Quatorze ans plus tard, il s’agissait de se demander ce que cette date représentait encore dans la mémoire collective des Maliens – samedi dernier donc, plusieurs formations politiques ont procédé à une rétrospective sur les acquis du 26 mars 1991. De l’exercice, il est ressorti que les principaux objectifs de la révolution ont été atteints. Il s’agit essentiellement du multipartisme intégral et de la liberté d’expression.
Pour preuve, les partis politiques ont proliféré et les organes de presse foisonnent. Mais tous sont unanimes à reconnaître que le Malien vit toujours dans des conditions économiques extrêmement difficiles et que beaucoup reste à faire pour que le pays sorte de l’ornière. Si les indicateurs macro-économiques sont satisfaits, la ménagère, quant à elle, tend à égarer sa marmite, faute de l’utiliser souvent. C’est en substance, ce qu’a dit le professeur Yoro Diakité, président du Bloc des Alternatives pour le Renouveau Africain, lors du premier congrès ordinaire du parti.
Au cours duquel, le professeur a fustigé le consensus politique actuel qui sévit depuis 2002, date de l’avènement de ATT au pouvoir. Pour le Bara, le consensus est un unanimisme gangrène par l’absence de débats politiques et démocratiques. Le même jour, le RDS tentait de rassurer ses militants sur la vitalité du parti, au cours d’une conférence nationale, présidée par un autre professeur, Younouss Hamèye Dicko.
Les conférenciers ont fait leurs, les préoccupations d’ordre national, ont discuté des acquis du 26 mars 1991 et se sont interrogés sur l’avenir du Mali. Le parti de Renaissance nationale (Parena) quant à lui, a regroupé ses troupes pour une conférence débat et le lancement d’un centre de formation. Le premier événement s’est déroulé autour du thème «comment renforcer les pouvoirs des institutions de la République ?».
Un troisième professeur, Tiébilé Dramé, présidait la conférence. Le Parena a fait un diagnostic critique de la vie des institutions, c’est à dire leurs points de blocage et les solutions pour les sortir de leur Etat. Le parti demande une refondation de la classe politique.
Vingt quatre ans après tous ces événements, le pays a été surpris par une vague de violence. C’était suite à la défaite, «surprenante» de l’équipe nationale de football du Mali (Aigles), contre son homologue du Togo (Eperviers). Un échec auquel la majorité du pays ne s’attendait, et qui a mis Bamako, pendant de longues et pénibles heures, à feu et à sang. Ce dimanche noir, une fois l’échec consommée, avant même la fin du temps réglementaire du match, les supporters sont descendus sur la pelouse pour tenter de s’en prendre aux arbitres et aux joueurs togolais.
Furieux et coléreux, ils ont commencé leur destruction par le stade du 26 mars, cassant tout sur leur passage. Cette fureur sauvage continuera hors du stade et biens publics et privés en feront les frais. Seulement, à ces vandales s’ajouteront une autre espèce, le pire, celle des pilleurs. Ceci profiteront de l’aubaine pour piller et dévaliser des hôtels, des restaurants, des bars-restaurants et tout ce qui pouvait leur rapporter quelque chose.
A cause des incendies, certains ont pu croire qu’il s’agissait d’islamistes qui s’en prenaient aux prostituées, buveurs et vendeurs d’alcool. Mais à l’analyse, cette éventualité est vite écartée car les incendiaires ne se sont pas contentés de mettre le feu. Auparavant, ils avaient enlevé la caisse, vidé les congélateurs de leurs boissons alcoolisées, dévasté les cuisines de leur nourriture.
Après s’être garni les poches, bu et mangé, ils ont violé des filles avant de s’en aller en portant meubles, matériels, équipements divers et même des pots de fleur selon un confrère. Tout ce qu’un islamiste, en temps normal, n’aurait pas fait. Une chose a quand même étonné : c’est la trop grande facilité avec laquelle supporters, vandales et pillards ont accompli leurs forfaits.
On aurait dit que les services de sécurités et de maintien d’ordre étaient tous montés à Koulouba pour garder le temple présidentiel. Des têtes commencent d’ailleurs à tomber. Trois hauts responsables des services de sécurité viennent d’être limogés. En haut lieu comme en bas, on ne parvient toujours pas à comprendre comment les malfrats ont pu opérer sans être inquiétés.
Ces services devaient savoir quand même que même en cas de victoire du Mali, il y aurait eu des débordements comme cela s’est déjà vu dans le passé. Alors, une défaite … les porteurs d’uniformes commencent à payer. Restent les responsables civiles.
Ch. A Tandina
1er Avril 2005