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Depuis quelques jours, je lis en affichage urbain le slogan d’un opérateur de téléphonie « I djo yoro fa ». Cette phrase m’a interpellé. Au début, j’ai pensé à une campagne de sensibilisation d’un ministère : Administration territoriale, Promotion de la femme, Défense…

Oui, je dis etc., car la liste peut être longue. A Bamako, plusieurs places restent à être occupées ! Je ne vais pas tomber dans la provocation ni dans la caricature gratuites, mais ce serait dans l’intérêt supérieur de la nation que les gens fassent correctement leur travail.
Mercredi dernier, j’étais sur la route de Sikasso.

A environ trois kilomètres après le virage qui mène à Sélingué, j’aperçois au loin un gratte-ciel, en fait un camion surchargé à tel point qu’il se fond dans l’horizon. J’ai l’impression qu’il est penché sur la droite. Une fausse manœuvre du chauffeur, l’engin se renverserait sans nul doute.

Comment peut-on bourrer un véhicule à un tel point ? Kabako ! Arrivé à son niveau, je me rends compte que ce que j’avais pris pour de la marchandise était en réalité des humains, j’en ai compté une vingtaine. « Walaï, Wolofo baro tè » !

Immédiatement, je me suis mis à pester contre les policiers et toutes ces personnes qui sont payées pour faire régner un semblant d’ordre. Ne se sentent-ils pas responsables un temps soit peu des tragédies, en partie, imputables à leur manque de rigueur ?

Sur ce même itinéraire, un autre drame s’est produit, il y a trois semaines. Un bus transportant des caravaniers et la mascotte de la Biennale-2010 a évité un engin des BTP pour finir sur le bas-côté. Résultat un mort ! Chose gravissime, l’ambulance de la protection civile qui accompagnait le convoi ne disposait pas du matériel médical et sanitaire nécessaire d’après l’un des blessés.

Les victimes ont dû utiliser leur propre mouchoir et des bouts de tissus pour nettoyer leurs plaies. Des sanctions pour cette négligence ? Aucune, vraiment aucune conséquence. Ça va rester ainsi. Le même véhicule suivra d’autres délégations. Je vous rappelle qu’il y a eu mort d’homme. L’apprenti est décédé dans cette même ambulance lors de son transfert sur Bamako.

Cette même ambulance qui n’a pas pu correctement secourir des blessés légers, pouvait-elle sauver un individu extrait des ferrailles ? Une enquête a-t-elle été ouverte pour savoir si, dans d’autres circonstances, la vie de l’infortuné aurait pu être sauvée ? Il nous faut vraiment pousser les forces publiques à assumer leurs responsabilités, à rendre des comptes. Il en va de la sécurité et du bien-être des citoyens de ce pays.

Le système médical au Mali est, bien entendu, celui d’un pays en voie de développement avec des moyens limités. J’ai d’ailleurs recommandé à l’une des victimes de la collision de Sikasso de consulter plusieurs médecins. A l’arrivée dans la Cité du Kénédougou, les autorités leur ont fait faire des analyses, mais très souvent au Mali, on libère hâtivement les victimes des accidents. Souvent, les radios n’indiquent pas de fractures. Et pif quelques jours après la victime rend l’âme. Pourquoi cela est-il fréquent chez nous ? Est-ce parce que « do ma a djo yoro fa » ?

Il est temps qu’on prenne au sérieux les incessants appels lancés pour la réorganisation du système hospitalier en renforçant le service des urgences et des premiers secours. Impossible de sortir dans la ville des « Trois Caïmans » sans assister à des scènes d’accident. Il y a belle lurette, quand j’étais encore jeune et moins réactif, je me souviens qu’un seul accident faisait le tour de tous les « grins ». Aujourd’hui, c’est devenu une banalité.

Les autorités sont sans autorité. Dans des campagnes TV, le ministère des Transports a ordonné le port obligatoire de la ceinture de sécurité, du casque en plus de l’interdiction de téléphoner au volant. Où en sommes nous aujourd’hui ? Ces mesures ne sont respectées par personne. Même les policiers s’amusent à envoyer des « textos » pendant leur service et après chacun s’étonne qu’il y ait des catastrophes, des comportements inacceptables.

Peut-il en être autrement si ceux qui sont censés montrer l’exemple n’assurent pas ?Pourquoi dépenser des millions dans les campagnes de sensibilisation si les règles ne sont pas respectées. D’accord, les campagnes ont un rôle : éveiller la conscience.

Cela ne signifie pas que les citoyens vont forcément adopter les bonnes manières. L’insécurité routière n’est pas une fatalité. Nous pouvons préserver la vie des nôtres à condition que chacun y mette un peu du sien. Que les parents n’achètent pas de moto à leurs gosses de 12 ans !

Que la police envoie dans les pénitenciers ceux qui laissent des gamins prendre le volant ! Bamako est une grande ville, avec un nombre croissant de véhicules, une activité commerciale dense impliquant des camions. Il faut une application stricte du code de la sécurité routière. Qu’on arrête de boire du thé dans les ministères pour enfin occuper les fauteuils !

Birama Konaré

14 Avril 2010.