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L’Union Soudanaise du Rassemblement Démocratique Africain (US-RDA) a mené le Mali à l’indépendance, en septembre 1960. Le parti géra le pays pendant huit ans avant de sombrer durant vingt-trois ans sous le régime militaire du général Moussa Traoré. Selon toute vraisemblance, sa gestion du pouvoir par Modibo Keïta est largement appréciée par les maliens. Mais le parti réanimé, en 1991, peine à s’imposer sur l’échiquier politique nationale. Plusieurs divisions ont émaillé son parcours de 1992 à 2002. L’UM-RDA (Union Malienne-RDA), créée en mai 2010 des cendres de l’US-RDA, connait à son tour des velléités. Dans cette interview, le président du parti, Bocar Moussa Diarra, livre son analyse et se prononce sur l’absence d’opposition au Mali.

Afribone : Avec vingt ans d’expérience démocratique, pourquoi le RDA qui réclame l’héritage des pères fondateurs du Mali, en l’occurrence Mamadou Tioulé Konaté et Modibo Keïta, n’arrive plus à s’imposer sur la scène politique ?

jpg_bocar.jpgBocar Moussa Diarra : L’Union Soudanaise RDA a été le parti de l’indépendance. Ce parti a fondé la République du Mali. Sa gestion a été bien appréciée par ceux que la République a servis. Néanmoins, le parti avait ses ennemis, tant au niveau interne qu’externe. Nous avons participé pendant vingt-trois années à la lutte pour renverser la dictature qui a fait un coup d’Etat contre Modibo Keïta. Nous sommes la cheville ouvrière du mouvement démocratique. C’est nous qui avons fondé l’Adéma et regroupé beaucoup de militants parmi les acteurs qui ont fait mars 1991.

A la veille des élections en 1992, l’US-RDA était la première force politique de ce pays. Après cette euphorie, nous avons connu des difficultés, des scissions qui ont affaibli le parti. Malgré l’air démocratique, le parti encore fragilisé n’a pu encore occuper la place qui lui revient. Conscient de ce parcours et suite à divers appels du regroupement, les partis issus du RDA ont décidé, après de longues négociations, de se mettre ensemble au sein de l’Union Malienne RDA. Nous avons réussi en partie cette union en l’élargissant même à d’autres partis politiques qui partagent nos valeurs. Pendant un an, nous avons œuvre pour réunir les militants des différents partis fondus. Et nous y sommes parvenus.

L’UM-RDA pourra-t-elle relever le défi de la solidité et de l’efficacité reconnues au parti pendant les années 60 ?

Nous devons être un parti d’avant-garde, de souveraineté. Ce n’est pas facile mais nous allons nous donner les moyens pour pouvoir assumer notre héritage.

Concernant cet héritage, est-ce que le RDA finalement n’a pas dévié des idéaux des pères fondateurs et perdu son identité ?

Non ! Nous n’avons pas du tout perdu notre identité ! Les concepts peuvent changer sinon nos valeurs restent les mêmes : la dignité, le sens de l’honneur, etc. Dans l’environnement politique actuel, on peut observer une dégradation du capital humain. Mais nous, nous nous battons pour renverser cette situation. Et un Mali qui gagne est un Mali d’hommes et de femmes bien formés, conscients de leur situation et qui s’engagent à améliorer les choses.

Que pensez-vous de la polémique autour de la mise en place de la Ceni ?

Je crois que les textes sont clairs. La loi électorale parle de répartition équitable entre l’opposition et la majorité. Nous avons tenu une réunion au cours de laquelle nous avons donné une (01) place à l’opposition et neuf (09) à la majorité présidentielle. Naturellement le Sadi n’était pas content. C’est son droit. Mais il est difficile d’interpréter des notions de ce genre.

Les Ceni précédentes ont été mises en place dans des contextes politiques très différents. Aujourd’hui, il n’y a quasiment pas d’opposition. Il n’y a que le Sadi qui est officiellement connu et peut-être le Bara. En face d’eux, il y a cent cinquante partis. C’est le consensus qui devrait prévaloir. Je dois préciser que les Ceni précédentes ont été mise en place de façon consensuelle.

On est obligé de tenir compte des rapports de force entre les partis politiques, ne serait-ce qu’à partir de leur nombre. Partant sur cette base, un siège attribué à l’opposition est un ratio appréciable si l’on veut faire l’effort d’accepter le consensus. Ce ne sera pas facile non plus pour la majorité de répartir neuf sièges entre plus de cent partis.

Un seul parti, voire deux, dans l’opposition sur la centaine de partis politiques, n’est-ce pas le retour au parti unique ?

Moi, j’évite les concepts de ce genre. La démocratie consensuelle existe ! Les gens ne doivent pas penser qu’il faut forcement deux pôles qui se déchirent. Non. Les pouvoirs traditionnels africains ne connaissaient pas d’opposition. Je ne pense pas qu’on devrait aussi reproduire de façon aveugle des schémas qui sont ailleurs. On peut parfaitement avoir une démocratie consensuelle où des gens font des choses ensemble dans le respect de chacun. Surtout la situation fait qu’on a un président [Ndlr : Amadou Toumani Touré] qui n’a pas de parti politique et qui est obligé de faire avec les partis politiques. Ça ne peut qu’aller vers le consensus.

La démocratie consensuelle est une expérience que nos pays ne peuvent pas se priver de vivre. Est-ce qu’il y a une pensée unique ? Je ne sais pas ce que cela veut dire. Ce sont les partis qui ont décidé souverainement de suivre les principes de gestion d’un homme. On ne peut pas les condamner pour cette décision.

Propos recueillis par

Seydou Coulibaly

22 Juillet 2011