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Renouveau de la nation, prospérité du pays et bonheur des populations ! C’est la déclinaison du rêve chinois qui accompagne la réforme et l’ouverture sur l’extérieure déclenchée en 1978. Après 35 ans de pratique, les résultats sont aujourd’hui impressionnants. Voyage au cœur de la 2e puissance économique du monde, qui récuse l’étiquette de pays développé pour celui de pays en développement. Tant et si bien que la Chine travaille sans discontinuer pour atteindre les sommets.

Longeant une multitude d’immeubles qui semblent tutoyer le ciel, les habitants vaquent à leurs occupations aux pas de soldat et dans une discipline tout aussi martiale en cette période automnale en Asie. Pas une seconde à perdre. Les gens sont comme poursuivis par les démons… de la modernité. Ils vont et viennent à la vitesse « grand« V. Ce n’est donc pas pour rien que les Britanniques ont décrété « Time is money« (le temps, c’est l’argent) !

Malgré tout, ils restent droits dans leurs bottes. Il n’y a pratiquement pas d’algarade en dépit de la cohue interminable avec 5 millions de voitures sur les routes. Manifestement, ici, « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres« , pour citer l’auteur.

Les ponts et les échangeurs superposés à n’en plus finir, les deux périphériques contribuent quelque peu à désembouteiller la circulation, un enchevêtrement de véhicules, de motos et de vélos (de plus en plus rares il est vrai). Les axes routiers sont pris d’assaut par des millions d’usagers qui ont hâte d’aller à leurs affaires ou de regagner leurs pénates après des moments de labeur. D’autres s’alignent sur les quais de gares ou de métros.

Les avenues, boulevards, rues et ruelles sont tenus dans un état de propreté quasi-biblique grâce notamment à un ballet incessant de véhicules-balais. Il ne viendrait à l’esprit de personne de laisser traîner ne serait-ce qu’un bout de papier. Des réceptacles pour ce faire s’offrent aux usagers comme sur un claquement de doigts.

Nous sommes à Beijing. La capitale chinoise. L’agglomération compte 20 millions d’habitants, soit plus de la population malienne, qui est estimée à environ 15 millions d’âmes. On l’imaginait capitale des engins à deux-roues, pourtant la ville continue de faire sa mue depuis plus de trois décennies. L’automobile, en tant que moyen de locomotion, y est de plus en plus sollicitée.

Ayant eu la chance d’être parmi les 25 invités au séminaire bilatéral de trois semaines (12 octobre-4 novembre) placé sous l’égide du Bureau de l’information du Conseil d’Etat de la République populaire de Chine, je dois dire que le déplacement a été, pour moi, riche en enseignements.

La Chine en impose aujourd’hui et vaut le détour pour être mieux connue des pays en développement. Pour se libérer du joug de la misère et de la pauvreté, ceux-ci peuvent tout au moins s’inspirer du modèle du pays de l’empire du Milieu.

La recette chinoise est simple : la discipline alliée à l’amour de la patrie, du travail bien fait et la modestie l’ont propulsée loin devant. Le Chinois travaille. Il travaille inlassablement pour le renouveau de sa nation, la prospérité de son pays et le bonheur de ses concitoyens (c’est l’essence du rêve), tout en se gardant de franchir les barrières placées pour se maintenir sur les rails. Il en est du reste ainsi depuis la révolution sous la conduite de Mao Zedong en octobre 1949.

Dès que j’ai arrêté de m’étonner de l’immensité des immeubles aux designs riches et variés pour ne pas dire fantaisistes, qui prouve par ailleurs le génie créateur des architectes et techniciens chinois, j’ai aussitôt perçu un autre signe qui indique le niveau de développement du pays : la publicité dans tous les sens.

Aucun espace n’est épargné pour vanter tel ou tel produit. Nous sommes dans la société de consommation. Les panneaux publicitaires, les devantures des immeubles, l’intérieur des ascenseurs et des véhicules de transports en commun… tout est bon pour inciter à l’achat de produits en tout genre.

« Quand le bâtiment va, tout va« , a-t-on coutume de dire. Sur ce plan, la Chine semble bien lotie présentement. L’immobilier dame le pion à tous les autres secteurs en termes de publicité. Partout, prolifèrent des agences immobilières qui proposent des maisons de standings pour plusieurs catégories de citoyens.

