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Mag’Femmes : Cérémonies sociales : La crise freine la folie dépensière

Actuellement lors des mariages ou des baptêmes, les femmes se retiennent de vider leurs portefeuilles pour impressionner les autres

Le devoir de solidarité est la trame de la vie familiale et communautaire dans notre pays. Cela se vérifie lors des cérémonies de mariage, baptême ou de décès. Tout le monde fraternise dans l’enthousiasme un jour de baptême ou de mariage.

Le jour du décès, tout le monde compatit à la douleur de la famille endeuillée. Le constat est que dans notre société, les cérémonies de mariage et baptême s’accompagnent de dépenses parfois excessives voire extravagantes. Le Mali est plongé dans une crise sécuritaire et économique aiguë. Les femmes ont-elles encore besoin de faire des dépenses excessives le jour du mariage ou de baptême ?

Nous avons recueilli les témoignages de quelques maîtresses de maison à travers Bamako. La nouvelle mariée Fatoumata Traoré habite la Cité 1008 logements de Yirimadjo à Bamako. La trentaine dépassée et diplômée sans emploi, elle a célébré son mariage religieux le mois passé. La cérémonie a été grandiose. Sa copine Nana Diallo était parmi les nombreuses invitées à la fête.

Elle était sidérée par les dépenses excessives de la mariée. « Le jour de son mariage, plusieurs griottes vedettes étaient au rendez vous. Les cantatrices ont commencé à déclamer les poèmes épiques et les louanges magnifiant Fatoumata et sa généalogie. La mariée comme entrée en transe afficha instantanément une joie débordante. Elle a perdu tout contrôle. Elle s’est mise à dépenser sans calculer. Elle a distribué à la volée plus de 400 000 Fcfa en quelques minutes.

Agacée par ces extravagances dépensières, la mère de Fatoumata s’est précipitée pour lui retirer son portefeuille au milieu de la foule des invitées en délire. Le père a tout simplement maudit sa fille quand des témoins lui ont relaté la folie dépensière de son rejeton. Le vieux a réuni les amies de sa fille. Nana Diallo a participé à cette rencontre. Le père de Fatoumata leur a révélé que le prix de condiments qu’il donne à ses femmes est dérisoire. Il ne tolère pas que « sa fille ait pu dilapidé autant d’argent dans sa folie des grandeurs ».

Sans compter.

Le comble, raconte Nana Diallo, est que sa copine n’a pas du tout regretté d’avoir jeté son argent par la fenêtre en cette période où tout le monde est frappé par la difficile conjoncture. Toutes les épouses et les fiancées bamakoises qui convolent en ce moment en noces ne sont pas aussi inconscientes que Fatoumata.

La sagesse a brutalement douché les ardeurs dépensières de Mariam Touré, employée dans une agence de micro-finance de la place. Cette bonne femme vivante, il y a encore quelques mois s’en donnait à cœur joie dans les réunions festives. Elle dépensait sans compter lors des cérémonies sociales pour se faire tout simplement « un nom ». Elle explique ce comportement de son passé récent. « J’aime les chants des griots, avoue Mariam.

Quand elles m’adressent des éloges, je suis aux anges. Je donne tout ce que j’ai sur moi, y compris l’or que je porte. J’étais convaincue qu’une élégante participait à une fête pour ressentir l’ivresse de distribuer de l’argent ». « Mais d’où est sorti l’ouragan de violences qui vient de balayer le Mali ? » s’interroge Mariam.

Elle a décidé dorénavant d’être économe ne sachant pas de quoi demain sera fait. Elle garde son argent pour faire face à d’hypothétiques mauvaises passes. La prévoyante Mariam conseille le changement de mentalité, la mesure dans les dépenses des cérémonies, à toutes les nouvelles mariées. La fonctionnaire, Oumou Sidibé estime que la crise actuelle a brisé la propension à la folie des grandeurs dans l’esprit des Bamakoises. Elle n’est pas contre les donations aux griots, mais elle est contre les invitées pique-assiettes qui s’improvisent griottes lors des cérémonies. Avant Oumou était complaisante envers ces nuisibles.

Elle rappelle un exemple. « Je suis allée au baptême de ma cousine. J’ai remarqué une femme qui est arrivée portant sur la tête des pagnes à vendre. Soudain, à ma grande surprise elle s’est transformée en griotte. Après avoir récité des éloges à mon endroit, cette inconnue me réclama sa part.

Et elle m’a même harcelée alors qu’elle ne connaissait même pas mon nom. J’ai fini par lui glisser un billet de 1000F pour qu’elle arrête de me tourner autour », témoigne-t-elle. La généreuse Oumou d’autrefois est devenue une vraie pingre depuis les bouleversements qui ont secoué Bamako. L’argent est devenu rare. Elle donne désormais le minimum au titre de cotisation et elle reste de marbre face aux louanges de circonstance des griottes. La griotte Awa Kouyaté est très sollicitée lors des cérémonies de mariage et de baptême. « Dieu merci, mes mécènes me convient à toutes leurs cérémonies. Je ne chante pas, mais je suis narratrice.

Mes protectrices me gâtaient beaucoup avant la crise. Je gagnais beaucoup plus que maintenant. Lors des cérémonies, les billets de 5000 et 10000 Fcfa pleuvaient. Actuellement on ne me donne que des billets de 1000 et quelques uns de 2000 Fcfa », commente-t-elle. Le griot orateur S. S. constate que la conjoncture économique actuelle ne fait pas son affaire. « Avant la crise, je gagnais bien ma vie dans les cérémonies et cela se voyait, car je m’habillais toujours en bazin brodé, rappelle Sarré. Il ajoute que sa famille mangeait beaucoup de poulets et de poissons braisés. « Vraiment on mangeait toujours à notre faim.

Mais maintenant les poulets et les poissons se font rare dans nos assiettes » commente-t-il. Le fameux orateur et amuseur public dans les cérémonies sociales révèle que « maintenant lors des Sumu, les élégantes qui donnaient 500.000 dépassent difficilement 50.000 Fcfa. Celles qui donnaient 5000 ne dépensent plus 2000 Fcfa. Je n’en veux pas à mes mécènes. Les temps sont durs », déclare-t-il avec philosophie.

vendredi 3 août 2012, par Adjaratou DEMBELE

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