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Ces « panthères » ne traitent qu’avec des hauts cadres de tous bords soigneusement répertoriésCette ville, Bamako, était vraiment propre, au plan de l’assainissement urbain comme au plan moral. Les citoyens tenaient à leur bonne réputation. Tout le monde avait peur du « qu’en dira-t-on ». Hélas ! Ce beau soleil a été terni par les gros nuages noirs des turpitudes contractées à travers des moyens de communication de masse.

Les chefs de famille, les mères se demandent pourquoi nous ingurgitons les feuilletons télévisés mexicains, brésiliens, des films français, américains et autres sans aucun rapport avec notre fond culturel. Actuellement un phénomène nouveau et inquiétant se développe dans les milieux des jeunes. Il concerne les étudiantes qui ne sortent pas avec « n’importe qui ». Ces filles ont des fréquentations bien ciblées. Elles ne sortent qu’avec des grands cadres, les VIP. Ces nouvelles panthères sont très solidaires.

jpg_vip.jpg Elles ont créé une sorte de réseau. La belle étudiante Adijatou est membre d’un cercle de jeunes élégantes branchées. Elle sort aujourd’hui au bras d’un grand cadre d’une entreprise de la place. Une amie lui a présenté cet homme séduisant abonné aux endroits sélects de « Bamako by night ». Il est intéressant de noter un fait. L’amie Astou a favorisé la rencontre d’Adijatou et de son amoureux de cadre. Mais Astou est l’élue du cœur d’un autre cadre supérieur lié à l’amant d’Adijatou. » Astou sort avec l’ami de mon homme » reconnait-elle.

Les deux couples passent souvent une bonne partie de la soirée ensemble. Les deux filles savent ce qu’elles veulent. Elles conjuguent bien leurs intérêts par dessus les têtes de leurs amants. Les nuances de la ruse féminine sont infinies.

Métamorphose.

Pourtant il y a quelque temps, la jeune universitaire menait une vie ordinaire. Elle fréquentait peu les lieux de loisir. Aujourd’hui Adijatou passe presque la nuit dehors. Elle boit, elle fume. Comment a t-elle pu se métamorphoser à ce point ?

Adijatou raconte son histoire. « Je sortais avec un étudiant. Ma copine Astou a jugé que ce scolaire n’avait pas les moyens d’entretenir la beauté que je suis. Elle m’a présenté quelqu’un de très important qui va changer ma vie » explique notre interlocutrice.

Par la suite Astou conseille à Adijatou de ne pas se consacrer à un seul amant.  » Il existe des hommes plus puissants que ton amoureux dans l’administration et dans le milieux des affaires » a expliqué Astou. Et pour vaincre ma résistance Astou m’a murmuré : « je ne te cache rien. Tu viens d’intégrer un réseau qui va t’ouvrir le chemin du bonheur ».

Quelque mois plus tard Astou l’a mis en contact avec un groupe d’experts étrangers venus à Bamako pour participer à un grand séminaire. Les dés étaient jetés.

La dolce vita a pris totalement possession du corps et de l’âme de l’étudiante Adja. Elle roule présentement dans une voiture de luxe. Elle assure qu’elle gagne bien sa vie. «  Je n’ai pas de problème. Mon carnet d’adresses est bien garni. J’ouvre plusieurs portes dans notre haute administration. Mes contacts à l’étranger m’envoient régulièrement de l’argent” dit-elle souriante.

Cependant Adja ne songe pas pour l’instant au mariage. Elle estime qu’elle n’a toujours pas rencontré“ l’homme idéal ». Elle est sans complexe par rapport à son statut de célibataire. Elle l’assume : « comme vous voyez, je suis arrivée à un stade où n’importe qui ne peut pas m’avoir comme épouse. Il faut que le compte bancaire de mon futur mari soit bien alimenté pour continuer à vivre dans le luxe. Sinon, je ne resterai pas fidèle longtemps », explique t-elle.

Combien sont-elles dans le cas d’Adja ? Il se dit que les réseaux des filles chasseuses d’hommes fortunés se développent à Bamako. Le réseau a séduit également Ina une élégante au teint clair naturel. Elle est étudiante à la FSJP. Elle est habillée au moment de notre entretien en jean taille basse assorti d’un haut décolleté.

Ce vêtement lui laisse voir un tatouage au niveau de son sein. Comme notre première interlocutrice Ina ne sort pas avec « n’importe qui ». Grâce à ces contacts Ina voyage partout dans le monde. Elle nous révèle qu’elle meuble les temps libres de plusieurs cadres dans notre pays.  » Vous allez vous demander comment ?

C’est tellement facile. Nous sommes cinq filles à évoluer ensemble. Par exemple si je sors avec le directeur d’un tel service ce dernier pour me garder doit obligatoirement brancher mes copines. Les autres aussi font pareille » martèle t-elle.

Pourquoi ces filles ont-elles choisi ce mode de vie, la prostitution haut de gamme ? Notre interlocutrice répond qu’elle a fui la pauvreté. Elle reste convaincue que tant qu’elle reste célibataire, son carnet d’adresses rempli la mettra à l’abri des besoins. « Je vais tout vous dire. Ces hommes nous utilisent. Jamais ils ne vont nous épouser. Je suis en train de construire une maison avec leur argent. J’ai ouvert un compte qu’ils alimentent à la fin du mois », confesse Ina souriante.

Cependant contrairement à Adja, Ina, une étudiante, veut se marier et avoir des enfants. Le carnet d’adresses de Awa est particulier. Elle prend ses contacts en fonction de ses besoins.

Awa est liée à des grands stylistes nationaux et internationaux. Dans son carnet figurent des financiers, des grands bijoutiers, des opérateurs économiques. Cet éventail d’amants lui permet de ne pas dépenser. Depuis quelques années elle n’achète plus rien.

Tout lui est servi sur un plateau d’argent. Elle avoue sans états d’âme :  » quand j’ai besoin du « Bazin », il me suffit d’appeler et ainsi de suite. Chaque adresse sert à satisfaire un besoin.

Je m’habille bien et cher. Les gens sont souvent étonnés de me voir toujours bien habillée. Ils se demandent d’où sort cette richesse et je ne travaille pas. Ils se trompent lourdement.

Aujourd’hui dans ce pays mieux vaut avoir un carnet d’adresses bien garni que travailler. Si un jour je décide de travailler j’aurai un emploi à la seconde près » lance-t-elle comme un défi.

Au sortir de ces entretiens je suis restée perplexe. Aucune de ces vamps n’a évoqué sa peur d’attraper ou de refiler le VIH- sida à son partenaire. La vie est belle quand on est vivant dit le sage. Il est certain qu’Astou, Adijatou, Ina, Awa payeront un jour cash le prix fort pour leur vie d’insouciance et de luxure.

Mariam A Traoré

L’Essor du 12 Février 2010.