L’industrie automobile n’est pas en reste. On dirait que toutes les marques mondiales se sont fixé rendez-vous à Beijing. Mercedes, Peugeot, Citroën, Toyota, Hyundai, Cadillac, Renault, Range Rover, Nissan… et j’en oublie… côtoient dans une concurrence impitoyable les Mc Laren, Lamborghini, Porsche, Ferrari, Mini de Rover, Buick, Ford, Volkswagen et autres labels qu’on ne pensait voir que sur les autoroutes occidentales. Les concessionnaires ont pignon sur rue.

Car, comme pour adouber la globalisation, des milliers et des milliers de jeunes Pékinois ou Pékinoises, ce que les Anglais appellent les teen-agers, s’affichent de plus en plus au volant des grosses cylindrées, déclinées sous toutes les coutures, ce qui est assurément le signe extérieur d’une certaine réussite sociale.

Quid des montres et autres produits de luxe ? On trouve à Beijing et dans les grandes villes chinoises comme Shanghai et Guangzhou (ancienne ville de Canton) de grands noms de la haute couture, de l’horlogerie, de la joaillerie et de la parfumerie mondiales comme Omega, Jaeger, Hermès, Yves-Saint Laurent, Paco Rabanne, Festina, Baume&Mercier, Rolex, Breitling, Casio, Tudor, Cartier, Tissot, Christian Lacroix… la liste là aussi n’est pas exhaustive. Des milliers de touristes profitent de l’occasion pour y faire leurs emplettes.

En Chine, les nouvelles technologies de l’information et de la communication n’ont pas aussi dit leur dernier mot étant donné que les générations succèdent aux générations à un rythme fulgurant. 1,2 milliard de Chinois possèdent le téléphone portable.

Trente-cinq ans de croissance

Pour les Chinois, qui restent attachés à leur société traditionnelle, qui accordent une place centrale au droit d’aînesse, la famille nucléaire – avec une maison, un revenu stable, une voiture et du shoping – reste un objectif.

Cette quête d’accomplissement personnel a été accentuée par la grande ouverture enclenchée en 1978 par le dirigeant Deng Xiaoping, alors secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), instance suprême en Chine. Sous la direction du PCC, ses successeurs comme Jian Zeming, Hu Jintao et Xi Jinping (le nouveau patron du parti et de l’Etat) ont maintenu le flambeau allumé qui vaut à la Chine le respect et la considération de la communauté internationale.

Tout en restant communiste au plan politique, le pays a instauré petit à petit une économie de marché à la place de l’économie planifiée. Le PCC, à travers ses démembrements et le gouvernement central, délègue certains de ses pouvoirs aux entreprises tout en restant vigilant sur les bonnes pratiques. En cas de défaillance, le glaive de la sanction tombe tel un couperet. « Il n’y a pas de sanction au rabais en Chine. On est sévèrement puni pour que d’autres comprennent qu’il y a des bornes à ne pas franchir », assure une source diplomatique.

Sun Qiming, professeur à l’Université des postes et télécommunications de Beijing, explique la brillante évolution des conditions de vie des Chinois par la place de 2e économie qu’occupe leur pays après les Etats-Unis.

En 2013, le produit intérieur brut (PIB) chinois a atteint 8000 milliards de dollars américains contre 16 000 milliards de dollars américains pour les USA. De 1978 à 2013, la croissance annuelle moyenne a été de 9,6 %, ajoute-t-il. Il note surtout que la Chine a réussi à nourrir 22 % de la population mondiale avec seulement 7 % des terres arables.

Cependant, si Beijing, Shanghai et Guangzhou… n’ont rien à envier à l’Occident en termes d’infrastructures, M. Qiming estime que la Chine reste globalement un pays en développement comme le Mali, en raison de la faiblesse du PIB par habitant (7000 dollars américains, 86e rang mondial) et des disparités entre les régions, particulièrement entre l’Est et l’Ouest. Cette dernière partie de la Chine, faut-il le souligner, est confrontée à des difficultés dues au manque d’eau et de terres cultivables.

Si l’économie chinoise se porte visiblement bien, elle n’est pas à l’abri des soubresauts mondiaux qui ont des répercussions sur elle, aux dires de notre interlocuteur. Au plan intérieur, la Chine a connu des périodes de récession et d’inflation liées aux événements politiques et sociaux comme la Révolution culturelle (1966-1976) et les manifestations de la place Tiananmen en 1989 qui ont ralenti ses progrès.

« Avant 2005, il n’y avait pas de réserve de devises étrangères ou très peu. A partir de 2008, elle a augmenté rapidement pour atteindre les 3000 milliards de dollars US en 2011. Avoir une telle réserve est un couteau à double tranchants. S’il vaut mieux avoir de l’argent que de ne pas en avoir, les risques d’inflation sont réels parce qu’une forte croissance entraîne une masse monétaire qui peut aboutir à l’inflation. Si on prend des mesures pour la contenir, on ralentit la croissance », explique l’économiste.

