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Un chroniqueur est forcément opportuniste et l’opportunisme peut se rapprocher du plagiat. C’est donc, toute honte bue, que nous emboîtons le pas à la Nouvelle République dans sa livraison de la semaine dernière.

Où, entre amusement et consternation, Tiegoum Boubeye Maiga s’interroge sur ce qu’il croit être la « marche forcée » du PDES, à « marche forcée « . Il est juste que celui-ci gagne de plus en plus en visibilité, et pas seulement à Bamako, mais dans tout le pays. Grâce au dynamisme d’un noyau de proches du Président. Le délit d’énergie ne peut pas leur être reproché, pas plus que leur loyauté à leur patron. Mais il peut y avoir un débat de fond sur la portée du PDES, sa signification pour les uns et les autres et ses risques.


D’abord, ce rappel utile :
le PDES (Programme de Développement Economique et Social), est le contrat électoral proposé par le candidat ATT à la nation en 2007. C’est une pratique courante, normale et appréciée en démocratie. D’ailleurs, le PDES a un ancêtre : « Retrouvons ce qui nous unit » qui renfermait à la fois la justification du retour d’ATT en 2002, le projet de société qu’il propose à la nation et les axes prioritaires de son mandat si les électeurs lui accordaient leur confiance.

Entre les deux, il y a quelques différences et elles valent leur pesant d’or. Malgré sa pertinence et sa bonne qualité littéraire, « Retrouvons ce qui nous unit » avait déjà été vu alors que les périodes électorales sont friandes de nouveauté ; ensuite, le PDES est plus concret et plus réalisable car il s’appuie sur le cadre référentiel qu’est la stratégie nationale de croissance économique et de lutte contre la pauvreté.

Enfin, le détail est important : à tort ou à raison, il lui est trouvé un auteur unique. Dans le jeu actuel de positionnements qui pour être subtils n’en sont pas moins fratricides, un tel statut, naturellement ouvre l’ascenseur ou creuse la tombe. La troisième probabilité étant de tomber de l’ascenseur !

Le PDES, du reste, est un excellent document d’orientation. Si on dit que les partenaires techniques et financiers n’y ont pas fait référence lors de la dernière table-ronde, c’est parce qu’il reste avant tout un document de campagne.

C’est donc au candidat élu de le faire traduire en plan d’action. Ce qui a été fait, au cours des ateliers gouvernementaux ayant suivi la nomination du Premier ministre en septembre dernier, mais d’abord dans la déclaration de politique générale de Modibo Sidibé à travers une forte affirmation de cap : un Mali émergent.

C’est ainsi le jeu normal en démocratie, lorsque la cohabitation n’est pas imposée : le président ordonne, le Premier ministre coordonne, le gouvernement exécute. Il y a des choses qui dérangent pourtant sur le PDES tel qu’il est présentement perçu, montré et communiqué.

Commençons par une première précision visant à remettre ce programme à sa juste place. On a l’impression que c’est lui qui a fait élire ATT. Mais ATT n’est pas dupe. Il sait, mieux que quiconque, que ce n’est pas la qualité d’un document de programme qui fait élire les présidents en Afrique.

Au contraire de Koulouba, un excellent observatoire des hommes et de leurs petits calculs, des idées et de leurs courtes vies, le Chef de l’Etat sait ceci : il n’existe pas grâce au PDES, c’est le PDES qui existe grâce à lui. Deuxième précision : le PDES est le programme d’un second mandat. Cela veut dire donc qu’il y avait un premier mandat.

Les acteurs, y compris l’opposition d’aujourd’hui, avaient trouvé son bilan honorable. Au plan politique, il a permis la stabilité sociale dont le pays avait besoin ainsi qu’un consensus vital sur toutes les grandes questions nationales. Au plan physique, il s’est distingué par un programme de désenclavement intérieur sans précédent dans l’histoire de notre pays.

Du reste, les Maliens le savent, ce consensus n’a été rompu qu’avec les élections de 2007. Les Maliens réalisent également que le PDES ne propose pas une nouvelle dynamique de développement, mais prolonge plutôt celle du premier mandat. Il ne résulte donc pas d’une rupture, mais d’une continuité.

Or tel qu’il est actuellement abordé, le PDES capitalise t-il assez le premier mandat ? Nous ne le savons pas trop car les comptes rendus de presse sur les événements qui promeuvent le PDES restent sommaires. Il ne fait pas de doute, cependant, que l’avantage du Président réside dans l’addition de ses réalisations, la cohérence et la validité de sa vision et de sa mission telles que formulées en 2002 et justifiant son retour sur une scène politique qu’il avait quittée en 1992 après avoir posé les jalons de la IIIè République ?

Une autre chose qui dérange, est l’usage intempestif que les uns et les autres font du PDES. D’abord par ceux qui sont contre, parce qu’il s’identifie au Président qu’ils n’aiment pas, alors que correctement exécuté, le PDES, comme n’importe quel programme puisé dans nos réalités et nos priorités du pays, ne sert que le bien-être collectif.

Ensuite ceux qui sont pour : chez ceux-ci, plus que du risque d’overdose, ce dont il faut s’inquiéter, c’est la fausse adhérence. Le PDES ne doit pas être une nouvelle carte de parti, ni le bouclier de l’incompétence. Il ne doit pas diviser l’équipe gouvernementale ou le pays lui-même en pourfendeurs et en laudateurs de l’initiative qui, à condition de ne pas être utilisée comme marchepied ou fusil mitrailleur, doit être appropriée par tout le monde, parce qu’elle conduit au Mali qui gagne.

Or un Malien qui est contre le Mali qui gagne a forcément une seconde patrie. Ceci dit, il est indispensable de recommander la mesure. Notamment aux membres du gouvernement. Le PDES ne peut pas conduire au matraquage médiatique ni aux bilans trop précoces que les faits peuvent contredire.

En l’espèce, on peut citer la conférence de presse, samedi dernier du Ministre de l’Agriculture. Espérons que ses prévisions se concrétisent. Mais on peut faire une remarque : si cette conférence avait été bien préparée, elle aurait abordé les choses sous l’angle de la sécurité alimentaire, donc notre capacité à accéder à la nourriture après l’avoir produite.

Dans ce cas, le Ministre de la Pêche et de l’Elevage aurait été là, parce qu’en créant en 2002 un Ministère en charge spécifiquement de l’élevage et de la pêche, le président voulait éviter la marginalisation de ces importants secteurs. Mais l’oubli n’est peut-être pas imputable au PDES.

Adam Thiam

28 Novembre 2008