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Il ne pouvait en être autrement ce mercredi 1er février gâché par trois événements singuliers. D’abord, les marcheurs de Kati comprenant les familles des militaires du front rejointes par d’autres groupes mus sans doute par d’autres motivations. Jeudi, Bamako a connu à son tour de grandes frayeurs avec leur lot inévitable d’exagérations.

Ensuite, Facebook a posté les images des atrocités insoutenables des rebelles sur des éléments de l’armée nationale. Enfin, comme toujours, c’est une radio étrangère qui informe la nation malienne du retrait de son armée de Ménaka en même temps que l’entrée en force du Mnla dans cette ville. Le président a donc rompu le silence sur la radiotélévision publique. Pas trop tôt car les ménages ne discutent en ce moment que de la crise du Nord revenue en force le 17 janvier, avec les attaques de Menaka, Aguel Hoc, Tessalit, In Tillit, Tessit, Léré et Niafunké.

Tout est donc de savoir si Att n’a pas donné trop peu et agi trop tard deux semaines après le début des hostilités et plusieurs tonnes de rumeurs, tous plus alarmantes les unes que les autres. Comme c’est le cas quand la communication officielle est aux abonnés absents, dans le service minimum, dans le mensonge par omission ou dans la désinformation. Or à l’heure de Facebook, du bluetooth, de la téléphonie cellulaire, rien ne peut se cacher.

Quand le président prenait la parole, les communautés nomades de la capitale « avaient pris leurs dispositions » et la ville infestée de rumeurs allait jusqu’à questionner la loyauté du président vis-à-vis de la République. Dès lors, parler ne pouvait plus remplacer l’action. Et c’était déjà de l’action qu’Att ait reçu longuement la délégation des marcheurs hier. Le pays ne tardera pas à savoir ce que se sont dit le président qui n’a jamais connu que l’armée et les épouses remontées des militaires devant l’horreur d’Aguel Hoc et ce qu’elles qualifient de black-out d’Etat sur la situation de leurs maris au front.

Quand la vérité est dite et dite dans l’humilité, les Maliens comprennent et peuvent se donner la main comme le souhaite le président qui a connu de biens meilleurs moments. Dans la solitude des fins de mandats et dans les épreuves du jour dont nous n’avons nul besoin, Att sait que rien ne vaut les décisions concertées et la solidarité collective pour éviter de donner au Mnla une triple victoire. A commencer par la victoire de la communication.

Celle-ci est d’autant plus facile que c’est le gouvernement qui, cruellement, manque de communication stratégiquement réfléchie. Il est curieux que seule la presse privée ait fait des reportages sur le groupe qui combat aujourd’hui la République. Les médias publics qui ont la plus grande visibilité ne l’ont pas fait. Conséquence : pour tout le monde, les groupes d’enturbannés que le président a reçus devant la télé sont ceux qui le harcèlent aujourd’hui, donnant l’impression que retourné de Libye égale rebelle. Que jusqu’à présent, le gouvernement n’ait pas cru devoir rectifier cette impression relève du scandale.

L’autre victoire qu’il faut refuser au Mnla, c’est l’acharnement des foules contre les biens ou la personne des Touareg et des Arabes. Ce n’est parce qu’ils vivent parmi nous -une formule de plate condescendance- mais qu’ils ne sont pas moins que les Bambaras, les Malinkés et les autres dont on ne dit jamais qu’ils ont choisi de vivre parmi nous. Troisième victoire : une classe politique qui n’a en tête que ses kits électoraux bloqués quand la République brûle.

Adam Thiam

Le Républicain du 03 Février 2012