun s’adonne à cœur joie. D’où la question simple comme bonjour : qui dirige Bamako ? Le maire du District, Badoulaye Traoré, le gouverneur Natié Pléah ou les maires des six communes ? La destruction de la voie publique construite et bitumée à coup de milliards est devenue le hobby de quelques excités qui n’ont aucun respect pour le bien du peuple.

Coup de chapeau au maire pour la destruction des bordels de Sogoniko mais, à présent, il faut s’attaquer aux prédateurs des routes. Merci, en tout cas, au gouverneur Karamoko Niaré qui a interdit les voitures hippomobiles et grand chasseur de rats devant l’Eternel.

L’assainissement du District, ce n’est pas seulement l’enlèvement des déchets solides, le drainage des eaux usées, la destruction des déchets toxiques issus de nos usines du XIVème siècle, la protection du bassin du fleuve Niger et de l’écosystème, mais c’est aussi la lutte contre tous ces hurluberlus qui se comportent contre la nature comme des criquets à Nioro du Sahel, la ville du « député aliment bétail » ou à Yélimané, le fief du « député étrangleur ».

Autant les pollueurs doivent payer, autant les prédateurs doivent être sanctionnés conformément à la loi. Avis au triumvirat qui dirige la capitale : Badoulaye Traoré, Natié Pléah, maires des communes.

Mamadou Lamine Doumbia – 3 Mars 2005