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Hé, bonjour ici ! Ce matin, j’ai vraiment eu du mal à me réveiller. Mais comme j’ai laissé les miens au village pour venir travailler en ville, il a bien fallu que je me lève et que je me mette à la tâche. Il faut reconnaître que la paresse ne fait pas partie de mes pêchés mais de ceux de ma patronne. La paresse doit même avoir la première place chez elle. Sans doute doit-elle s’activer au bureau où elle se rend tous les jours mais à la maison en tous cas, laisse tomber ! Elle est étalée dans le salon, on dirait un linge qui sèche. Mais passons puisque ce sont des voisins d’en face dont il est question et non de ma patronne qui, même si elle est oisive, elle n’est pas méchante. Nous voilà donc ce jeudi….

Après un dur réveil, je commence la lessive. Comme la patronne n’aime pas voir pendre le linge depuis la fenêtre de sa chambre à coucher, la maison ne dispose donc que de quelques mètres de fil à étendre, ce qui fait que je n’attends pas que le panier soit plein pour me mettre à la lessive. Mais les femmes de la cour d’en face ne se gênent pas pour venir étendre leurs linges sur le mur d’enceinte, pile devant la fenêtre de Tantie, malgré les nombreuses plaintes de celle-ci.

Comment comprendre que des individus sortent de leur maison, traversent la route pour venir suspendre leurs vêtements sur le mur d’autrui ?
J’appelle donc le gardien, un homme assez bête se croyant intelligent et gourmand comme c’est pas permis ; surtout quand ce n’est pas lui qui paye. Il prend son temps mais finit par arriver. Je lui montre les pantalons, les pagnes et les draps des voisins qui pendouillent sur le mur.

– Emma, pourquoi as-tu laissé ces femmes-là faire ça ? Tu sais bien que Tantie l’a interdit.

Il déteste que je lui demande des comptes mais il ne me laisse jamais le choix.

– D’ailleurs comment cela a-t-il pu se faire à ton insu ? Tu dormais ?

Hé, bo né dala. Hé a ta do wa ? Hé a ka so tè. Nanfigui.

Il me ressort ses âneries habituelles : je ne suis pas sa patronne, je ne suis qu’une domestique comme lui et patati et patata. Je le regarde. En voilà encore un qui ne sert à rien. La mécanique étant bien huilée, à mon tour, je lui aboie dessus et le tchipe tellement que j’en ai mal à la bouche.

– Dis-moi O, Emma, tu as peur de ces femmes ou est-ce qu’il y en a une qui te plait dans le lot ?

Il répond que je suis folle, il s’énerve. J’ai peut-être vu juste finalement. Je lui dis d’aller voir son amoureuse pour lui demander de venir récupérer ses vêtements mais au lieu de çà, il reste planté là comme un piquet.

Je finis donc ma lessive et répands l’eau de la baignoire sur le sol, tout autour de moi en faisant en sorte de bien arroser les sales pieds de ce grossier personnage. Il s’exclame mais je ne l’entends même plus. Qui lui a dit de me coller, aussi ?

Je vérifie que tout mon linge est bien suspendu, je range les bassines, balaye l’eau jusqu’à l’égout et je me dirige vers le mur, au fond du jardin. Je sens le gardien bouger. Il a enfin compris ce que je m’apprête à faire et il s’élance vers la sortie mais c’est trop tard.

Avec une joie non dissimulée, je me mets sur la pointe des pieds et je tire à terre tous les vêtements que j’arrive à atteindre. Je vois que de l’autre côté du mur, des mains s’activent, se saisissent des draps, des pagnes. Ça parlemente et ça crie sa rage, surtout lorsque je leur renvoie par dessus le mur, roulés en boules et maculés de boue, tous les habits propres que j’ai pu attraper.

On m’insulte mais est-ce que je réponds ? J’ai déjà ma vengeance… Je suis au moins sûre d’une chose, ces boubous-là ne sécheront plus sur ce mur avant quelques semaines. Elles sont chèvres, ces voisines d’en face. Elles reviendront et tout recommencera.

Bon, an kan ben sini !

Barakeden – 7 mars 2014

A lire : Chez les locataires d’en face ! (1/10)