La conférence nationale de l’ADEMA a vécu le week end dernier. Sans grande surprise, les délégués du parti, venus des 55 sections de l’intérieur ont adopté une résolution désignant ATT comme leur candidat à la présidentielle de 2007, au cas où il accepterait de briguer un second mandat. Cependant, l’ADEMA va organiser d’ici à la présidentielle prochaine une conférence d’investiture, au cours de laquelle l’actuel chef de l’Etat sera solennellement investi.
Auparavant, le secrétaire général, Marimanthia Diarra, avait présenté dès l’ouverture de la conférence le rapport d’activités du Comité Exécutif. Il s’articule autour de trois points : l’état d’exécution des résolutions générales du 3 è congrès ordinaire, les élections communales de 2004, les élections générales de 2007. C’est ce dernier point qui a pris une large part dans les débats.
Le premier vice-président, Soumeylou Boubèye, Maiga que beaucoup ont été surpris de voir au présidium tant sa position diverge avec la grande majorité du parti a tenu à se faire entendre par les délégués de l’ADEMA.
Durant une longue heure, il s’est exprimé avec éloquence afin de les convaincre que le choix d’ATT n’est pas le meilleur pour le peuple ADEMA. Sans passer par quatre chemins, il a soutenu que le président de la République n’est pas militant de l’ADEMA et ne saurait être son candidat en 2007.
Les déclarations de Boubèye ont été accueillies par un silence réprobateur : « L’occasion est bonne parce qu’elle permet de dire notre position qui a été souvent déformée. Je suis parmi ceux qui pensent que notre parti est fondamentalement un parti démocratique. C’est pour cela que nous avons tenu à ce qu’il n’y ait pas de liens mécaniques entre les instances parce que chacune d’elle a ses prérogatives. Dans le parti nous sommes tous des hommes et des femmes libres. On peut avoir des idées différentes sans que cela ne tourne au conflit. Pour ceux qui ne le savent pas, c’est dans cette salle (Centre islamique de Hamdallaye) que nous avons décidé de transformer l’association ADEMA en parti le 26 avril 1991. Pour en revenir au débat actuel, il y a trois arguments mis en avant : si nous décidons de soutenir ATT, cela nous renforcera dans la perspective des législatives parce que les deux scrutins sont liés, nous n’avons pas en notre sein les ressources humaines capables de réaliser le consensus, nous n’avons pas de moyens financiers. L’argument qui consiste à dire qu’en soutenant ATT, nous allons gagner les législatives ne repose sur aucun fait avéré. L’expérience montre que tous les partis qui soutiennent le président n’en tirent aucun bénéfice. Les partis de l’ACC n’ont pas 10% à l’Assemblée nationale et pourtant les législatives se sont tenues deux mois après la présidentielle. Aucun parti de l’ACC n’a obtenu 2% aux communales de 2004. Le Parena qui a franchi cette barre a battu campagne sur la base de son programme. Les électeurs qui ont voté pour nous, nous identifient à un projet, à des faits, à des réalisations, à un bilan. En 2002, nous avons perdu l’élection présidentielle mais nous sommes sortis premier aux législatives avec 52 députés« .
Avant de poursuivre en ces termes : « cela prouve que la valeur fondamentale qui fonde un parti, c’est sa capacité de mobilisation. La multiplicité éventuelle des candidatures dans le parti sont des dispositions du parti. Nous ne sommes pas un parti à pensée unique. Le consensus est une volonté, ce n’est pas une politique. Par l’argument financier, je rappelle qu’en 1992, 48 avant le dépôt des candidatures, on n’avait pas réuni la caution de Alpha. Mais il a gagné. En 2002, Soumaïla a dépensé plus que l’ensemble des candidats mais il a perdu. Si l’on doit soutenir un candidat, c’est sur la base de notre force et celle-ci n’est autre que notre capacité de mobilisation. La position que je défends est celle qui préserve le parti. Dire qu’il faut évaluer nos rapports avec ATT ne veut pas dire qu’on est contre lui. Je connais personnellement ATT et je ne pense pas qu’il y ait dans cette salle quelqu’un qui a des liens plus étroits avec lui que moi. Mais là, on parle du parti et non des rapports personnels ». Il a conclu son propos en déclarant que « la conférence ne peut pas nous lier par une décision fut-elle majoritaire ou unanime si elle n’est pas en conformité avec les textes. Dans le cadre du parti, en respect avec nos statuts, nous continuerons notre combat« .
Même son de cloche chez Idrissa Sidibé, ancien secrétaire général de la commune IV, membre de la commission politique. Selon lui, il est inquiétant de parler de soutien à ATT en 2007, espérant qu’il va nous renvoyer l’ascenseur en 2012.
« Cela veut dire que je n’ai plus confiance en moi-même. Quand j’étais secrétaire général, c’est avec le projet de l’ADEMA que j’avais fait voter en 1992 beaucoup de nos compatriotes. Pendant dix ans, les Maliens nous ont fait confiance sur la base de ce programme. En 2002, on a perdu les élections. Nous ne nous sommes pas donné la peine de faire le bilan et on vient parler de 2007. Ce n’est pas respectueux à l’endroit de nos électeurs » a affirmé Idrissa Sidibé.
Abdramane Ongoïba de Douentza s’est quant à lui montré surpris et étonné : « c’est seulement aujourd’hui qu’on remarque que l’ADEMA n’applique pas ses textes. C’est extraordinaire. Les textes ont toujours été violés. Quand Soumaila a été notre candidat, combien parmi nous ont voté contre lui. Si l’on pense qu’il est acceptable de voter contre son candidat, il faut accepter la nouvelle évolution du parti. La majorité des sections ayant statué pour soutenir ATT, avançons pour l’intérêt du Mali, pour l’intérêt du parti ».
Mamoutou Thiam, ancien de l’UNEEM, membre de la commission de contrôle abonde dans le même sens et réclame un congrès extraordinaire : « la majorité vient de se dégager pour un soutien à ATT. Qu’est ce qui nous empêche de convoquer un congrès pour que cela soit conforme aux textes, pour que l’on soit dans la légalité. Un parti sérieux respecte ses statuts. Ce soutien à ATT est irréversible mais soyons dans la légalité ».
Pour clore les débats, Dioncounda Traoré a expliqué aux uns et aux autres qu’il n’est pas question de violer les textes. Quand on les viole a t-il dit, on le prend dans la figure, un jour ou l’autre.
« Il est seulement question d’interroger le peuple de l’ADEMA sur une question d’actualité. A charge pour la direction du parti de voir la conformité des textes. Le problème qui se pose est de savoir comment reconquérir le pouvoir le plus rapidement possible. Il y en a qui pensent qu’il faut un candidat du parti. D’autres pensent que le chemin le plus court est de faire l’impasse sur 2007. Pour le moment c’est cette dernière tendance qui a la majorité. Cette conférence n’est pas une instance d’investiture. Le moment venu, on va choisir l’homme ou la femme qui sera notre candidat, au cours d’une conférence d’investiture. Nous avons l’ambition que la décision qui sera prise engage tout le monde » a souhaité le président du parti.
Dans les couloirs, nombreux sont les délégués qui reconnaissent que « Boubèye a raison et qu’il défend une cause juste et noble« . Malgré tout, ils disent ne pas être avec lui pour la simple raison que leurs sections ont décidé autrement.
Chahana Takiou
14 novembre 2005.