Il ajoute qu’il y a un risque aussi dans le domaine financier avec le dollar américain au cours flottant qui peut avoir des retombées négatives sur la réserve chinoise. Il dénonce surtout la détérioration des termes de l’échange dans le commerce entre la Chine et les Etats-Unis.

« C’est en produisant un milliard de chemises qu’on achète un Boeing américain. Pour produire ces chemises en pur coton, on a fait des usines même là où il n’y a pas d’eau. On a dû utiliser des pesticides qui ont pollué le sol. On a dû faire venir des ouvriers qui ont un revenu très faible ». Pour M. Qiming, les relations commerciales entre la Chine et les USA sont très inéquitables. « Il faut arrêter l’exportation des produits à faible valeur ajoutée et exporter de la haute technologie, ce qui va prendre du temps », propose l’universitaire.

Et de regretter que chaque fois que la Chine, premier importateur de pétrole, veut acheter du brut, des esprits malins montent artificiellement le cours. Il est arrivé, ajoute-t-il, que le prix du baril soit porté de 40 à 140 dollars américains en un temps record, juste pour malmener l’économie chinoise qui voulait des produits pétroliers.

Il estime qu’il y a lieu de promouvoir les énergies nouvelles, les nouvelles technologies et la protection de l’environnement pour juguler les effets de cette OPA américaine sur l’économie chinoise. Il propose l’achat de ressources naturelles (mines, acier, pétrole, gaz), la promotion de l’investissement extérieur, etc. L’économiste décrit la Chine comme un pays en développement en dessous des pays à revenu intermédiaire. Notons cependant qu’il y a des Chinois qui sont milliardaires en dollars américains.

Un melting-pot

Avec une population estimée à 1,3 milliard d’habitants dans sa partie continentale (1,4 milliard si l’on tient compte de Macao, Hong Kong, le Tibet et la Mongolie intérieure), la Chine est le pays le plus peuplé du monde selon les données du 6e recensement en 2011.

Elle représente 22 % de la population mondiale, signale Huang You Yi, vice-président de l’administration de la publication et de la distribution des langues étrangères. C’est le 3e territoire le plus grand après la Russie et le Canada. La Chine, c’est 9,6 millions de km2, 18 000 km de littoral, 650 villes (chacune d’elles compte entre 20 millions et 200 000 habitants) et 16 pays voisins… 700 millions de Chinois vivent en ville.

Près de 200 millions de Chinois ont 60 ans et plus, mais la politique de planification familiale ne s’applique pas aux groupes minoritaires. Aussi un couple qui a un premier enfant femelle, peut-il décider d’avoir un garçon étant donné que l’homme reste l’héritier principal dans la culture chinoise. Trente millions de ressortissants chinois vivent à l’étranger.

Selon M. Yi, il existe 56 ethnies, dont 10 adhèrent à la religion musulmane et une grande diversité linguistique. « A chaque échelon de l’administration, les ethnies doivent être représentées. 2000 délégués issus de ces ethnies sont des élus parlementaires ». Et de féliciter cette démocratie consultative qui vaut son pesant d’or pour son pays.

Les autres religions ont pour noms : le bouddhisme (introduit au IVe siècle), le taoïsme, le christianisme (introduit par Marco Polo, le missionnaire le plus connu en Chine au XIVe siècle). Le confucianisme n’est pas à proprement parler une religion (il n’y a pas de lieu de culte), mais une philosophie. L’Ouest de la Chine, c’est-à-dire la zone la moins favorisée, compte le plus grand nombre de musulmans.

Les réformes en cours visent de meilleures conditions de vie (habitat, éducation, santé et loisirs, eau potable…) pour les ruraux. Des logements sociaux sont construits avec de nombreuses commodités. Pour un développement humain durable, la Chine veut réaliser un taux d’urbanisation de 51,5 % en 2015.

Le taux d’analphabétisme est de 4 % (2010). L’enseignement est obligatoire et gratuite jusqu’à la neuvième année. La Chine, c’est l’une des plus vieilles civilisations au monde. L’écriture (les idéogrammes ou la calligraphie) a 4000 ans d’âge. Avant l’invention de l’imprimerie, les caractères ont été écrits sur les os d’animaux.

Pour réduire les inégalités entre l’Est et l’Ouest où des gens gagnent un dollar américain par jour, il est instauré, sous la directive du PCC, un système de jumelage entre régions développées et régions sous-développées pour aider les secondes à s’affranchir de la pauvreté. Les groupes industriels sont invités à investir dans un secteur donné et des délocalisations d’usines d’Est en Ouest sont encouragées.

