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Soir de Bamako: Pouvez-vous nous présenter votre
centre ?

Lassana Minté : Le centre s’occupe principalement de
l’enfance en situation difficile. Depuis novembre
2003, il est un service propre de la Mairie du
District de Bamako. Donc il dépend de la collectivité.

Soir de Bamako :Quand a-t-il été créé et quelle est
sa raison d’être ?

Lassana Minté: Le centre a vu le jour en 1997, suite
aux différentes expériences du Sénégal et du Burkina
Faso. Là il y avait des centres éducatifs en milieu
ouvert. Ces centres étaient appelés AEMOA (Action
Educative en Milieu Ouest Africain). C’est à dire que
c’est un centre ouvert. En République du Mali, notre
centre est le seul centre ouvert.

Soir de Bamako : Quel type d’enfants sont admis au
centre ?

Lassana Minté : Comme le sigle du centre l’indique,
nous nous occupons des enfants en situation difficile.
Ce sont des enfants en rupture sociale et familiale.
Les mendiants et les talibés. C’est cette catégorie
d’enfants. Il y a aussi l’autre catégorie composée
d’enfants de la rue ou dans la rue.

Soir de Bamako : Comment procédez-vous pour
récupération les enfants ?

Lassana Minté : L’enfant, une fois chez nous, est
fiché d’abord. C’est à dire qu’il y a une fiche
d’identification. A travers cette fiche, nous faisons
connaissance de la situation de l’enfant concerné:
Pourquoi s’est-il retrouvé en situation difficile?
Quels sont ses espoirs et ses désirs ? C’est à partir
de là que commence notre prise en charge. Mais
fondamentalement, ce n’est pas la prise en charge que
nous faisons, mais la référence. On les envoie
généralement vers des structures qui s’occupent de la
formation professionnelle ou de l’hébergement.

Soir de Bamako: Quelles sont les conditions d’accueil
du centre ?

Lassana Minté: les conditions d’acceuil sont libres.
Il n’y a pas de critères spécifiques. Pourvu que
l’enfant se sente en situation difficile. Un enfant
qui a des difficultés, se présente à nous et nous
l’écoutons. Suivant la nature des problèmes, on fait
une analyse. Souvent même, s’il y a nécessité d’une
réconciliation familiale, nous négocions en faveur du
retour de l’enfant en famille.

Soir de Bamako : Quand peut-on dire qu’un enfant est
en situation difficile?

Lassana Minté : Un enfant est en situation difficile
dès lors qu’il est en rupture avec sa famille, ses
parents. La famille constitue la cellule d’encadrement
la plus sûre pour l’enfant. Donc un enfant qui n’est
pas dans cette cellule, est en rupture. Cela veut dire
que,dans la rue, il est en danger. Pour nous
éducateurs, cet enfant est en situation difficile. Il
y a aussi les « talibés » et « guérébou » qui sont dans la
rue et exposés aux mêmes dangers que ceux en rupture
familiale.

Soir de Bamako : Quelle perception faites-vous du
phénomène d’enfants en situation difficile ?

Lassana Minté : Le phénomène prend de l’ampleur.
C’est pourquoi il est aujourd’hui bon d’attirer
l’attention des autorités politiques et
administratives pour que les efforts soient conjugués
afin de juguler le fléau. Le phénomène d’enfants en
situation difficile va grandissant avec son cortège de
malheurs. Ces enfants finissent par devenir des
brigands, des bandits, des délinquants qui ne réculent
devant rien. Il faut qu’une solution soit trouvée à ce
problème d’enfants en situation difficile.

Soir de Bamako : Recevez-vous des sub-ventions de
l’Etat? Si oui, comment ?

Lassana Minté : Comme je l’ai dit, le C.A.O.E. est un
service propre de la Mairie du District. Donc a
priori, le centre est pris en charge par la Mairie.
Mais il s’est trouvé que le budget alloué est trop
minime par rapport à la prise en charge de tous ces
enfants. C’est pourquoi nous sommes obligés de faire
appel aux bonnes volonté ou aux ONG. Je dis aussi
qu’il ya des ONG qui gravitent autour de notre centre.
C’est donc avec toute cette aide que nous parvenons à
planifier nos activités et à nous occuper des enfants.

Soir de Bamako : Avez-vous connaissance d’enfants
passés par ce centre et qui se trouveraient
actuellement dans une situ-ation meilleurs ?

Lassana Minté : Ils ne sont pas nombreux mais des cas
existent. Comme je l’ai dit, nous faisons ici
l’orientation socio-professionnelle aussi. Donc on
oriente les enfants vers des activités lucratives. Il
y en a qui ont appris des métiers par le passé et qui
sont de nos jours dans une situation meilleure. Mais
ils ne sont pas très nombreux compte tenu du fait que
leur encadrement pose beaucoup de problèmes.

Soir de Bamako : Que pensez-vous des enfants
mendiants ?

Lassana Minté : Je crois que la mendicité est un
phénomène social qui tire ses racines d’abord de notre
culture même. Parce que les gens pensent que la
charité est légale. Pour moi, c’est ce qui encourage
la mendicité et en particulier celle des enfants. Les
autorités doivent veiller à ce phénomène qui a des
proportions galopantes. Surtout que maintenant, on
assiste à des types de mendicité qui portent atteinte
à nos moeurs.

Soir de Bamako : Avez-vous un appel à lancer à
l’endroit des parents ?

Lassana Minté : C’est vrai, que l’enfant est un don
de Dieu, mais il faudrait quand même bien s’occuper de
nos progénitures. C’est un cri de coeur que je lance à
l’endroit de tous les parents. Autrefois, l’éducation
d’un enfant était l’affaire de l’ensemble de la
société. Malheureusement, nos valeurs traditionnelles
ont tendance à disparaître. Ce qui fait que l’enfant
appartient seulement à ses parents. En matière
d’encadrement infantile, cela pose d’énormes problèmes
à notre société en pleine mutation. Il faut que nous
nous assumions à accorder à l’enfant que l’on met au
monde le minimum d’éducation.

Entretien réalisé par KONATE Goudia

14 szptembre 2005.