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Présidée par Yaya Togola, l’audience du mercredi 22 juin de la Cour d’assises de Bamako en transport dans la capitale du Kénédougou, avait à son rôle la fameuse affaire du braquage de l’agence de la BCEAO de Bouaké.

Une affaire qui s’est passée, faut-il le rappeler, le 30 septembre 2003 et qui constitue le plus mauvais souvenir pour les pays membres de cette institution financière.

Dans cette affaire, quatre accusés devaient comparaître à savoir Daouda Koné, Adama Koné, Modibo Diawara et Sidy Diakité, mais, ce sont seulement les deux premiers qui ont répondu à l’appel du président de la Cour.

L’accusé principal présent à la barre était Daouda Koné, un ex-rebelle du MPCI, une branche armée de la rébellion ivoirienne.

Il a comparu avec son oncle Adama Koné, un ex-capitaine de l’armée de terre radié, accusé lui aussi de complicité pour avoir soutenu et assisté son neveu dans sa tentative de consommation des sous, c’est-à-dire, des billets perforés soutirés à l’agence de la BCEAO de Bouaké après l’attaque de celle-ci.

Après un long et houleux débat, les deux accusés présents à la barre ont été reconnus coupables des faits qui leur sont reprochés et ont écopé chacun de cinq ans d’emprisonnement ferme et 250 000 FCFA de dommages et intérêts.

En outre, la Cour a ordonné la restitution des billets perforés à la BCEAO. Quant aux deux autres accusés Modibo Diawara et Sidy Diakité qui n’ont pas comparu, la Cour les a jugés par contumace et leur a infligé la peine capitale.

Les faits reprochés aux accusés remontent au 30 septembre 2003, lorsque l’agence de la BCEAO de Bouaké en Côte d’Ivoire avait fait l’objet d’une attaque à main armée par des troupes de la rébellion ivoirienne.

Au cours de ces évènements, furent frauduleusement soustraits de la banque par les assaillants une somme estimée à 20 milliards de FCFA.

Ainsi, une enquête fut ouverte aussitôt par la BCEAO avec la collaboration des autorités compétentes des pays membres de l’UEMOA afin d’appréhender tout individu trouvé en possession de tout ou partie des billets volés.

Pendant que la vigilance était de mise au Mali, surtout après la découverte à Sikasso d’un certain nombre de billets en question, Daouda Koné déserteur de son état des troupes de la rébellion ivoirienne est venu remettre à son oncle Adama KOné la somme de 3 500 000 FCFA en coupures de billets de 10 000 FCFA portant des perforations en quatre endroits, aux fins d’acheter un mini car Sotrama devant lui permettre de réussir sa reconversion dans la vie civile au Mali.

Craignant que les billets ne soient acceptés en l’état de leur présentation, Adama voulait d’abord les échanger contre des billets courants. Pour ce faire, il eut recours à son ami Sidy Diakité qui promit de lui donner entièrement satisfaction.

Mais après avoir reçu les 3 500 000 FCFA, en vue de l’opération de change, Sidy se faisait trop attendre par la suite au point qu’il fut soupçonné de tentative de détournement.

Ainsi, Daouda alla en référer à la brigade territoriale de la gendarmerie de Faladié. Coup de théâtre, à la gendarmerie, les choses tournèrent autrement au regard de la qualité de l’argent et de sa provenance.

Interpellé, Daouda n’a fait aucune peine à reconnaître le caractère criminel qui caractérisait les circonstances dans lesquelles il s’est approprié des 3 500 000 FCFA à savoir l’assaut perpétré contre l’agence BCEAO de Bouaké.

De même Adama et Sidy reconnaîtront tant aux premières enquêtes que devant le magistrat instructeur la détention de billets frauduleusement acquises par Daouda, tout en cherchant cependant à minimiser leur responsabilité, soutenant qu’ils ignoraient l’illégalité de l’usage de billets perforés.

