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Moins de vingt quatre heures de mutinerie de militaires du Camp Soundjata Keïta de Kati sont venues à bout du processus démocratique du Mali, engagé en 1992. Le coup d’État militaire semble, selon toute vraisemblance, fédérer l’essentiel des corps des forces de défense et de sécurité, exception faite de la hiérarchie militaire.

Il est connu de tous qu’une tension sociale couvait dans de nombreuses garnisons du pays au sujet de la rébellion armée qui sévit dans le nord du Mali depuis le 17 janvier dernier. Après des manifestations de familles de militaires, auxquelles des soldats ont participé en tenues civiles et de nombreuses rencontres à l’allure de médiation entre le général Sadio Gassama, le ministre de la sécurité intérieure fraichement permuté avec celui de la défense, se sont soldées par des échecs. Les soldats n’hésitant pas à huer le ministre.

Ces tentatives de raisonnement connaitront leur épilogue, le 21 mars aux environ de 9 heures. De nouveau, une rencontre de soldats avec le général Gassama se solde par une grande polémique. C’est dans une confusion que le garde du corps du ministre aurait tiré un coup de feu en l’air pour dissuader les frondeurs. Le garde du corps parvient alors à extirper le ministre de la foule. L’entrevue se mue donc en mutinerie. Les dépôts d’armes du camp de la ville et ceux du Prytanée militaire, une école de formation, sont ouverts et les mutins se procurent des armes.

A 12 heures, ces derniers se rendent maîtres de Kati. Des tirs de sommation sont entrepris par les militaires en patrouilles en véhicules, motos, et même à pieds, tout en se donnant rendez-vous à 17 heures pour un assaut sur le palais présidentiel de Koulouba. Face à eux, sur la route de Koulouba, des bérets rouges avaient érigé dès la mi-journée une barrière pour empêcher les mutins d’atteindre le palais. L’axe Kati-Bamako via le quartier de Samé qui était libre sera emprunté par des frondeurs pour s’emparer de l’Office des Radio et Télévision du Mali (ORTM). «Des dizaines d’entre eux sont descendus par colonne à Bamako, à bord de véhicules confisquées à des particuliers», nous affirme plusieurs sources à Kati Sananfra et à Samé. Cette pratique de confiscation de véhicules restera la méthode des mutins durant toute la journée du 22 mars à Bamako et à Kati.

C’est à 16 heures, après le contrôle de l’ORTM, que les soldats mutins entreprennent de verrouiller les routes d’accès à Kati. Des BRDM sont positionnés sur les deux voies d’accès à la ville. Les coups de feu se nourrissent en intensité sur les collines qui séparent Kati de Bamako et Koulouba. Selon des sources militaires, des échanges de tirs ont opposé les mutins à la garde présidentielle jusqu’aux environ de 22 heures alors même qu’à cette heure, le président avait été déjà exfiltré du palais par sa garde rapprochée. Où se trouve-t-il actuellement ? C’est la question qui anime tous les esprits et à laquelle les putschistes n’ont pas donné de réponse précise. A ce sujet, les spéculations vont bon train. Plusieurs hypothèses courent. La plus plosive, selon nos sources, est qu’il se trouverait dans une ambassade d’un pays occidental.

Les premières heures de la journée du 22 mars seront consacrées à l’interpellation de plusieurs personnalités militaires, politiques et institutionnelles. On annonce parmi eux, des généraux, les deux derniers premiers ministres du président déchu (Modibo Sidibé et Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé), des ministres du dernier gouvernement comme Soumeylou Bounèye Maïga et le général Kafougouna Koné, le président du conseil économique et social, Jeamille Bittar, le maire du district, Adama Sangaré et des directeurs d’organismes comme celui de la Caisse National d’Assurance Maladie (CANAM), Nouhoum Sidibé. Il faut souligner que cette structure s’occupe de la gestion de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), réforme contestée par de nombreux salariés.

Par ailleurs dans l’après midi, les nouvelles autorités tentent de rallier des forces vives à sa cause. C’est dans ce cadre que le président du haut conseil islamique, El Hadj Mahmoud Dicko, est reçu par la junte ainsi que des personnalités politiques telles que Me Mountaga Tall, président du Cnid-FYT, Mamadou Blaise Sangaré, président de la CDS, etc. Le couvre-feu qui était imposé de minuit à 6 heures du matin, a été timidement respecté par la population mais les tirs, comparativement à la nuit du coup d’état, se sont raréfiés.

Seydou Coulibaly

AFRIBONE

23/03/2012