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Notre pays est bien concerné par les changements climatiques caractérisés par des manifestations météorologiques à long terme. Du moins tel est l’avis de Boubacar Sidiki Dembélé, directeur adjoint du Secrétariat technique permanent du Cadre institutionnel de gestion des questions environnementales (STP/CGQUE). Interview.


Les Echos : Qu’entendez-vous par changement climatique ?

Boubacar Sidiki Dembélé : Pour définir les changements climatiques, il convient d’aller à certaines considérations météorologiques. Il y a un certain nombre de paramètres climatiques qui rentrent en jeu, principalement l’humidité, la température, le vent. Ce sont des paramètres qui changent à long terme au-delà de trente ans, selon le temps et les conditions. Lorsqu’on remarque à long terme que la pluviométrie a changé, que la température a changé suivant une période assez longue, ou le vent, on peut alors parler de changement climatique. On parle de changement climatique anthropique dû à l’effet de l’homme. Sinon il y a le changement climatique naturel sur lequel nous n’allons pas trop nous étendre ici dans le cadre des changements climatiques.

Les Echos :LeMali est-il réellement concerné par cette situation ?

B. S. D. : Le Mali est concerné comme tous les pays du monde d’ailleurs. Je vais rentrer directement dans les manifestations. A partir de 1970 on a vu la sécheresse s’installer dans le pays de façon récurrente. Il y a eu une diminution de la pluviométrie depuis cette période. La moyenne pluviométrique annuelle a diminué d’un certain pourcentage depuis une soixantaine d’années. Je ne pourrais pas vous donner de chiffres précis, mais la météo pourrait vous le confirmer, la pluviométrie a baissé et les phénomènes climatiques montrent que la température moyenne a augmenté sur l’ensemble du territoire et sur une longue période. Ce sont quelques signes de manifestations qui montrent que notre pays est bien concerné par les changements climatiques.


Les Echos :Le STP/CGQUE dispose-t-il de plan d’action pour y faire face ?

B. S. D. : Pour faire face aux changements climatiques, il y a deux aspects du problème : l’aspect atténuation et l’aspect adaptation. Puisqu’on est un pays en développement, nous allons nous appuyer plus sur l’aspect d’adaptation. Comment s’adapter à cette nouvelle situation ? C’est-à-dire, qu’est-ce qu’il faut faire concrètement pour s’adapter à la baisse de la pluviométrie et à l’augmentation de la température ? Pour le cas du Mali, nous avons fait ce qu’on appelle un Programme national d’adaptation aux effets des changements climatiques appelé « Pana ».

Dans ce programme, il y a au moins 19 idées de projets qui vont des variétés actives aux variétés qui peuvent s’adapter du niveau végétal au niveau animal. D’autres activités rentrent dans ce cadre, notamment la récolte de pluies de ruissellement, le Mali étant signataire de la Convention IV des Nations unies sur les changements climatiques et de son protocole, c’est-à-dire le Protocole de Kyoto, il y a des engagements à respecter à ce niveau. Le deuxième aspect du problème est celui relatif à l’atténuation. Il s’agit de voir comment réduire les gaz à effet de serre considérés comme étant responsables de ces changements climatiques. Les changements sont dus aux activités de l’homme.

Ce sont les activités industrielles, de développement économique qui sont connus à travers le monde notamment dans les pays industrialisés. Les usines se sont développées un peu partout et qui vont émettre des gaz à effet de serre, il y a les véhicules de transport, les avions et même la déforestation et toutes les activités de développement économique qui ont une incidence sur l’environnement. Il s’agit de réduire l’émission de ces gaz. Pour le cas du Mali, nous avons mis en plan le mécanisme pour un développement propre.

C’est un mécanisme du Protocole de Kyoto et il y en a trois : le mécanisme pour un développement propre, la mise en conjointe qui concerne les pays développés et le marché carbone. Au Mali, il a été créé une autorité nationale désignée du mécanisme pour un développement propre. Il s’agit de réaliser des projets qui vont utiliser des technologies propres tout en émettant le moins de gaz à effet de serre possible.


Les Echos :Votre service a mis en place un programme de sensibilisation et de communication en coopération avec la coopération danoise. Qu’est-ce que le projet vise concrètement ?

B. S. D. : L’un des articles de la Convention IV des Nations unies est focalisé sur la sensibilisation, formation et information du public. Comme vous l’avez si bien dit, nous avons un programme de renforcement des capacités des décideurs politiques, des services techniques et des acteurs locaux pour une meilleure prise en compte des changements climatiques dans leurs activités et besoins.

Ce programme va viser un certain nombre d’aspects. Informer sur la convention en tant que telle, sensibiliser sur ses enjeux, dire qu’est-ce que nous pouvons tirer comme intérêt de cette convention, que faire pour nous adapter à la nouvelle donne…

Toutes ces informations, nous allons les porter au niveau des décideurs politiques, des acteurs locaux et des services techniques. Cela passe aussi par des activités de communication. Nous allons faire des sketches, des documentaires et d’autres outils de communication pour que les gens prennent conscience du phénomène.

Je sais déjà que les gens au niveau de la base le savent même si le terme changement climatique n’existe pas dans nos langues nationales. On ne trouvera pas ce terme en bambara, en peul, maure, sénoufo, bobo ou autres en tant que tel. Mais ils ne l’ignorent pas pour autant, parce qu’il y a des faits constants.

Les paysans savent que le niveau de la pluie a diminué ou tout au moins qu’il y a une irrégularité de la pluie d’une saison à l’autre, ce qu’on appelle la variabilité climatique. Tous ces phénomènes sont déjà connus par nos populations rurales qui ont commencé à prendre des dispositions. Les experts nationaux et internationaux appuient cette capacité d’adaptation.

Les Echos :En tant que service technique, existe-il un dispositif juridique contre ceux qui agressent la nature ?

B. S. D. : Cela relève d’une autre compétence. Nous avons un spécialiste en droit de l’environnement. Mais je sais qu’effectivement, il existe des dispositions. Dans la convention dont je vous ai parlé, il y a le principe du « pollueur payeur ». Qu’il soit appliqué au Mali ou pas, il existe des sanctions contre ceux qui de par leurs fautes polluent l’environnement. Le Mali étant partie à cette convention, le principe est donc valable pour notre pays.

Propos recueillis par

Abdrahamane Dicko

06 Février 2009