Tombouctou, la ville malienne classée cette année par l’Isesco, Capitale mondiale de l’Islam, et depuis 1988, Patrimoine mondial par l’UNESCO, est sans doute une ville universelle dont la réputation ne date pas d’aujourd’hui. Le Chroniqueur Abderhaman Sâdi, auteur du Tarikh es-Soudan, s’exprimait ainsi vers 1630 : “Ville exquise, pure, délicieuse, illustre, cité bénie, plantureuse et animée…”. Près de quatre siècles sont passés
: Avril 2006, “ Tombouctou, la mystérieuse ” (selon la formule lancée en
1896 par le Français Félix Dubois), continue de fasciner le monde.
Cette ville africaine du Mali frappe l’imagination aussi bien en Afrique, en Europe qu’aux Etats-Unis. Dans ce dernier pays, des clubs rassemblent les fidèles de Tombouctou, avec comme seule condition d’adhésion, un cachet administratif apposé sur le passeport, attestant d’un passage dans la cité des 333 saints. Le Centre Ahmed Baba et les manuscrits anciens de Tombouctou ont permis d’inscrire l’antiquité de la mystérieuse dans la modernité… dans l’actualité. Pour l’inscrire dans l’événement, le Guide de la révolution libyenne du Fateh, s’est emparé de la citée, le temps d’un Maouloud.
La célébration de la naissance du Prophète Mohamed (S.A.W.) est un événement religieux éminemment islamique. La reconnaissance d’un Dieu unique et Mohamed comme prophète de Dieu est un des cinq piliers de l’islam. Les quatre autres sont : la prière, le jeûne, la Zakkat et le pèlerinage à la Mecque.
Mohammar El Khaddafi ne pouvait trouver meilleure porte d’entrée à Tombouctou que celle ouverte à toute la Oumma islamique, celle de la célébration de Dieu à travers son vénéré prophète Mohamed (SAW). Cette entrée spirituelle qui garantit plus de longévité qu’une troupe armée est certainement le fil d’Ariane qui permettra au Guide de la Révolution libyenne de tisser et de maintenir des relations de camaraderie religieuse à Tombouctou ou au Mali tout court. Pays laïc, le Mali a une population musulmane à plus de 80 %. Sur la route de Tombouctou, le Chef de l’Etat libyen en compagnie de son homologue malien, a posé la première pierre de la grande mosquée de Ségou qu’il finance à hauteur de 900 millions de Fcfa. Les deux Chefs d’Etat sont partis de Bamako le 8 avril 06 et ont fait escale dans la cité des Balazans, Ségou à 220 Km de la capitale du Mali, avant de continuer sur Sévaré (Mopti) à 600 Km, où un bivouac a été observé pour une nuit. Le Guide et son homologue ont fait leur entrée dans la citée mystérieuse le 9 Avril où il a été remis au premier symboliquement, la clé de la ville. En célébrant Maouloud à Tombouctou, bastion des manuscrits anciens, où interviennent simultanément Américains et Sud africains, Khaddafi a les moyens de s’allier durablement la confiance des Ulémas du Mali et du monde. L’événement arrive quelques mois après la publication par la presse occidentale des images caricaturales du prophète vénéré de l’islam, provoquant une désapprobation générale et unanime du monde islamique. Apporter la riposte avec énergie à ce qui est compris comme une provocation plutôt qu’une manifestation de la liberté d’expression, tel était-il- l’objectif recherché par le Guide de la Jamahirya libyenne, Chef suprême de l’organisation mondiale de la Oumma islamique ? La riposte a-t-elle été suffisamment proportionnelle ?
La Bible, selon Khadafi
Le terrain ne pouvait lui être plus favorable, plus approprié pour essayer d’apporter une riposte : défendre la cause du Prophète, celle de toute une religion. Le temps d’une grande prière collective du Maghreb le 10 Avril suivie d’une prêche a suffit au Guide révolutionnaire pour provoquer le choc : frotter les prophètes Mohamed (PSL) et Jésus Christ (
PSL) ; les livres sacrés : le Coran et la Bible. Cela était sans doute prévu et prévisible. Venant du Guide Mohammar El Khaddafi, le contraire aurait surpris plutôt et passerait pour une mue à l’envers du Colonel libyen que l’on connaît pour son sens à ne pas abandonner les défis.
Khaddafi devait rompre le silence autour de l’incontournable question :
les caricatures diffamatoires du prophète.
Le choc de cette confrontation religieuse à travers la riposte apportée par le Guide du Fateh a été certainement ressenti à l’échelle du monde qui en est encore à bien digérer le menu véhément servi à Tombouctou.
Près de 100 mille pèlerins s’étaient rendus à Tombouctou pour la célébration de ce Maouloud spécial. Parmi eux, on notait la présence des Chefs d’Etats nigérien, mauritanien, sénégalais et sierra Léonais, le leader islamique noir américain Louis Farakan, etc. Convives au stade municipal de Tombouctou (où ont eu lieu les prières collectives) et religieux du monde entier se le garderont-il pour mémoire collective :
qui s’attaque au fondement ou à une question essentielle de l’islam trouvera devant lui un interlocuteur pour apporter la riposte proportionnelle à la dimension de l’agression. Selon le Guide de la révolution du Fateh :
“ Aujourd’hui ce lundi, 12 de ce mois lunaire, le prophète Mohamed , le dernier des prophètes est né…
Les gens pensent que le prophète Mohamed (PSL) est uniquement le prophète des arabes ou le prophète des musulmans. C’est une erreur, Mohamed est le prophète universel, c’est à dire qu’il vient pour tout le monde…
Si on prend à la lettre leur vision et leur liberté d’expression, si on dessine le prophète Mohamed (PSL) avec des femmes voilées d’une part, on peut dessiner d’autre part Jésus (PSL) avec des femmes nues ou quasi nues…S’il y a vraiment une liberté d’expression, elle devrait peindre Jésus (PSL) avec des femmes complètement nues parce que l’occident est l’adepte de la nudité. En Scandinavie par exemple, les femmes sont quasiment nues….
Ce que je voudrai vous dire de toute manière, c’est que la méthodologie chez l’occident est une méthodologie qui incite à la haine. Et c’est une méthodologie corrompue, basée sur l’erreur…
Ce qu’on appelle l’ancien testament et le nouveau testament…il y a dans ces livres des choses qui ne sont dignes ni de Moïse ni de Jésus. Si nous voulons rectifier le tir et corriger la situation humaine et vraiment dominer de façon humaine le village universel, nous devons chercher la véritable Bible. Parce que la Bible a été falsifiée. La Bible d’aujourd’hui ne contient aucune mention du prophète Mohamed, alors que notre Coran dit que la Bible avait mentionné le Prophète Mohamed…”
Cette riposte du leader de la Oumma islamique, trois mois après les publications incriminées va t-elle relancer les débats sur les caricatures du prophète Mohamed ? Que veut Khaddafi ? En tout cas les questions religieuses sont des sujets très sensibles capables d’embraser le monde.
Est-ce la raison pour laquelle l’Ortm a finalement décidé de sevrer les téléspectateurs qui suivaient en direct l’événement de Tombouctou ? Ainsi l’essentiel du discours de leader libyen a été censuré par l’Ortm, alors que les journalistes et autres commentateurs étaient toujours en direct.
Quelle bourde !
Boukary Daou
12 avril 2006