L’eau, source de vie, est indispensable. Mais à Toupèrè, petite bourgade d’un millier d’âmes située non loin de Douentza (Mopti), son manque devient source de malheur pour toute une population qui s’abreuve dans de grandes fosses. Le témoignage des deux enseignants (Abdrahamane Maïga et Daouda Coulibaly) de la seule école fondamentale de ladite localité est ahurissant. Et le citadin, qui est à mille pensées de croire qu’en cette heure de modernité des êtres humains peuvent boire dans la même bassine que des animaux, ne peut que tomber des nues.
» A Toupèrè, la crise d’eau est plus qu’alarmant. Durant toute l’année, la population se contente de boire les eaux de pluies qui stationnent dans de grandes fosses pouvant contenir plusieurs cubes d’eau. Il n’y a pas un seul puits, même traditionnel. Les populations, singulièrement les enfants, sont exposées à toutes sortes de maladies, notamment diarrhéiques », confie, dépité, Abdrahamane Maïga, le directeur de l’école, un établissement scolaire qui compte 146 élèves, majoritairement des garçons.
Les filles, on le sait, sont occupées la plupart du temps à la corvée d’eau, souvent à deux ou trois kilomètres du village, notamment Téga ou Tabi.
» En tant qu’enseignant, je refuse de boire cette eau nauséabonde.
Je me déplace fréquemment vers des villages voisins pour chercher l’eau. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le déroulement de mes cours. La situation est vraiment difficile. Il faut vraiment voir de ses propres yeux ces fosses pour croire qu’un être humain peut boire une eau pareille, en même temps d’ailleurs que les animaux. C’est impensable », témoigne l’autre enseignant Daouda Coulibaly.
Certaines familles, précise M. Coulibaly, sont propriétaires de grandes fosses. Quand arrive la période de la grande soudure (avril-juin) où il n’y a presque pas d’eau dans aucune fosse, elles vendent cette eau au reste de la population à raison de 50 F CFA le bidon de 20 litres.
» J’ai pitié pour mes élèves. Certains peuvent faire deux à trois mois sans se laver pendant la saison sèche. Même s’alimenter est souvent difficile pour eux. Beaucoup viennent le matin sans prendre le petit-déjeuner. Le taux d’absentéisme et d’abandon est très élevé. Je ne leur en veux pas. Les parents, agriculteurs et éleveurs, sont très démunis », ajoute M. Coulibaly.
Les deux enseignants en appellent à la magnanimité des plus hautes autorités du pays, mais aussi des ONG, des organismes de coopération internationale pour doter Toupèrè d’un puits à grand diamètre afin que « cesse pour de bon» le calvaire des populations de la petite localité.
» Le Projet Nef avait creusé en 2003 un puits d’une profondeur de 70 mètres. Il y avait un peu d’eau. Mais ce puits a tari quelques mois après », précisent nos deux interlocuteurs.
Ibrahim Guindo
16 Avril 2010.