Et pourtant, l’enquête avait établi qu’il s’agissait d’un réseau bien organisé car selon certaines confidences, Sidy Diakité a envoyé Modibo Diawara dont il a parrainé le mariage, remettre à une certaine Mamou dit Mako, une femme d’affaire de nationalité guinéenne, la somme de 500 000 FCFA tirée de l’argent frauduleux que cette dernière devait échanger en Guinée.

A la barre, Daouda a nié sa participation à l’attaque de la banque. Il a seulement soutenu avoir ramassé les sous en question au bord d’un caniveau. Une histoire certes cousue de fil blanc que la Cour, la partie civile assurée par le jeune avocat Me Souleymane Coulibaly et le ministère public sur le banc duquel se trouvait le procureur de Sikasso Idrissa Henrizo Maïga n’a pas avalée.

Quant à Adama Koné, l’oncle de Daouda, il s’est embourbé dans la dénégation totale jusqu’à nier l’évidence. « Je n’ai pas vu les sous en question à plus forte raison assister à l’opération. Je suis intervenu dans l’affaire quand elle était déjà au niveau de la gendarmerie » a-t-il affirmé sans convaincre.

Dans sa plaidoirie, l’avocat de la BCEAO, Me Souleymane Coulibaly a souligné que les faits ne souffrent aucune ambiguïté. « Daouda faisait partie du mouvement des rebelles qui ont attaqué l’agence de la BCEAO de Bouaké.

Quand il a été en possession des sous, il a fui la Côte d’Ivoire pour le Mali en passant par Sikasso afin de se mettre à l’abri.

Ses déclarations contradictoires ici à la barre témoignent éloquemment son forfait et la complicité de son oncle Adama Koné est bien assise sur des faits qui ressortent dans le dossier.

Par ces motifs, je sollicite qu’il vous plaise, Messieurs et Mesdames de la Cour, de déclarer coupables les deux accusés ici présents devant vous » a-t-il déclaré.

Même son de cloche du côté du parquet général où Idrissa Henrizo Maïga a aussi soutenu dans son réquisitoire que le double langage des accusés et la tendance de Daouda à sauver la tête de son oncle Adama laissent apparaître des charges assez suffisantes contre les intéressés.

« L’intention malveillante de consommer les sous perforés est belle et bien là, ajoutez à cela les faits de vol et de recel » a soutenu le parquetier avant de demander à la Cour d’entrer en condamnation contre les accusés.

Pour la défense représentée par Mes Mohamed Bathily, Adama Sidibé et Abdoulaye Dramé, la culpabilité de leur client n’est assise sur aucune preuve concrète.

« Où est la preuve du vol qualifié ? Le relais entre l’infraction dont Daouda et Adama sont accusés ne tient pas » a souligné Me Bathily qui a par ailleurs demandé à la Cour de disqualifier l’infraction : « la qualification de vol qualifié est trop osée dans cette affaire car il n’existe aucune preuve pour cela. Cependant, puisque notre client a été en possession des billets dont il est question, l’on ne peut parler que de recel. Et dans ce cas, pourquoi en vouloir au pauvre Daouda qui se trouvait dans une situation de belligérance de ramasser des sous« .

Pour les faits de recel dont il reconnaît le bien fondé et pour lequel il plaide coupable, Me Mohamed Bathily n’a pas hésité à demander de très larges circonstances atténuantes.

Mes Adama Sidibé et Abdoulaye Dramé ont tenté de corroborer la thèse de leur confrère Bathily en soutenant également qu’aucune démonstration de l’infraction relative au vol qualifié n’a été faite.

Malheureusement, la défense n’a pu convaincre la Cour et même l’assistance qui ne cessait de faire des récriminations. Ainsi, dans le secret de sa délibération, la Cour a répondu par oui à la question relative à la culpabilité des deux accusés.

Par conséquent, elle leur a infligé la peine de cinq ans de prison ferme et 250 000 FCFA de dommages et intérêts. Elle a également ordonné la restitution des billets perforés à la BCEAO.

Quant aux deux autres accusés Modibo Diawara et Sidy Diakité qui n’ont pas comparu, ils ont été condamnés à mort.

Alassane DIARRA

24 juin 2005