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Troisième sur le podium à Kayes, Gao n’a pas été tendre avec les différents régimes qui se sont succédé au Mali. Dans ses oeuvres, il fait leur procès sans complaisance.

Accusé, levez-vous ! C’est le sujet proposé et mis en scène par les comédiens de la Cité des Askia. Un thème qui nous renvoie à la commémoration des 50 ans de l’indépendance de notre pays où les fous du Centre de santé mentale ont été oubliés. Pour rappeler aux hommes normaux leur discrimination, ils décident de célébrer les 50 ans d’existence de leur centre qui s’appelait, au temps du colon Cabanon. Comme invités d’honneurs, ils évoquent les esprits afin de leur envoyer des représentants. Célébrant le cinquantenaire à leur manière, ils font le procès du cinquantenaire du Mali.

Ainsi, au lendemain de notre indépendance, disent-ils, le Mali était envié sur tous les plans. Aujourd’hui, il s’est transformé en un hippopotame qui sort de l’eau et va très loin, mais il broute en reculant dans l’eau. Pour Gao, les cinquante ans du Mali correspondent à seulement 25% du développement qu’il fallait. Le Mali est aussi celui des vautours qui ont chassé tous les charognards du pays.

La corruption et la délinquance, le manque de crédibilité de la justice, la crise scolaire, le trafic de drogue, sont les maux dénoncés par les comédiens.  » Oser juger, c’est oser dire la vérité  » ou encore  » détourner l’argent du Fonds mondial équivaut à manger la chaire humaine « , disent-ils.

Cette pièce a du mérite, mais les acteurs n’ont pas pu se départir du texte en mettant en jeu leurs talents artistiques et comiques. Le ballet intitulé «le salaire de la honte» retrace, à travers différents scénarii, les biais par lesquels les produits prohibés et leurs dérivés traversent les postes frontaliers sous le regard dubitatif des forces de sécurité frontalières. Ce trafic s’effectue par le canal de cyclistes déguisés en agriculteurs qui, au retour du champ dissimilent les produits dans les loques, dans les pneus pour ensuite les acheminer au chef du réseau. Grâce à une bonne organisation du réseau, les adeptes sont servis à travers  » mot de passe  » et cela jusqu’à l’école. Le ballet souligne les méfaits de cette pratique.

La danse traditionnelle, tâgut, est une danse des possédés, soutenue par une musique culturelle commune aux Sonrhaïs et surtout aux Bellas. Cette musique est liée au culte des génies de l’eau et de la brousse et est inspirée d’un rite complexe qui allie croyance religieuse et pratiques magiques. L’originalité de l’œuvre a été saluée par les spectateurs.

Le solo de chant avait comme titre : «Préserve-toi». Il est indubitablement une leçon de morale qui invite tout un chacun à une reconversion de mentalité de ceux qui veulent bafouer leur dignité au profit des intérêts artificiels et éphémères, de ceux qui n’ont pas de morale. Par conséquent, il lance un appel solennel aux autorités afin de mettre fin au népotisme et à la délinquance financière. La prestation de la soliste n’a laissé personne indifférent.

L’ensemble instrumental, Taoussa, rend un vibrant hommage aux autorités actuelles de notre pays pour les efforts consentis en la faveur de la pose de la première pierre du barrage de Taoussa : ouvrage de l’espoir de tout un peuple qui sera le levier d’une agriculture intensive, d’un commerce et d’un artisanat fortifiés. Il exhorte les hommes et femmes à plus d’engagement, de détermination et de dynamisme pour relever le défi de la réussite. Le chœur s’intitulait «Où en sommes nous ?» C’est un récit du cinquantenaire du Mali. Il chante les grandes réalisations des différents régimes et appelle la nouvelle génération à la préservation et à la consolidation des acquis.

L’orchestre moderne, qui a été bien ovationné rappelle dans son premier morceau les piliers de la famille. Son second titre rend hommage au royaume Songhaï.

…Tombouctou ouvre le débat sur le Code de la famille

La cité des 333 saints défendait son titre, le vendredi 24 décembre, devant le jury au stade Babemba Traoré. Sa pièce de théâtre ouvre le débat sur le Code de la Famille. Les hommes de Tombouctou ne sont pas prêts à recevoir le Code, même si les femmes mourraient…

Dans son premier morceau, l’orchestre de Tombouctou a chanté Alhamdoulilahi ou gloire à Dieu. Dans ce titre, il rappelle que le pays a connu, dans un passé récent, une situation, de conflits qui a mis dos à dos certains fils du pays. Grâce à Dieu et la patience des responsables, ce phénomène est rangé dans le placard des oubliettes.  » Nous sommes dans un pays de droits « , dit la chanson et tous les problèmes doivent trouver leur solution au regard des lois et règles régissant le pays. Le second titre  » Mon mari « , qui raconte l’histoire d’un homme pauvre à la recherche du bonheur. Il est tenté par l’immigration. Sa femme l’en dissuade.  » Le bonheur, c’est ici et non ailleurs. L’étranger ne sera jamais la solution « , lui dit-elle, avant de l’inviter au courage, à l’abnégation et au travail dans son pays. L’orchestre a séduit les spectateurs grâce au maintien de son régime du début à la fin.

La danse «Takirya», symbolise la sagesse et elle se danse pendant les cérémonies du mariage (7ème jour) où les camarades se retrouvent chez le marié pour lui souhaiter la bienvenue dans son foyer et lui prodiguer des conseils pour un bon mariage. Avec le titre, «Savoir où es tu passé ?», l’ensemble instrumental traite les maux qui minent notre système éducation.

Quant au solo de chant, Wadjou ou conseil, il traite un thème social, donne des conseils aux femmes dans les foyers. Pour certaines, le mariage est un calvaire en raison des actes injustes des hommes qui doivent savoir que la polygamie est tolérance mais pas injustice.  » Le mariage est un bien précieux qui doit être préservé « , conseille le titre. La prestation soliste a beaucoup impressionné les observateurs.

Le chœur fait le bilan et les perspectives du cinquantenaire. Il rappelle que le Mali a hérité des grands empires qui furent sa fierté. Il retrace ensuite les grands chantiers pour le développement du Mali sur les plans économique, social et culturel des trois Républiques. Le ballet est acceptable, mais a connu une baisse de régime vers la fin du titre. Le ballet avait comme titre : A qui la fille du roi ? C’est une légende tirée du terroir qui montre que nul ne peut se suffire à lui seul, même le roi. Le ballet qui était bien parti a connu une baisse de tension au milieu de sa prestation.La pièce de théâtre a développé le thème « Au nom du père, de la mère, du fils, des lois et de la tradition « . Cette oeuvre la porte d’une famille malienne sur un sujet qui a mis aux prises le gouvernement et certains religieux : le Code de la famille. Dans la pièce, les hommes se sont catégoriquement opposés à l’adoption du Code, malgré les multiples tentatives des femmes à les convaincre. Elle traite également d’autres thèmes comme la corruption, la politique, la situation actuelle de l’école et l’injustice sociale. La faiblesse de l’œuvre réside dans sa chute où elle a soulevé des problèmes sans proposer de solutions.

Soumaila GUINDO

Envoyé spécial

27 dec 2010