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Les Echos : La Cour constitutionnelle a proclamé les résultats définitifs de l’élection partielle. Le candidat RPM a perdu face à celui de l’URD. Quels sont aujourd’hui vos sentiments ?

Boubacar Touré :
Je suis respectueux des institutions de la République. Je ne peux qu’entériner la décision de la Cour constitutionnelle. Je rends hommage aux militants du RPM à Mopti et à l’ensemble des démocrates lors de cette élection. Je rends aussi hommage aux candidats qui ont donné un sens à cette élection et aux familles de feu Ali Maïga. Ce n’était pas une élection festive, mais une élection de devoir envers la Constitution, des statuts et règlement intérieur. Pour ne pas faillir à notre mission, nous avons décidé d’aller en compétition face à deux candidats de partis politiques et deux indépendants. Je refuse de succomber aux propos que le RPM veut toujours se poser en victime. Que ceux qui tiennent ces propos se détrompent. Nous ne cesserons jamais de dénoncer les irrégularités. Pendant la campagne, nous sommes allés avec une idée que les élections seront transparentes, justes et saines. Mais la volonté du RPM d’aller à cette élection a été assimilée à un défi, un affront. Il s’agit là d’une insulte au 26 mars, au libre choix, à la Constitution, à la charte des partis, à la liberté d’opinion, aux efforts des grands pionniers de la démocratie depuis l’indépendance à nos jours.

Le ministre Djibril Tangara en a donné la preuve quant il affirme dans L’Indépendant que critiquer le gouvernement est négatif et de là son opposition à tout parti qui critique la gestion du gouvernement. Cela démontre le type de responsable qu’on a pour la continuation de notre démocratie. Sert-il le prince ou se sert-il à côté du prince et pour quel gouvernement ? Est-ce que le chef de troupe ne doit pas chercher à se débarrasser d’un tel lieutenant qui l’expose ? Parce que je demeure convaincu que le chef du 26 mars n’entreprendra rien pour compromettre les acquis du 26 mars. Mais en s’entourant de tels lieutenants, je suis convaincu que les acquis du 26 mars sont menacés. Quelqu’un qui profite de la démocratie ne doit pas souffrir qu’on applique les règles de la démocratie. Je salue cependant son courage d’avoir dit publiquement par voie de presse ce que d’autres pensent tout bas. Ça nous donne une visibilité claire parce que toutes les actions de Mopti étaient camouflées.

Les Echos : Quelles leçons tirez-vous de ces élections ?

B. T. :
Le trafic d’influence, les menaces, les intimidations étaient monnaie courante. Un bulletin RPM dans l’urne était un péché et la consigne a été scrupuleusement suivie dans 10 communes sur 14. S’il n’était pas possible pour nous d’apporter la preuve, j’en appelle cependant à la conscience du peuple. Le candidat URD accompagnait la délégation ministérielle qui pouvait dissocier sa mission de lancement de l’antenne Ikatel à la campagne électorale. Le sous-préfet provoquait des réunions pour intimider des chefs de villages. Des responsables administratifs et techniques ont violé l’article 3 de la Constitution. C’est une expérience pour le devenir de l’ensemble de la classe politique. Ces élections posent plusieurs interrogations : sur l’âme républicaine de notre administration, la capacité d’organisation des partis politiques pendant la campagne et le vote, la capacité de l’ordre des huissiers à couvrir l’ensemble des circonscriptions le jour du vote. Au moment où un parti remporte les élections avec 80 %, ces mêmes mobilisateurs ne parviennent pas à sortir les 8 % qui sont allés retirer leurs cartes en Commune V. Je dédie tous les efforts du RPM aux victimes du 26 mars. Le combat continuera.

Propos recueillis par

Denis Koné

12 avril 2006