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2012, ce sont d’abord des enjeux. Le premier c’est la paix et la concorde entre tous les Maliens, sur tout le territoire malien et entre le Mali et ses voisins. La paix et la concorde entre tous les Maliens : la gouvernance démocratique c’est la mesure dans laquelle les conflits sont gérés pour qu’ils ne se transforment pas en crise.

Il faudra faire en sorte que le pays ne s’abonne pas aux revendications catégorielles en cascade, leur addition à la fin d’un mandat pouvant gâcher la météo, la météo sociopolitique.

Trois secteurs de grande conflictualité doivent alors être mieux gérés : la gestion des ressources publiques, l’école et le foncier où les forums organisés par l’actuel Premier ministre, Modibo Sidibé, permettent d’atteindre des résultats mesurables, reconnus et opportunément communiqués. Il faudra donc contenir la corruption dans des proportions qui n’entravent pas le développement du pays.

Remettre l’école à l’école plutôt que de la laisser chaque fois dans la rue est également un point de performance légitimement attendu. Troisième attente : civiliser et moraliser l’accès au foncier de manière qu’il soit plus transparent et moins conflictuel.

Il reste entendu qu’aucun de ces secteurs ne peut atteindre le point d’achèvement des reformes voulues. Les Maliens le savent et ils ne demandent pas la lune. Mais que l’on se détrompe, s’ils aiment avoir les casquettes et être sous les feux des caméras, ils savent distinguer entre la communication et la propagande.

La paix entre tous ses enfants et sur tout le territoire de ce vieux pays dont on a dit qu’il tangue toujours mais ne versera jamais, est une denrée indispensable, et rien ne mettrait autant au second plan les réalisations faites, quelle que soit leur beauté, que si le bruit des canons couvre les salves de l’alternance, le 8 juin 2012, à 10h 30, l’heure à laquelle Amadou Toumani Touré nous a conviés tous et toutes.

Le Nord du pays est donc, à cet égard, un front à davantage surveiller : il est aujourd’hui la poche la plus crisogène du pays et toutes ses menaces sont sérieuses.

Mais le septentrion n’a pas le monopole des conflits. Les conflits de production, notamment entre agriculteurs et éleveurs, au Sud ne doivent pas être minimisés tout comme les coups de têtes de jeunes et de hordes en rébellion contre leurs familles et l’État. Bien entendu, la question électorale figure en bonne place sur le richter du risque sociopolitique.

Le Président Touré qui s’est dit particulièrement conscient de ce risque, le 22 septembre dernier, a promis de s’attaquer au mal à la racine : donc le fichier électoral. Il promet de bonnes listes électorales à partir des données du Ravec, ce qui souligne à la fois l’urgence de finir cette enquête et de lui assurer la meilleure qualité possible.

Le référendum constitutionnel annoncé sera un bon test du corps électoral. Pourvu qu’il soit d’actualité, le temps étant devenu, pour le président, la ressource la plus rare et malheureusement la moins renouvelable. Mais au-delà des enjeux, 2012, c’est aussi les acteurs qui s’affronteront à la présidentielle et aux législatives. Les législatives avant les présidentielles ? Ou en même temps ? En démocratie, la question vaut son pesant d’or.

Mais encore une fois, quand le temps s’amenuise, et que le débat est volatile ou parcellaire, c’est la routine qui s’impose. Pour ce qui est des « compétiteurs » à la présidentielle, le catalogue définitif est celui qui viendra, en temps utile, de la cour constitutionnelle. Toutefois, on peut, d’ores et déjà, éliminer les trois anciens présidents du Mali, pour des raisons différentes.

ATT a dit qu’il s’en ira, Konaré a dit qu’il ne reviendra pas, et Moussa Traoré ne peut pas revenir, et peut être ne l’aurait pas fait, même s’il en avait le droit. Il y a tout de même les candidats traditionnels. On peut les appeler jamais gagnants, mais leur objectif est aussi sans doute de se familiariser avec la compétition.

Trois d’entre eux à la tête de leurs partis respectifs ont déjà deux présidentielles dans les jambes : Tiebilé Dramé, Oumar Mariko, Mountaga Tall qui aurait été à sa troisième tentative s’il n’avait pas finalement boycotté 1997.

Quatrième en 2002 et troisième en 2007, Dramé, qui ne serait pas cohérent s’il n’était pas des joutes de 2012, a toujours fait un petit score. Même chose pour Tall et Mariko. Si le parlement et les municipalités reflètent leurs poids réels, il leur faudra faire infiniment plus qu’aujourd’hui pour être parmi les prétendants les plus sérieux en 2012. Qui sont-ils ? Modibo Sidibé ?

Le Premier ministre, comme nous l’avions écrit par le passé a une force qui est en même temps sa faiblesse : il dépend entièrement aujourd’hui du décret de son patron. Sachant qu’il est un indépendant qui ne sera candidat et élu que dans les mêmes conditions qu’ATT en 2002, sa pression aujourd’hui est celle du bilan gouvernemental.

Il n’ira au charbon que mis en mission et dans ces circonstances, il serait à prendre très au sérieux. Le cas échéant, il serait en effet « l’autre candidat » de presque tous les partis en compétition. C’est dire. Soumaila Cissé ? Il a dit qu’il n’a pas encore annoncé sa candidature. Mais c’est une simple clause de style.

En verve et avec une ubiquité qui ne trompe ni sur ses intentions ni sur ses chances, il est, vu le poids actuel de son parti, un des trois favoris. Il doit conserver avant tout son parti -ce n’est pas gagné d’avance- et il a besoin de la bénédiction de son ancien challenger Amadou Toumani Touré et de son ancien patron Alpha Oumar Konaré.

Une fatwa signée des deux contre lui est fatalement rédhibitoire. Il le sait et sa position actuelle de président de l’Uemoa qui le met en contact avec les chefs d’Etat est une rampe de lancement dont il ne se prive pas. Qui d’autre ?

Dioncounda Traoré, président du parlement et de l’Adema, serait bien entendu, mécaniquement parlant, le candidat le mieux placé. Son parti est le mieux implanté. Il a juré, plusieurs fois qu’il reconquerra son pouvoir et il sait gagner les élections.

Mais le facteur âge ne pèsera pas t-il, à la fin du jour, sur la décision du patron des Abeilles ? A voir. La question vaudrait pour IBK, un autre favori. Sauf que lui a déjà dit qu’il aura 67 ans en 2012 et qu’Inch Allah, il répondrait présent à l’appel de son parti.

Lequel, a beaucoup maigri entre 2002 et maintenant. Reconstituer sa capacité de mobilisation ne sera pas une mince affaire. Mais IBK et tous les autres ont besoin de bien plus que leurs seuls partis pour être investis en 2012. Techniquement donc, les manœuvres pour les fronts et les fusions ne devraient pas tarder.

Plus que par le passé, elles dessineront la carte de 2012 sur laquelle il ne faudra pas oublier de placer les candidats atypiques. Les plus annoncés, pour l’instant, ce sont Soumana Sacko et Cheick Modibo Diarra. Si l’un d’entre eux est élu, c’est qu’ils auront pu transformer en voix l’effroyable tradition d’abstention de l’électorat malien.

Adam Thiam

19 Mars 2010.