Contre la lutte contre la pollution, le gouvernement a dû fermer les usines de sidérurgie qui sont très polluantes et a préconisé la protection des montagnes verdoyantes et des eaux pures. Le 22 octobre, la municipalité de Beijing a pris des mesures anti-pollution. En cas de pollution grave, les productions énergivores seront suspendues.

Il y aura en plus des restrictions dans la circulation des voitures, 30 % des véhicules de l’Etat seront stationnées. L’objectif est de réduire de 25 % la pollution à Beijing et de promouvoir un ciel plus bleue et de l’air frais dans la capitale qui étouffe à cause des voitures, de la production de 200 millions de tonnes d’acier, autant en ciment et de la présence de centrales thermiques dans les provinces environnantes.

Aux bons soins de la jeunesse

S’il n’existe pas de ministère de la Jeunesse et des Sports en tant que tel en Chine, la jeunesse chinoise reste au centre de toutes les attentions.

Il existe deux grandes organisations de la jeunesse en Chine. Il s’agit de la Fédération des jeunes de la Chine, fondée en mars 1949, mais surtout de la Ligue de la jeunesse communiste, créée en mai 1922.

Sous la bannière de la LJC, les jeunes sont unis, éduqués pour porter haut l’étendard du PCC. Ils sont encouragés à étudier les théories du marxisme-léninisme et la pensée de Deng Xiaoping. Ils doivent apprendre les sciences, les technologies et les connaissances liées au droit pour consolider la stabilité et contribuer au développement économique du pays.

Xi Jie Ying, directeur du Centre d’études du développement des jeunes et adolescents en Chine, chiffre les jeunes Chinois qui ont entre 14 et 28 ans à 320 millions d’individus. « Ils sont plus pratiques, dotés d’un esprit d’entreprise et de progrès. Ils aspirent à la haute qualification et à un statut social élevé. Ils ont beaucoup d’informations à travers l’Internet. Ils croient en leurs possibilités et sont attachés à la démocratie et à la préservation de leurs droits« , poursuit-il.

Trois tâches s’imposent à eux. Il s’agit de la scolarisation, de l’emploi et de la famille. En Chine, les aînés sont précieux comme dans la société malienne. Tout commence par eux. Le même culte est voué à l’enseignant et au patron auxquels on doit respect et obéissance. Même si la Chine dépend de cette génération, celle-ci se doit de garder cet héritage millénaire intact.

L’espoir est d’autant plus permis que les jeunes sont pleins d’espoirs dans leurs études. Ils se proposent pour le bénévolat et contribuent au développement économique et social en s’investissant physiquement lors des événements comme les Jeux olympiques 2008 et des catastrophes naturelles pour apporter aide et assistance aux victimes.

Comme on le voit, la Chine s’est éveillée. Et plus rien ne l’arrêtera.

A suivre…

A. M. Thiam

(depuis Beijing)

Le Net s’impose

S’il y a un pays qui a domestiqué les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour son développement exclusif, c’est bien la Chine. Toutes les applications (Facebook, Twitter…) ont leurs pendants locaux comme Webo et We chat et de nombreux microblogs. Mais elles sont surveillées comme du lait sur le feu.

L’Internet a vu le jour en Chine le 20 avril 1994. Le taux d’accès est de 41,1 % à ce jour. Il existe plus de 2,9 millions de sites enregistrés. Le nombre d’internautes s’établissait en juin 2012 à 591 millions de personnes. Le Net connaît depuis un développement incontestable aussi bien dans les villes que dans les provinces avec un service Wifi très développé. L’ambition des dirigeants, c’est de connecter toutes les familles à au moins 4 mégabits, à plus ou moins brève échéance.

En Chine, il s’agit d’utiliser l’Internet à bon escient. Il faut éviter les messages de violence, la pornographie, l’escroquerie, le piratage commercial, et les comportements qui portent atteinte à la sécurité nationale, etc. Il n’y a pas de liberté totale, assure Min Dahong, chercheur à l’Académie des sciences sociales en Chine, qui se rappelle que l’Internet joue un grand rôle dans la dénonciation, par exemple, de la corruption et exerce une influence positive sur le mode production, d’études, de politique et même au plan militaire.

« C’est une industrie très importante pour le développement des technologies industrielles en Chine. Les transactions sont plus faciles, il y a un meilleur accès à l’information, le gouvernement est orienté au service du peuple ».

27 Octobre 2013